
En Israël, le pouvoir, le vrai, n’est pas dans le bureau du Premier ministre. Il est dans l’armée et dans la magistrature. Mais cela est en train de changer.
Quand le Hamas a attaqué Israël, le 7 octobre 2023, Benjamin Netanyahou, premier ministre, était déjà sur la défensive. L’armée et la magistrature s’étaient liguées contre lui. S’ajoutait maintenant un autre problème plus existentiel encore, défaire le Hamas, le Hezbollah et l’Iran.
Deux ans après, en novembre 2025, le Hamas est toujours là, mais les positions politiques de l’armée et de la justice sont – au plan intérieur – singulièrement affaiblies.
Netanyahou reprend la main sur l’armée
Début 2023, quand le gouvernement Netanyahou a entrepris de voter des lois destinées à recadrer le pouvoir proliférant de la Cour suprême, de violentes manifestations ont éclaté. Semaine après semaine, des mois durant, la gauche a envahi la rue, entretenant un climat quasi insurrectionnel contre le gouvernement qu’elle cherchait à renverser, l’accusant d’être aux mains des ultra-religieux et de l’extrême droite.
Parmi les manifestants figuraient des milliers de réservistes qui estimaient la « démocratie » en danger. Ces militaires de réserve ne voulaient plus, disaient-ils, « servir un régime dictatorial ». « Si l’État manque à ses obligations, alors les réservistes ne se sentiront pas tenus de respecter les leurs. »
En principe, la hiérarchie militaire aurait dû sévir. Comme l’explique l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS) , « les Forces de défense israéliennes sont soumises au pouvoir politique et n’ont pas vocation à jouer les gardiennes de la démocratie ; (…) l’armée ne définit ni la démocratie ni les valeurs de la nation ; celles-ci sont déterminées par les citoyens, par l’intermédiaire de leurs représentants élus lors d’élections libres et équitables à la Knesset. »
Mais la hiérarchie militaire n’a pas bougé le petit doigt ni rappelé les réservistes à l’ordre.
Lorsque le Hamas a lancé son attaque meurtrière sur Israël, le 7 octobre 2023, cette armée toute puissante au plan intérieur a failli. Elle n’était pas sur le terrain. Elle a mis des heures à se mobiliser pour repousser les assaillants – nul ne sait encore pourquoi –. Et les services de renseignement civils et militaires, eux aussi tout-puissants au plan intérieur, et eux-aussi hostiles au gouvernement, se sont retrouvés sur la sellette. Pourquoi n’ont-ils rien vu venir ?
Dans l’urgence de lutter contre le Hamas, mais aussi le Hezbollah et l’Iran, Benjamin Netanyahou s’est focalisé sur la guerre. Il a laissé les dirigeants militaires en place. Mais progressivement, au cours de ces deux années de guerre, il a modifié les organigrammes.
- En avril 2024, Aharon Haliva, chef des renseignements militaires, a été limogé. Il a reconnu sa responsabilité dans le désastre du 7 octobre.
- En mai 2024, Yoram Hémo, membre du Conseil national de sécurité, a quitté ses fonctions. Il s’était montré critique sur la gestion de la guerre contre le Hamas.
- En juin 2024, Netanyahou a dissous le cabinet de guerre après le départ de Benny Gantz et Gaby Eizenkot, deux généraux d’opposition. Leur départ a rendu la structure inutile et surtout lui a laissé les mains libres.
- En juillet 2024, Yehuda Fuchs, commandant de la région Centre, a quitté ses fonctions. Il était connu pour s’être opposé violemment aux implantations juives en Judée-Samarie.
- En novembre 2024, le ministre de la Défense Yoav Gallant est limogé. Cet ex-militaire s’était opposé publiquement à Netanyahou au moment de la réforme judiciaire. Puis, après le déclenchement de la guerre contre le Hamas, Gallant, alors ministre de la Défense, s’est fait le porte-parole de l’état-major : il a réclamé un plan pour l’après-guerre (que Netanyahou ne voulait pas donner) et s’est opposé publiquement « à tout contrôle militaire et civil israélien » sur la bande de Gaza. La coupe était pleine : Netanyahou l’a exclu du gouvernement.
- En mars 2025, Herzi Halévy, chef des armées et opposant notoire à Netanyahou, a quitté ses fonctions. Il a cédé son poste à Eyal Zamir, une militaire moins hostile à Netanyahou.
- En mars 2025, Eyal Zamir a lui-même mis un terme aux fonctions de Daniel Hagari, porte-parole de l’armée. Ce dernier n’a pas été promu général comme prévu et a même dû quitter l’armée. Daniel Hagari avait déclaré publiquement que le but de guerre de Netanyahou — détruire le Hamas — était « de la poudre aux yeux (…). Le Hamas est une idéologie, nous ne pouvons pas éliminer une idéologie. » Un mois auparavant, le même Hagari avait déclaré qu’« pour éliminer le Hamas, il fallait une alternative ».
- En mars 2025, Benjamin Netanyahou a fait voter la révocation de Ronen Bar, chef du Shin Bet, des services de renseignement intérieurs. Motif: “manque de confiance”. Ce dernier, opposé à la politique de Netanyahou, portait la responsabilité de n’avoir pas anticipé la guerre déclenchée par le Hamas, le 7 octobre. Mais la Cour suprême a suspendu la décision et interdit au Premier ministre de nommer un successeur. Après des semaines de tension entre l’exécutif et le judiciaire, fin avril, Ronen Bar a annonce sa « démission ».
- En octobre 2025, Tzachi Hanegbi, chef du Conseil national de sécurité, a été limogé . C’est un proche de Netanyahou qui lui succède.
- En octobre 2025, il apparaît que le ministre de la Défense, Israël Katz, a retardé les nominations au sein de l’armée. Traditionnellement, Tsahal nomme ses propres chefs. Désormais, le pouvoir politique montre qu’il n’entend pas laisser des coteries et des clans se mettre en place au sein de l’armée.
Il n’est pas interdit de penser que Tsahal a cessé d’être un État dans l’État.

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