
C’est étrange comme on peut devenir une insulte simplement en existant. Tu ouvres les yeux, tu respires, tu construis quelque chose — une maison, une idée, un pays — et voilà qu’on t’en veut. Pour ta respiration. Pour ton entêtement à rester là. À ne pas disparaître proprement, discrètement, comme une bonne victime. Ça les arrangeait, le souvenir. C’était commode, un peuple mort. On pouvait le pleurer à l’aise. Mais vivant, debout, armé ? Ah non. Là, ça dérange.
Je ne sais pas comment on en est arrivé là. Peut-être qu’on a été trop polis. Trop civilisés. Trop patients. On a cru que si on expliquait bien, si on parlait doucement, le monde comprendrait. Grave erreur. Le monde ne comprend que ce qui le rassure. Et nous, on le dérange. On rappelle que la honte n’est pas également répartie. Que l’histoire a des dettes qu’on n’a jamais réglées. Et surtout, qu’on ne se laissera plus faire. Voilà notre vrai crime.
Il paraît qu’on est trop durs. Trop fiers. Trop nous. On aurait dû se diluer, s’effacer, devenir universels, humanistes, végétariens. Mais on est restés tribaux. Avec nos coutumes, nos prières, nos morts, nos frontières. On est restés vivants. Et ça, c’est impardonnable.
Alors on nous regarde de travers. On nous accuse. On nous juge. Chaque pierre qu’on pose, chaque balle qu’on tire pour se défendre, chaque silence qu’on garde — tout devient suspect. On nous traîne devant le tribunal de ceux qui n’ont jamais eu à se battre pour avoir le droit de vivre.
Mais il y a quelque chose qu’ils ne comprennent pas. C’est qu’on ne tient pas debout pour impressionner qui que ce soit. On tient debout parce qu’on a promis. Pas à un gouvernement, pas à une commission, pas à un public — mais à nos morts. À nos mères qui priaient dans la cuisine. À nos grands-pères qui bégayaient en yiddish dans les rues de Varsovie. À nos enfants qu’on veut voir courir dans un pays à nous, sans avoir à demander pardon pour leur joie.
Ce n’est pas de l’héroïsme. C’est du service après-vente. On a survécu, maintenant il faut assumer.
On est seuls ? Très bien. On a l’habitude. On a été seuls dans les ghettos, seuls dans les trains, seuls dans les camps. Alors seuls dans les votes de l’ONU, franchement, ça ne nous impressionne pas. On a appris à compter sur moins nombreux que ça.
Et puis il reste la mère. Toujours. La mère juive, ce concept stratégique que personne n’a jamais su bombarder. Elle ne parle pas de politique. Elle ne fait pas de déclarations. Elle prépare un couscous et elle te dit d’être gentil, mais pas trop. Parce qu’elle sait. Elle a vu. Elle a pleuré assez de fils pour ne pas s’excuser de vouloir en garder quelques-uns en vie.
Alors on avance. On se fait insulter, menacer, isoler. Mais on avance. Parce qu’on n’a pas d’autre choix. Parce qu’on est le choix. Parce que même si le monde se détourne, on a encore un avenir à bâtir, un livre à écrire, une langue à parler. Et des enfants à protéger de l’amour conditionnel qu’on nous propose.
On ne demande pas d’être aimés. On demande juste qu’on nous laisse aimer. Notre peuple, notre pays, notre mémoire. Et tant pis si ça déplaît.
Ce n’est pas la première fois qu’on est seuls. Ce ne sera pas la dernière. Mais cette fois, on est armés. Cette fois, on est debout. Et cette fois, si on tombe, ce ne sera pas sans répondre.
© David Castel

Bravo bravo bravo. Un texte qui ne s excuse pas qui dit clair et fort. STOP à votre haine lâcheté hypocrisie. Ça fait du bien
J’ai visité Israël pour la première fois il y a …enfin longtemps, j’étais une jeune fille. Depuis, j’aime ce pays. Je l’admire. J’admire ce peuple qui dans l’adversité, au milieu d’ennemis et avec le souvenir d’une histoire tragique, a gardé son humanité. Am Israël chai.
Je suis ému en lisant ce texte. Et puis je suis en colère . Ce sont des phrases intelligentes et sensibles et on s’adresse à des brutes et des salauds !
Moi je leur dirai en face que ce sont des nuls et des jaloux !
Nous sommes très bien et nous sommes la meilleure part de l’Humanité avec d’autres aussi bien que nous et c’est ce qui explique notre amitié !
Oui ! Vous êtes seuls face à un monde qui vous déteste pour ce que vous êtes, seuls face à ces nations qui crèvent de jalousie de n’être à la hauteur de votre humanité, de votre courage et votre dignité à rester debout malgré les missiles et roquettes. Moi qui ne suis pas juive, j’ai le coeur en lambeaux face à ces actes d’antisémitisme qui jalonnent l’actualité au quotidien et qui rappellent ces siècles de pérsécution, de pogroms, ces années sombres du nazisme dont on ne peut sortir indemne après avoir pris connaissance de son Histoire. Vous n’êtes pas seuls. Je ne suis qu’une vieille dame, une anonyme qui, toujours, partout, sera à vos côtés, là où il faut s’élever pour dire non à la haine des juifs ! Fière de défendre votre peuple, votre pays. Vous êtes vivants, vous le resterez quoi qu’il advienne !
Le courage, la ténacité, la mémoire, c’est pas du bluff c’est l’amour de la Vie, l’amour pour ses enfants pour son peuple debout, pour Israel.
On peut comprendre ce raisonnement quand on se rappelle toutes les indignités et les souffrances que les Juifs ont vécues depuis des centaines d’années.