Sergent-Chef ראשי סמל

Rika Zaraï. Photo © Lionel Bonaventure

          D’aussi loin qu’il me souvienne… Quel âge pouvais-je avoir ? Quatre, cinq ans peut-être… Ma première confrontation au mot Israël remonte à la découverte d’une chanteuse de variété. Mon père avait acheté son dernier single (45 tours, disait-on à l’époque) sur lequel figurait le titre Alors je chante. Très vite, je m’intéressai davantage à la face B, Un mur à Jérusalem, dont la force des paroles était soulignée par une mélodie plus lente. Ce disque, je l’ai toujours. Un nom apparait en lettres jaunes sur le fond noir d’une pochette écornée. Rika Zaraï.

          Nous allions à la messe chaque dimanche en famille et, malgré mon jeune âge, Jérusalem m’était connue parce que régulièrement citée lors du prêche. L’entendre ainsi chantée par Rika Zaraï relevait d’une prière païenne, d’autant que les médias y faisaient également référence par évocation de la Guerre d’Usure qui opposa Israël à l’Égypte entre mars 1969 et août 1970.

          Je compris très tôt qu’Israël était un pays différent. Son énoncé suggérait une nuance fondamentale avec les autres, puisqu’elle le privait d’article défini. On ne dit pas « l’Israël » comme on dit « la France », « l’Allemagne » ou  « les USA », mais simplement « Israël », personnifiant le lieu à la manière d’un espace vivant.

          Israël… Jérusalem… Bethléem… Les noms bibliques rimaient et je les retenais, forçant l’admiration de tous. Mes facultés devaient toutefois davantage à Rika Zaraï et aux homélies qu’à l’intelligence mémorielle que l’on me prêtait avec un enthousiasme excessif. 

          La curiosité est l’insatiable appétit de l’enfance, et j’interrogeais mon entourage sur ce pays sans que personne ne sût concrètement me répondre. Pire ! Chaque fois, les adultes semblaient gênés. Cet embarras accentua ma volonté de savoir pourquoi six lettres marquaient l’espace (la radio, la télévision, les chansons…) et le temps avec une telle force qu’elles trouvaient place en moi comme un étrange leitmotiv. Mais, à cet âge l’esprit vacille sans s’affaiblir, il se gausse du savoir et de la connaissance, et Israël disparut à mesure que mon fond de discothèque évinça Rika Zaraï au bénéfice d’artistes moins conventionnels.

          J’appris cependant plus tard que « ma » Rika était réserviste de l’armée israélienne avec le grade de sergent-chef. Mon père, ancien para, m’expliqua avec bonheur la différence entre les insignes militaires. Je sus tous des sergents chefs et réservistes. Raison supplémentaire pour stimuler en moi un regain d’intérêt, fasciné par ce pays où les femmes portaient galons et épaulettes militaires bien avant les Françaises.

Jérôme ENEZ-VRIAD

© Juin 2022 – J.E.-V. & Tribune Juive

Jérôme Enez-Vriad. Photo Matthieu Camile Colin

Jérôme Enez-Vriad, Producteur et chroniqueur culturel, est auteur, notamment de Berlin : La frontière de nos jours, et Shuffle: journal devenu roman

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1 Comment

  1. Esa curiosidad tan tuya que nos contagias cada vez que leemos tus artículos…enhorabuena por esta nueva colaboración que nos deparará más oportunidades para disfrutar con tu escritura, Jérôme Enez-Vriad!!!

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