Israël doit gagner la bataille de l’opinion, le troisième front

Francis Moritz

Aux échecs, on prétend que celui qui veut gagner la partie anticipe le coup d’après.  Sans revenir sur l’horreur du 7 octobre et les événements qui suivent, la question se pose chaque jour avec plus d’acuité.

Les obstacles extérieurs

La première réaction de la grande majorité des dirigeants du monde a été la condamnation du Hamas, sans nuance. Depuis on assiste à un déchainement de manifestations d’obédiences diverses en Occident comme en Orient, au “soutien des Palestiniens”. Trois semaines plus tard,  l’amalgame est effectif : les terroristes du Hamas sont devenus les combattants de la résistance palestinienne.   Certes, Israël a bien le droit de se défendre mais  EN MÊME TEMPS, sans préjudice pour les civils. Les appels à une trêve humanitaire ou à un cessez le feu se font de plus en plus pressants, repris par ces mêmes dirigeants en mal de soutien dans leur pays et effrayés par les vagues d’antisémitisme que ce conflit – importé de longue date – soulève. C’est devenu un tsunami, auquel s’ajoutent les appels des familles d’otages, ce qu’on comprend bien évidemment.

Face aux pressions

Israël résistera car il s’agit d’une question existentielle, mais l’environnement international change rapidement. On est à moins d’un an de l’élection présidentielle en Amérique. Les élections européennes se tiendront le 9 juin pour élire les 81 députés européens de la France au suffrage proportionnel à un tour.  Les monarchies arabes sunnites craignent les foules chiites.

Le passé a déjà montré qu’Israël avait gagné sur le terrain et perdu au plan diplomatique. La trop fameuse question de la Hasbara (explication) est d’actualité.  On en est venu très rapidement à transformer la victime en agresseur qui colonise, qui tue les enfants, qui affame la population, qui bombarde les hôpitaux. On vient d’inventer la “guerre propre”, celle qui ne fait pas de victime. Sans doute comme celles menées en Ukraine, au Yémen, au Soudan, en Irak, en Afghanistan, et durant la deuxième guerre mondiale à Dresden, à Hiroshima, à Nagasaki, au Vietnam. Que des guerres propres.  On s’époumone à évoquer les lois de la guerre. On fait référence “aux droits de l’homme”. Le mot “terroriste” ne semble plus faire partie du lexique onusien, à entendre son secrétaire général. Il a été remplacé par “résistant”.

Israël doit faire face au tribunal de “l’opinion publique” dont la mémoire lui sert surtout à oublier rapidement.

Un mois plus tard, on constate que le pogrom du 7 octobre est presque passé aux oubliettes. La plupart des télévisions, des radios et de certains chroniqueurs martèlent à chaque émission la catastrophe humanitaire, le cimetière des enfants, les blessés, les hôpitaux en péril. Heureusement, il reste encore quelques médias objectifs qui relatent les faits.  Des millions de personnes, certainement touchées par les atrocités du 7 octobre, se transforment rapidement en adversaires véhéments de l’état hébreu et des Juifs. On écoute les chiffres avancés par le célèbre ministère de la Santé du Hamas qui tire plus vite que son ombre. On en a presque oublié le bombardement de l’hôpital qui sert de QG souterrain aux terroristes, attribué à Israël qui aurait fait 500 morts, que les hommes politiques de tous bord et les médias avaient repris en chœur sans aucune vérification.

On en aurait presque oublié le double standard, faveur appliquée à l’état hébreu. Faites ce que nous vous disons, mais ne faites pas ce que nous avons fait ou faisons encore. L’antisémitisme est désormais amalgamé avec l’antisionisme et l’anti-israélisme. À bas les Juifs !

Les obstacles intérieurs

Au fil des années, devant le double standard permanent auquel il est confronté, Israël a fini par manifester une forme d’indifférence (la Hasbara) considérant que quoi qu’on dise ça ne changera rien.

Mu par une retenue et un respect des victimes affreusement assassinées, mutilées, brulées et par respect des familles, Israël s’est abstenu de diffuser les films pris par les terroristes à l’aide de caméras en direct. Sans doute pour montrer à la famille en mal de distractions ? Ce qui commence à changer puisque la presse en Israël et ailleurs a pu visionner un film qui retrace la boucherie du 7 octobre. Ce n’est pas suffisant.

La politique des implantations menée en Cisjordanie fait le plus grand tort à l’image d’Israël et donne du grain à moudre à ceux qui taxent Israël “d’état raciste qui pratique l’apartheid”. L’armement forcené des habitants des implantations a déjà entrainé plusieurs drames, qui dressent la population de ces zones contre les autorités. Les images diffusées en témoignent.

Trois propositions pour relever ce défi du troisième font international

Les objectifs

Il y a eu plusieurs déclarations sur L’APRÈS, qui créent la confusion dont on pourrait se passer. Plutôt que d’être confus sur ce futur encore mal défini, Israël devrait très clairement exposer ce qu’il ne fera pas. Précisément :

Il n’occupera pas Gaza.

Il n’expulsera pas ses habitants, contrairement à ce que certains responsables politiques, irresponsables, veulent accréditer.

Il ne conservera pas partie de Gaza sous son contrôle.

Tout doit être explicite et ne pas donner lieu à des cafouillages entre ministres incompétents en mal d’égo, s’autorisant à faire des déclarations contradictoires et dangereuses. 

Il faut faire très distinctement la différence entre l’organisation terroriste le HAMAS et le peuple palestinien. Rappeler en toutes lettres, document à l’appui, le programme du Hamas lors de la dernière élection il y a 17 ans, notamment la lutte contre la corruption et une gouvernance pour le bien du peuple. C’est en 2007 qu’il a pris le pouvoir par un coup d’état en chassant et massacrant tous ses adversaires politiques dont le Fatah. Clairement les Palestiniens n’ont pas pu faire un choix démocratique. Hamas lui a imposé par la peur et les menaces sa théocratie dictatoriale qui ne permet aucune liberté d’expression.

Les Palestiniens ont subi un matraquage idéologique, qui ne leur permet pas, dans les circonstances actuelles, d’admettre que l’action d’Israël est exclusivement tournée contre le Hamas. Laquelle les libérera de la férule implacable qu’ils subissent depuis 17 ans. Il est certainement vrai qu’il existe un groupe de partisans fanatiques qui soutient les terroristes mais il est minoritaire.

Israël doit expliquer sans relâche toutes les mesures qui sont prises pour sauvegarder au maximum les vies humaines des civils, à l’exceptions des terroristes. Sans relâche exposer l’énorme différence entre la méthode d’Israël et celle des djihadistes assassins d’enfants, de nourrissons.

Insister sur le ciblage très précis des frappes aériennes, l’ouverture renouvelée de passages de sécurité pour permettre aux civils de sortir des zones de combat. Permettre sous son contrôle l’approvisionnement en produits de base, en collaborant s’il est possible avec les ONG sous réserve qu’elles ne soient pas sous la coupe du Hamas encore présent. La question des fournitures de carburant est un point critique. On sait très bien que le Hamas n’a pas cessé de le détourner à son profit. Peut-être qu’Israël qui contrôle une partie du nord pourrait aussi envisager de telles fournitures ?  Ce serait compliqué, mais créerait un choc positif à tous égards.

Conclusion

Pour les antisémites idéologiquement convaincus, cela ne changera rien. En revanche, il s’agit de reconquérir le soutien ou la neutralité de millions d’autres personnes facilement convaincues par la propagande du Hamas et de ses nombreux relais dans les médias.  Il faut gagner le cœur et l’esprit de tous ceux qui dans le doute et faute d’une autre information se laissent facilement persuader de l’agression israélienne contre Gaza ex nihilo, alors qu’en fait il s’agit d’un miroir en temps réel et grandeur nature de ce qui menace l’Occident et la France plus particulièrement, où le ver est déjà dans le fruit. C’est le pays d’Europe où ont eu lieu le plus grand nombre d’actes antisémites et de meurtres de Juifs, parce que Juifs.

Ne rien faire c’est laisser l’initiative aux islamogauchistes qui s’attaquent aux valeurs de la démocratie pour la détruire.

© Francis Moritz


Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme “Bazak”, en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion.  Ancien  cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine.

       Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps


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