Interview de Fredi Ovicz pour “Tribune Juive”. Par Daniella Pinkstein. En hébreu et en français

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Et maintenant même que le pire était devenu le pire des pires, maintenant que les pressentiments les plus perspicaces s’effaçaient sous les plus aveuglantes évidences du Mal, une sorte de présence sereine m’habitait, comme si tant de calamités n’avaient que fait mûrir en moi, inconsciemment, des certitudes anciennes, qui demanderaient, à ma pensée, une expression rajeunie.

Et je suis contraint de resonger à hier, de me réintégrer à l’Histoire, de me refaire présent à l’avenir, de poursuivre jusqu’à la fin des temps ce rêve d’Israël, qui ressuscite, malgré moi, de toutes mes ruines. Et je vois se lever, de lointains en lointains, des générations d’enfants ignorés, qui, en commençant leurs vies, recommencent la mienne !

L’aveugle visionnaire, Edmond Fleg.

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Interview de Fredi Ovicz pour Tribune Juive

Lundi 6 mai 2024

Jour de Yom HaShoah

Haïfa

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Fredi Ovicz

Tout d’abord vous remercier d’avoir accepté cette interview. En effet, combien était inattendue notre rencontre, et ce que j’allais apprendre de votre histoire. Votre nom, Ovicz, est resté gravé dans l’histoire juive, votre famille ayant en effet traversé et survécu à l’enfer, donnant au monde une incomparable leçon. Ils étaient originaires d’une petite ville de Transylvanie, Rozavlea, qui fut d’abord hongroise, puis roumaine, puis à nouveau hongroise, puis aujourd’hui roumaine, comme ces villes mouvantes de l’ancien Empire Austro-hongrois, de ces villes dans lesquelles les juifs étaient nombreux, actifs, vivants. En 1944, tout le village dont votre famille fut déportée à Auschwitz. Votre famille possédait cependant une particularité, et c’est cette terrible particularité qui miraculeusement les a sauvés de la mort. Si l’on regarde aujourd’hui leur destin, comme il poignant de constater combien ils nous sont proches, combien ils représentent le destin des juifs, mais aussi d’Israël tout entier, combien ils sont exemplaires de la tragédie de ce peuple et du miracle lumineux qui le fait, en dépit de tout, avancer. Votre arrière-grand père,  Shimshon Eizik Ovitz, atteint de dysplasie spondyloépiphysaire, pathologie de la colonne vertébrale entrainant un blocage de la croissance, (l’une des formes de nanisme), aura dix enfants, dont 7 seront touchés par cette affection. De son premier mariage, leurs deux enfants, Rozika et Franzika, souffriront de nanisme, puis du second lit, Léah, Aryeh et Sarah seuls seront de taille normale, Avram, Freida  Micki, Elisabeth et la petite dernière de la famille Ovitz, Piroska surnommée Perla, seront tous nains. Et Josef Mengele en fit ses délices. Pendant cette année d’enfer, ils n’échappèrent à aucune de ses expérimentions sadiques et à toutes les formes d’humiliations publiques. Mais ils échappèrent à la mort. Après guerre, revenus dans un Rozavlea dévasté, où 50 juifs seulement avaient survécu, ils embarquaient tous ensemble à Marseille en destination du port de Haïfa. Le 4 mai 1948, ils fêtaient la naissance d’Israël et leur propre renaissance au beau milieu de la Méditerranée. Ils continuèrent à Haïfa leurs spectacles musicales d’antan, d’avant -guerre, jusqu’en 1955 où leur fut alloué le très célèbre Cinéma “Carmel Garden”, dans lequel étaient projetés des films inédits. Un destin, le leur, à l’image aussi de ces juifs qui sont là, aujourd’hui, ceux qui se battent en Israël, pour que nous existions demain. 

Rien ne vous distingue, cher Fredi Ovicz, de tout autre israélien, si ce n’est que le jour où vous m’avez raconté votre histoire, dans un lieu de la vie courante, – un bureau de banque – ! j’ai soudain vu dans vos yeux ce que le mot “Peuple” soulève encore. Avec la force de géants.

Rozika et Franzika, Avram, Freida  Micki, Elisabeth et la petite dernière Perla Ovicz 
De gauche à droite, Frida, Roza, Micki, Perla, Elizabeth, Sarah et Yoshko, mari d’Elisabeth 

1/- Dans la lignée de la famille Ovicz, où vous situez vous ? Et qui vous a instruit de leur histoire ?

Shimshon Eizik Ovitz était mon arrière-grand-père. L’une de ses filles, Léa, est la mère de mon père. Léa était l’une des sœurs de cette fratrie de 10 frères et sœurs, dont trois étaient de taille normale (Léa, Aryeh, Sarah), les autres étant tous nains.

L’histoire a bien sûr été moult fois racontée par mon père et par sa famille, principalement, à travers Perla, Elizabeth et Sarah qui étaient encore en vie durant mon enfance. Tous m’en faisaient le récit à nos rencontres. Ils parlaient systématiquement de leur histoire à chaque réunion de famille. Il ne pouvait y avoir de rassemblement possible sans évoquer les événements passés.

J’ai également été témoin de l’écriture du premier livre d’Elizabeth – “La Grâce du Diable” ((חסד השטן.

Mon père, qui se nomme aussi Shimshon est le jeune plus survivant d’Auschwitz. Il fut déporté à l’âge de 9 mois.

Shimshon Ovich, père de Fredi Ovicz, avec encore la trace de son matricule tatoué sur le bras, alors qu’il fut déporté nourrisson

2/ – Est-ce qu’un tel héritage, à la fois hors du commun et en même exemplaire de la destinée juive dans son ampleur tragique et miraculeuse, fut décisif dans vos choix, dans votre vie ? 

Oui, bien sûr. Pareil « héritage » affecte grandement votre façon de vivre, forme votre caractère et surtout votre perception de la vie.

Savoir que ces personnes naines, nées à une telle époque, n’ont survécu que par les travaux de recherche de Mengele, et son ambition de les voir perpétuer encore pour les 20 ans à venir, comme il s’en vantait auprès d’eux, cela vous confère une perspective particulière sur la vie, le destin humain et plus précisément sur ce que nomme la « prédestination ». 

Il n’y a pas de hasard dans la vie, tout se produit par une combinaison minutieuse.

3/- Votre relation à Israël porte-t-elle aussi cette singularité ?

Oui absolument. J’ai un lien très fort et enraciné avec ce pays, et le fait qu’il s’agisse de l’État juif y donne une signification d’autant plus importante, démultiplié depuis ce 7 octobre.

Nous n’avons pas d’autre pays – point final.

4/ – Après le 7 octobre, nous juifs européens avons eu le réflexe de croire, pourvus de cette mémoire fossilisée que nous portons malgré nous, que nous pourrions être d’un certain secours psychologique face à l’énormité de ces événements. Les faits nous donnent tort, – quoiqu’en pensent ceux qui continuent ici à pérorer – le courage immédiat des jeunes israéliens face à l’abîme, leur lucidité en dépit de tous les dangers, nous exhorte à l’inverse à comprendre toute la nation d’Israël, pour comprendre en retour qui nous sommes et voulons être. Tous. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur les juifs de Galout ? Pensez-vous que leur aide est possible ? Et en quels termes ?

Il est, d’une part, essentiel que des juifs soient encore en Galout, de sorte que nous ayons toujours des représentants à des postes clés, que des juifs dans des positions influentes puissent continuer à nous appuyer d’un point vue économique ou politique, comme c’est le cas actuellement aux États-Unis. L’électorat juif aux États-Unis (environ 5 millions selon moi) pèse sur les élus, – heureusement du reste, car sans eux, ces mêmes élus ne se seraient guère soucier d’une minorité sans pouvoir électoral et ils n’auraient pas été amenés à voter des lois ni en leur faveur, ni en faveur de l’État d’Israël, tant d’un point vue économique que militaire; il est donc très important qu’ils soient présents en diaspora et demeurent nos représentants, c’est là pour moi leur façon de servir et de contribuer au pays. D’autre part cependant, quand je lis des articles dans la presse israélienne sur ces Juifs en Suède (à Malmö en particulier) qui craignent pour leur vie, rien qu’en sortant dans la rue, je me dis qu’ils devraient immigrer au plus vite en Israël car leur vie est déjà indiscutablement en danger. Je leur conseillerais peut-être d’essayer, dans la mesure du possible, d’abord d’agir par tous les moyens sur les lois de leur pays en faveur des juifs et contre l’antisémitisme.

5/ – Vous habitez toujours Haïfa, comme votre famille, est-ce un choix volontaire, ou le hasard de cette vie ? Est-ce que l’histoire de cette ville revêt pour vous une importance au regard de votre histoire et de plus généralement d’Israël ? Et si oui, ou non, pourquoi ?

Oui, je vis à Haïfa, c’est un choix volontaire. Je suis profondément lié à l’histoire de cette ville. Comme vous le savez, ma famille a ouvert dans les années 1950 deux cinémas dans la ville basse de Haïfa. Ils représentaient les principaux lieux de divertissement de Haïfa. Chaque année, l’histoire de ma famille est partagée sur les réseaux sociaux et fait l’objet d’une grande fierté nationale.

Alors même que je vous écris aujourd’hui, en ce jour de Yom Ha Shoah, un nombre incalculable d’amis et de connaissances m’envoient des articles sur ma famille : des photos, de nouveaux récits. Je reçois également de très nombreux liens internet. Tout cela me procure un immense sentiment de fierté.

6/ – Quel est votre regard sur ce 7 octobre ? Haïfa est une ville mixe, où des populations très diverses se côtoient, pouviez -vous sentir si ce n’est un frémissement de la violence qui se profilait avant ce 7 octobre ?

Le 7 octobre est un désastre pour le pays. Il est compliqué de le comparer à la Shoah, mais c’est en revanche la plus grande catastrophe depuis la création du pays. Et la Shoah était précisément aussi, pour les juifs, la plus grande catastrophe.

Haïfa est une ville mixte, dans l’ensemble, et avec le recul, je suis satisfait du comportement des habitants Arabes israéliens. Il existe bien sûr toujours quelques extrémistes mais ils sont ici une poignée et il ne faut surtout pas les laisser exercer une influence sur les autres. L’une des attitudes frappantes dont je me souviens avec émotion fut le comportement des Arabes chrétiens à Noël cette année : généralement tout est illuminé et ils le célèbrent avec joie. Mais cette année, presqu’aucune maison n’était illuminée, et cela par respect pour le drame que nous avons vécu.

Il y a eu, c’est vrai, quelques manifestations isolées de soutien au peuple palestinien de la part d’une poignée de citoyens mais, à notre connaissance, il ne s’agit pas d’habitants de la ville, mais d’habitants d’Umm Al Fahm et de villages proches de la ville.

Je n’ai jusqu’à présent aucun souvenir d’incident violent dans notre ville, à l’exception de quelques rares manifestations de soutien.

Vue de Haifa, d’où l’on distingue les jardins Bahaï et la colonie germanique dans laquelle se trouvaient les cinémas de la famille Ovicz, Carmel Gardens Cinéma, et où Fredi Ovicz a aussi grandi

7/ – Est-ce que cette ville aujourd’hui a subi l’impact de la guerre ? Et comment ?

Oui, tout d’abord, il y a de nombreux habitants du sud et du nord qui ont été évacué vers la ville de Haïfa.

De plus, il y a des alertes régulièrement sur la ville, quelquefois même sans lien direct avec les missiles. Il y a également un impact très lourd sur l’économie et l’indice des prix à la consommation dans tout le pays. Et puis, il y a de nombreux soldats tués ou blessés qui résident à Haïfa de la ville. D’ailleurs, mon propre fils est combattant réserviste et a, il y a peu de temps, servi durant 140 jours dans une unité de combat à Hébron.

Aucune famille en Israël n’est épargnée (directement ou indirectement) par la guerre.

8/ – Vous êtes aujourd’hui le directeur d’une branche d’une très grande banque israélienne, La Discount Bank. Comment gérez-vous  la situation économique actuelle, au vu de ces israéliens dont la guerre a certainement eu un impact terrible ? Comment le gérez-vous aussi personnellement, psychologiquement ? Vous n’êtes pas tout à fait un banquier comme un autre. Pas tout le temps, je suppose. Ce qui explique pourquoi un jour vous m’avez aidée, alors que vous étiez particulièrement occupé, et que je peinais à expliquer, au bord des larmes, ma situation à votre guichet.

En effet, pas tout le temps… Je gère la situation d’un point de vue financier, au mieux, Dieu merci. Je suis très fier de notre organisme qui a contribué et fait du bénévolat jusqu’à ce jour dans d’innombrables projets au profit de l’État, des évacués, des soldats, des orphelins, des agriculteurs et d’autres encore si nombreux qui souffrent de cette guerre.

Cela ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un événement traumatisant et notre organisme bancaire a pris soin d’y faire face et de le gérer via des entretiens et des ateliers psychologiques au bénéfice de nos employés et de leurs familles.

Ont également été mis en place des ateliers spécifiques appréhendant la meilleure façon de s’adresser aux clients indirectement ou directement lésés, et cela avec le plus d’écoute, de douceur et de patience possible.

Je pense que mon caractère (un peu sensible) est aussi un élément majeur de mon style managérial et que cela explique en partie que les rencontres se passent au mieux … je suppose !

9/ – Et si je puis me permettre : êtes-vous croyant ? Est-ce important ?

Je suis laïc mais définitivement croyant ! Cela nous ramène au début de notre entretien. Si ma famille n’avait pas été sauvée ou plutôt si certains membres n’étaient pas nés nains, je ne pourrais être ici aujourd’hui, à vous parler, sur cette terre. Je n’aurais pas vu le jour. Ni Ici ni ailleurs. Je crois que cela ne détermine pas seulement le destin d’une seule personne… Vous comprenez ?

À mon avis, il est important pour chacun de croire, au moins en quelque chose. Tout au long de l’existence, ce sera une ligne conductrice, qui vous mènera dans la direction que vous souhaitez et qui vous liera aux racines de votre terre.

Jérusalem, Capitale de l’état d’Israël

10/ – Est-ce que ces événements tragiques ont changé votre état d’esprit vis-à-vis d’Israël ? En avez-vous soudain une autre conception, avez -vous d’autres aspirations, d’autres espoirs ?

Oui ! Les événements nous ont révélé que nous ne pouvons faire confiance à personne, sauf à nous-mêmes, et que nous devons rester unis et continuer à nous renforcer.

Malheureusement, cela a orienté mes convictions politiques plus à droite, au regard de cette menace existentielle pour notre pays. Il faudra agir désormais avec d’autant plus de détermination à tous les niveaux, qu’ils fussent militaires, politiques ou diplomatiques, et cela aussi et surtout face aux pays arabes et à la Cisjordanie.

Un nouvel espoir de paix avec les pays environnants peut naître. Il faut profiter de ces efforts diplomatiques pour instaurer une paix à l’échelle régionale avec la participation des États-Unis et des pays européens, parmi lesquels la France (qui elle aussi semble malheureusement s’islamiser, mettant les juifs dans une situation de plus en plus périlleuse) pour faire pression en faveur de la paix auprès du Liban et de tous les autres pays alentours. Les grandes nations, l’Angleterre et la France en particulier, ont cette capacité à imposer des sanctions pour parvenir à une possible paix.

11/ – Regardez-vous désormais l’histoire de votre famille différemment depuis ces tragiques événements d’octobre ?

La vérité est que je n’ai pas toujours considéré mon histoire familiale comme un événement crucial de ma vie. Ce ne sont qu’aux tragiques événements du 7 octobre, puis récemment des 300 missiles iraniens lancés contre Israël, et face au silence et à la passivité du monde que j’ai compris sa véritable dimension. Évidemment on retrouve en parallèle la Shoah.

12/ – Et dernière question, comme l’écrivait David Grossman, Israël est “le seul pays au monde dont on demande l’élimination le plus ouvertement. Il est écœurant de penser que cette haine meurtrière est dirigée uniquement contre un peuple qui, il y a moins d’un siècle, était en fait presque éradiqué.”

 A votre avis, de ce sentiment de la solitude d’Israël, du peuple juif, de sa solitude existentielle, naîtra-t-il un autre juif ? un juif de demain ? comme il en fut de votre famille qui sut devenir une autre grande lignée de ce peuple ?

Oui, comme je l’ai dit, le monde est resté totalement silencieux, personne ne s’est impliquée face à l’évidence. La montée de l’antisémitisme dans le monde est aussi effrayante qu’effarante. Cela, de toute évidence, renforce l’idée que nous ne pouvons dans ce monde avoir confiance qu’en nous-mêmes.

Je pense que ces événements ont engendré un nouveau juif, un peu plus à droite, un peu plus seul, et forcé à rester uni et fort. Rien ne nous arrêtera, nous resterons aguerris, vaillants, et toujours à la pointe dans de vastes domaines, grâce et par notre instinct de survie. Ce sera notre victoire sur nos ennemis.

Tout comme ma famille, si particulière, qui a survécu à la Shoah et qui n’a depuis cessé de grandir. 

לעולם לא עוד!

Fredi Ovicz et son épouse Meytal
Fredi Ovicz, sa mère Miriam, son fils Daniel, son frère Moti et son fils Ariel

Merci cher Fredi Ovicz

                                                                                                                          Nagyon köszönömדאַנקען דיר זייער פיל ליב פרייַנדתודה רבה על הכנות הגדולה, הסבלנות והאומץ שלך

Pour connaître l’histoire de la famille Ovicz, un livre magnifique a été publié, intitulé “In our hearts we were giants” de Yehuda Koren et Eilat Negev

Un film a également été réalisé sur la base de l’ouvrage d’Elizabeth Moshkowitz, “Par la grâce du diable”, par Dominique Maestrati :
https://www.youtube.com/watch?v=Q6zoxM9JKB8

https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_Ovitz

Je remercie également pour son aide précieuse Yael Ilan, et Lisa Mamou pour le soutien si précautionneux à la traduction et son immense gentillesse.

© Daniella Pinkstein


Interview of Fredi Ovicz

for Tribune Juive

On May 6, 2024

Yom HaShoah

Fredi Ovicz

תחילה אני רוצה להודות לך על שהסכמת לראיון הזה. למעשה, כמה היה בלתי צפוי המפגש שלנו, ומה שלמדתי מהסיפור שלך. שם משפחתך, אוביץ, משפחה שההיסטוריה והחיים שלה נעשו מפורסמים מאוד. משפחה שמקורהב בעיירה קטנה בטרנסילבניה בשם רוזבליאה, שהייתה תחילה הונגרית, אחר כך רומנית, ואז שוב הונגרית, וכיום היא רומנית, כמו אותן עיירות נודדות של האימפריה האוסטרו-הונגרית לשעבר, ערים בהן ישבו יהודים רבים, פעילים וחיים.
בשנת 1944, כל הכפר של משפחתך גורש לאושוויץ. לזו המשפחה היה ייחודיות מסוימת, ייחודיות שהצילה אותם מהמוות. אם מסתכלים היום על גורלם, כמה טרגי הוא להבין כמה הם קרובים אלינו, כמה הם מייצגים את גורל היהודים, אבל גם את ישראל כולה, כמה הם דוגמה לטרגדיה של העם הזה והנס המואר שגורם לו להתקדם למרות הכול. מתוך עשרת ילדיו של שמשון אייזיק אוביץ, סבא רבה שלך, שבעה היו נמוכי קומה. מנגלה התלהב מהם. במהלך אותה שנת גיהנום, הם לא ניצלו מהניסויים הסדיסטיים או ההשפלות הפומביות, אבל הם ניצלו מהמוות.
לאחר המלחמה, כשחזרו לרוזבליאה ההרוסה, בה נשארו בחיים רק חמישים יהודים, הם הפליגו ביחד למרסיי בדרך לנמל חיפה. ב-4 במאי 1948 הם חגגו את קום מדינת ישראל ואת לידתם מחדש באמצע הים התיכון. הם המשיכו את ההופעות המוזיקליות שלהם מהעבר בחיפה עד 1955 שם קיבלו את בית הקולנוע המפורסם “גן הכרמל”, בו הוקרנו סרטים חדשים. זהו גורלם, כמו גורלם של היהודים כאן היום, אלה שנלחמים בישראל, כדי שנמשיך להתקיים מחר.
אין דבר שמבדיל אותך, פרדי אוביץ יקר, מכל ישראלי אחר, רק שביום שבו סיפרת לי את הסיפור שלך, במפגש אקראי ויומיומי – בסניף הבנק!, פתאום ראיתי בעיניים שלך מה פשר צירוף המילים “עם נבחר”. עם עם עוצמות של נפילים.

Rozika et Franzika, Avram, Freida  Micki, Elisabeth et la petite dernière Perla Ovicz 
De gauche à droite, Frida, Roza, Micki, Perla, Elizabeth, Sarah et Yoshko, mari d’Elisabeth 

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בתוך שושלת משפחת אוביץ, , היכן אתה ממוקם? דוד, סב? ומי גולל בפניך את סיפור המשפחה?

שמשון אייזיק היה סבא רבה שלי.

אבא שלי היה ניצול שואה בעצמו הוא הבן של לאה שהינה הבת של שמשון אייזיק.

לאה ,היא אחת האחיות של הגמדים – 10 אחים , מתוכם שלושה בגובה רגיל( לאה, אריה, שרה) והשאר גמדים.

הסיפור גולל כמובן על ידי אבי והמשפחה עצמה , בעיקר באמצעות פרלה /אליזבת ושרה שחיו בתקופת ילדותי ודאגו לספר את סיפור חייהם בכל מפגש.

הן היו חוזרות כל פעם מחדש על סיפור חייהם בכל מפגש, לא היה מפגש בלי האירועים שעברו.

הייתי גם עד לכתיבת הספר הראשון של אליזבת – “חסד השטן”

Shimshon Ovich, père de Fredi Ovicz, avec encore la trace de son matricule tatoué sur le bras, alors qu’il fut déporté nourrisson

האם ירושה כזו, שהיא הן ייחודית והן דוגמה לגורלו של העם היהודי בהיקפו הטרגי והנסי, הייתה מכרעת בהחלטות שלך, בחייך?

כן בהחלט, “ירושה” כזו מאוד משפיעה על אורח החיים שלך ומעצבת את דמותך ועל תפיסת החיים.

הידיעה שנולדו גמדים וזו העובדה שהשאירה אותם בחיים ( הסיבה שלמנגלה היה “20 שנות מחקר עליהם”)  נותנת לך פרספקיטבה לחיים ולגורל האדם שנכתב עוד בטרם עת.

אין סתם בחיים  הכל קורה עם תכנון מוקפד.

האם מערכת היחסים שלך עם ישראל נושאת גם את הייחודיות הזו?

כן, בהחלט. יש לי חיבור מאוד חזק ושורשי  למדינה , העובדה שזו מדינת היהודים מקבלת משמעות חשובה וכפולה לאחר ה 7 באוקטובר עוד יותר.

אין לנו ארץ אחרת- נקודה.

לאחר ה-7 באוקטובר, לנו, יהודי אירופה, היה הרפלקס להאמין, כשאנו נושאים בתוכנו, ונגד רצוננו, זיכרון מאובן, שאולי נוכל לסייע במידה מסויימת, מבחינה פסיכולוגית, מול עוצמת האירועים האלה. העובדות מוכיחות שאנחנו טועים – לא משנה מה יחשבו מי שממשיכים לצייץ כאן – האומץ המיידי של הצעירים ישראלים מול התהום, נחישותם למרות כל הסכנות, מדרבן אותנו להיפך להבין את כל עם ישראל, להבין בתמורה מי אנחנו ומי אנו רוצים להיות. איך אתה רואה את יהודי הגולה היום? האם לדעתך העזרה שלהם אפשרית? ובאיזה מונחים?

 מצד אחד מאוד חשוב שישארו בגולה כדי שיהיה לנו נציגים בעמדות מפתח ובעלי ממון כדי שיכולו להשפיע על כלכלות ובחירות פוליטיות כפי שקורה כעת בארה”ב . לדוגמה:מציבור גדול של יהודים בארה”ב  ( כ5 מש”ח להערכתי) משפיע על נבחרי הציבור כי אחרת אותם נבחרים לא היה איכפת להם מציבור שאינו יכול להשפיע על מעמדם ולא היו מחוקקים חוקים לטובתם ולא פועלים לטובת מדינת ישראל בתמיכות כלכליות וצבאיות ולכן מאוד חשוב שישארו בגולה ויהיו הנציגים שלנו, מבחינתי זה השירות הצבאי שלהם והתרומה למדינה . מצד שני כשאני רואה כתבות על יהודים בשבדיה ( מאלמו) שחוששים לצאת לרחוב וחוששים לחייהם אני אומר שיעלו ארצה ומהר כי חייהם בסכנה אך עדין הייתי מייעץ להם לפעול בכל הכוח שניתן להפעיל חוקים במדינתם לטובת יהודים /אנטישמיות.

. אתה עדיין גר בחיפה, כמו המשפחה שלך, האם זו בחירה מרצון, או מקריות החיים? האם ההיסטוריה של העיר הזו חשובה לך מבחינת ההיסטוריה שלך ובכלל של ישראל? ואם כן או לא, למה?

כן, אני מתגורר בחיפה, בחירה מרצון . מאוד מחובר שורשית להיסטוריה של העיר. המשפחה כפי שידוע לך הקימה בשנות ה50 בעיר התחתית שני בתי קולנוע שהיו מקום הבילוי העיקרי בחיפה . מידי שנה סיפור חיי המשפחה מופץ ברשתות החברתיות והוא מושא בגאווה רבה .

אני כותב לך היום ביום השואה בזמן שחברים ומכרים שונים שולחים לי כתבות על המשפחה , תמונות וסיפורים שונים. שולחים לי קישורים רבים וזה נותן תחושת גאווה רבה.

Vue de Haifa, d’où l’on distingue les jardins Bahaï et la colonie germanique dans laquelle se trouvaient les cinémas de la famille Ovicz, Carmel Gardens Cinéma, et où Fredi Ovicz a aussi grandi

מה דעתך על אירועי ה-7 באוקטובר? חיפה היא עיר מעורבת, שבה מתגוררות זו לצד זו אוכלוסיות מגוונות מאוד, האם הצלחתם לחוש במשהו מלבד רמז לאלימות שהתחוללה לפני ה-7 באוקטובר?

אירועי ה7 באוקטובר הם אסון למדינה , קשה להשוות לשואה אך הייתי מגדיר את האסון הגדול ביותר מאז קום המדינה . והשואה האסון הגדול ביותר ליהודים.

חיפה עיר מעורבת, בגדול ובראיה לאחור אני מרוצה מהתנהגות ערבי העיר ( תמיד יהיו קיצוניים אך הם קומץ) ואסור לתת להם להשפיע. אחד התמונות / התנהגות הבולטת שזכורה לי לטובה היא התנהגות הערבים הנוצרים בחג המולד השנה שבדרך כלל הכל מואר וחוגגים בשמחה. כמעט ולא ראיתי בתים מוארים וזה מתוך כבוד לאירוע שחווינו.

מנגד היו כמה הפגנות בודדות ותמיכה בעם הפלסטיני עלידי קומץ אזרחים וכמה שידוע לנו הם לא תושבי העיר, אלא תושבי אום אלפאחם וכפרים קרובים לעיר.

לא זכור לי ארועי אלימות בעיר למעט הפגנות תמיכה בודדות.

האם מרגישים בחיפה את הדי המלחמה? וכיצד זה בא לידי ביטוי ?

כן, ראשית, ישנם מפונים רבים מהדרום ומהצפון לעיר חיפה.

כמו כן, היו מספר אזעקות בודדות על העיר אך גם בלי קשר ישיר לטילים/ אזעקות ישנה השפעה על הכלכלה ומחירי הצריכה של האזרחים בכל הארץ. כמו כן, חיילים רבים שנהרגו במלחמה  או נפצעו הם תושבי העיר .

בנוסף , הבן שלי הינו לוחם במילואים ושירת 140 יום במהלך המלחמה ביחידה קרבית בחברון.

אין משפחה בישראל שאין לה קשר למלחמה בצורה ישירה או עקיפה אפשר לומר.

Jérusalem, Capitale de l’état d’Israël

אתה היום מנהל סניף של בנק ישראלי גדול מאוד, כיצד אתה מתמודד עם המצב הכלכלי הנוכחי, לנוכח ההשפעה הנוראית שהייתה למלחמה על ישראלים רבים? וכיצד אתה מתמודד עם זה גם באופן אישי, פסיכולוגי? אתה לא ממש בנקאי ככל הבנקאים. לא כל הזמן, אני מניחה. מה שמסביר מדוע יום אחד עזרת לי, כשהיית עסוק במיוחד, ואני נאבקתי להסביר, על סף דמעות, את מצבי למול הדלפק שלך. אכן, לא כל הזמן…

אני מתמודד עם המצב הכלכלי באופן טוב יחסית תודה לאל . אני גאה מאוד באירגון שלי שתרם והתנדב ומתנדב עד היום באינספור פרוייקטים לטובת המדינה/ המפונים/ החיילים / יתומים/ חקלאים ועוד.

אין ספק שזהו אירוע טראומטי וגם לזה האירגון שלי דאג באמצעות שיחות וסדנאות פסיכולוגים לטובת העובדים ומשפחותיהם.

וסדנאות כיצד לשוחח  עם לקוחות שנפגעו בצורה עקיפה /ישירה  ברגישות ועדינות ובסבלנות.

אני מניח שגם האופי שלי ( קצת רגיש) הוא נדבח עיקרי באופן הניהולי שלי וכנראה זה מה שמסביר את פגישתינו כנעימה אני מניח.

ואם אוכל להרשות לעצמי, האם אתה אדם מאמין? האם זה חשוב?

אני חילוני אך בהחלט מאמין. זה מתקשר לתחילת הראיון שלנו. אילולא היתה משפחתי ניצלת בחיים או יותר נכון אילולא נולדו גמדים לעולם לא הייתי נוכח כאן היום. אני מאמין שזה לא רק גורל של אדם…

לדעתי חשוב שאדם יאמין במשהו, זהו קו מנחה לחיים ומוביל אותך בכיוון מויים וקושר אותך לשורש האדמה שלך.

האם האירועים הטרגיים מאז ה-7 באוקטובר, שינו את תפיסתך ביחס לישראל? האם פתאום ראית אותה באופן שונה, האם נולדו בך שאיפות או תקוות אחרות?

כן, האירועים חיזקו שאין לנו על מי לסמוך מלבד על עצמנו.שאנחנו חייבים להיות מאוחדים וחזקים יותר.

לצערי זה חיזק עוד יותר את תפיסתי הפוליטית כיותר ימנית  וכי קיים תמיד איום קיומי על מדינתנו ועלינו לפעול עכשיו בכל המישורים האפשריים.

\צבאיים / פוליטים/ דיפלומטים מול מדינות ערב והגדה המערבית..

נולדה תקווה חדשה ישנה לשלום סביבתי ולנצל דיפלומטית את המצב לשלום כלל אזורי תוך מוערבות של מדינות אירופה וארה”ב בינם צרפת ( שלצערי מתאסלמת מאוד וחושש לגורל היהודים שם) שילחצו על לבנון ומדינות נוספות לשלום . ויש לאותן מדינות ובפרט אנגליה וצרפת את היכולת הזאת בסנקציות על מנת להגיע לשלום.

האם כעת אתה מסתכל על סיפור משפחתך באופן אחר מאז האירועים הטרגיים של חודש אוקטובר?

האמת שלא, תמיד הסתכלתי על הסיפור המשפחה כאירוע משמעותי בחיי אך לרגעים ה7 באוקטובר וגם מתקפת איראן על ישראל ב300 טילים והעולם שותק ולא עושה כלום. בהחלט מזכיר / מקביל לתקופת השואה .

. ושאלה אחרונה, כפי שכתב דוד גרוסמן, ישראל היא “המדינה היחידה בעולם שקוראים להשמדתה בצורה הגלויה ביותר. זה מקומם לחשוב ששנאה רצחנית זו מופנית בלעדית נגד עם שלפני רק פחות ממאה שנה כמעט הושמד לגמרי”. . לדעתך, האם מתחושת הבדידות של ישראל, של העם היהודי, הבדידות הקיומית שלו, יוולד יהודי אחר? יהודי של מחר? כפי שמשפחתך ידעה להיות שושלת גדולה אחרת של העם הזה?

כן, כפי שציינת. העולם שותק ולא עושה הרבה לאור קריאות מהסוג הזה . האנטישמיות הגואה בעולם מפחידה מאוד ומחזקת מצד שני אותנו כי אין לשמוח על אף אחד בעולם הזה מלבד עצמנו.

אני חושב שבהחלט נולד יהודי אחר, יותר ימיני יותר מבין שהוא לבד בעולם הזה וכי עלינו להיות מאוחדים וחזקים . אנחנו נמשיך להתחזק ולהוביל בתחומים רבים וזאת מתוך היצר ההישרדותי וזה יהיה הנצחון שלנו אל .מול אוייבינו

. כפי שמשפחתי גדלה ושרדה את השואה

!לעולם לא עוד

Merci cher Fredi Ovicz

.תודה רבה, פרדי אוביץ יקר

Nagyon köszönömדאַנקען דיר זייער פיל ליב פרייַנדתודה רבה על הכנות הגדולה, הסבלנות והאומץ שלך

על מנת להכיר את תולדות משפחת אוביץ’, יצא לאור ספר נפלא בשם “In our hearts we were giants”  מאת .יהודה קורן ואילת נג

Fredi Ovicz et son épouse Meytal
Fredi Ovicz, sa mère Miriam, son fils Daniel, son frère Moti et son fils Ariel

© Daniella Pinkstein


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