Stéphanie Zitoune Isidor. “J’avais le ticket avec toi!”

21/9/2023: Fin des carnets de tickets de métro en carton

Je voulais juste te dire qu’en dépit de ta petite taille,  tu auras considérablement marqué ma vie.  

Tu m’as accompagnée à chaque étape de mon existence :

Petite avec mes parents,  je te serrais précieusement; puis pour aller au collège et au lycée, je comptais toujours sur toi; pareil pour me rendre au travail, pour faire la fête ou honorer mes rendez-vous médicaux. 

On t’en a fait voir de toutes les couleurs: du jaune, en passant par le vert,  le bleu ou le blanc.

J’ai été biberonnée à toi,  dès ma naissance,  par mon père qui, à son arrivée en France,  est rentré dans la vie active comme poinçonneur et a fait toute sa carrière à la RATP. 

Je ne sais pas s’il ramenait un carnaval de confettis jusque dans son lit comme dans la chanson de Gainsbourg. 

Moi, mes poches de manteaux étaient tellement pleines de toi que lorsqu’un agent venait à me contrôler dans un bus,  j’avais l’impression d’être dans un sketch:

“Non ce n’est pas celui-ci , celui-ci non plus”,  me rétorquait-il le regard soupçonneux.

Ce sketch se poursuivait longuement jusqu’au moment où il tombait soudainement sur le bon tampon prouvant ta validité. 

J’avais  alors enfin l’autorisation de descendre du véhicule à un  arrêt bien plus lointain que celui initialement prévu.

C’est vrai que je ne te jetais pas souvent,  car bien avant l’ère  des portables,  tu me servais à noter des numéros de téléphone,  mes rencontres à venir,  des pensées brèves. 

Tu étais chic et choc. 

Tellement, d’ailleurs, que tu as même donné ton nom à une fameuse épilation du maillot.

Oui mais voilà,  tu te démagnetises  trop facilement et  surtout tu n’es pas écolo pour un sou.

Aujourd’hui, le 21 septembre 2023, le carnet de tickets de métro en carton tire  définitivement sa révérence. 

Le ticket à l’unité disparaîtra, quand à lui, après les JO de 2024.

Et j’avoue que ça me fait un petit pincement au cœur.

J’ai l’impression qu’on oblitère une dernière fois un pan de ma vie et parce que oui,  j’avais vraiment un ticket  avec toi.

© Stéphanie Zitoune Isidor