Francis Moritz. Comment sauver le soldat de Kiev car l’Ukraine est au bord de l’effondrement. Le compte à rebours est engagé

Coup de rétroviseur depuis février 2022

Contrairement à toutes les déclarations du type « fleur au fusil » d’il y a deux ans, Kiev est très loin de pouvoir battre la Russie.

Tous les éléments connus radicalisent les options. Il n’y a pas de victoire prochaine en vue, mais d’évidence, la poursuite du conflit, au mieux. Pour ceux qui l’auraient oublié, depuis 2015, le conflit d’abord localisé dans la région du Donbass a fait plus de 15.000 victimes et des milliers de déplacés et de blessés, qu’on a tendance à oublier. Depuis, il faut y ajouter des dizaines de milliers de victimes en Ukraine et quatre fois plus de blessés, de mutilés, d’estropiés. Les experts militaires estiment que pour un mort il y a quatre blessés. 

Vu de Kiev

Kiev est soulagé par la décision américaine de lui allouer, enfin, près de 61 milliards de dollars d’aide, dont l’essentiel restera aux États-Unis en vue du renouvellement des stocks de munitions et de la livraison de nouvelles armes, dont des missiles à plus longue portée (300Kms). Moscou accélère sa compagne estivale pour profiter du temps qui lui reste avant la mise en place des nouveaux moyens destinés à redynamiser l’armée ukrainienne.  L’union Européenne cherche encore ce qu’elle peut faire au plan militaire, sauf à fournir des équipements limités en nombres, ici une batterie Patriot anti aérienne fournies par l’Allemagne, là, quelques canons Cesar mais avec peu ou pas de munitions correspondantes, des transports de troupes que n’utilise plus l’armée française. L’Allemagne hésite toujours à fournir ses missiles Taurus à longue portée, craignant son implication directe.  Les États-Unis livreront des munitions pour le système Patriot mais excluent de fournir d’autres batteries. A court terme, cette décision et les aides cumulées avec celles de l’UE permettront un ralentissement du grignotage, par les forces russes, des positions ukrainiennes sur une ligne de front de plus de 1.000 kms et qui s’échelonne sur près de 30 kilomètres de profondeur, avec parfois jusqu’à cinq lignes de défense.

Information et désinformation

Les médias et nos dirigeants occidentaux mentionnent régulièrement les pertes subies par la Russie, les morts, les blessés, les cibles visées. En revanche, là où les informations sont disponibles, on ne lit ni ne voit quasiment rien sur l’état des lieux côté ukrainien. Ces indices confirment implicitement la gravité de la situation. Les hauts responsables de Kiev ne sont pas avares de déclarations alarmantes. Certes, on doit faire la part de la propagande et de la désinformation. Mais sans changement majeur dans la conduite des opérations, Kiev court à un échec annoncé.  

À mesure que les munitions arriveront en quantités, surtout les obus qui font tant défaut, les Russes s’abstiendront de concentrer des troupes et des chars à une portée de mortier. De plus la fourniture accrue d’intercepteurs de drones et de missiles devrait provoquer une pause à la maitrise des airs par Moscou sans la donner à Kiev pour autant.  Toutefois, l’issue à plus long terme reste incertaine, sauf si l’Otan – par Européens interposés – s’engage dans le conflit. Alors tout peut arriver. A la suite de divers incidents côté russe, on en a trop vite conclu qu’il s’agissait de succès stratégiques de Kiev. L’Occident a vite fait d’adopter cette théorie, parce qu’on veut y croire. C’est sans doute une erreur. La Russie a beaucoup appris en deux ans.  Les Européens n’ont pas tenu leurs promesses antérieures faute de disposer eux-mêmes de stocks suffisants pour leurs propres besoins. Ce problème n’est pas encore résolu. En réalité, il faudrait plus que doubler les productions existantes pour satisfaire simultanément les besoins ukrainiens et respecter la mise en stock dans l’UE qui n’anticipait pas une guerre d’usure, première erreur.  Son corollaire a été la sous-évaluation des réserves en munitions, car aucun des pays Européens, France comprise, n’est préparé à une telle guerre d’usure, seconde erreur.   

Ce qu’on évite de dire à propos des livraisons d‘armes occidentales

Les officiers ukrainiens, d’après le portail Springer, considèrent que l’efficacité des matériels fournis laisse parfois à désirer, contrairement aux commentaires trop élogieux des médias occidentaux. 

Les missiles de croisière storm Shadow et Scalp anglais ont été utilisés avec succès, mais pendant une période limitée. En effet, les Russes après analyse ont trouvé le moyen de les neutraliser. Ils ont aussi développé un système de brouillage qui neutralise 50% des drones ukrainiens. Sur la vingtaine de chars américains, cinq sont déjà hors d’usage et ne semblent pas aussi performants qu’annoncé.  

Ce qui se dit côté Union Européenne

Le ministre italien des affaires étrangères a déclaré : “S’il n’est pas possible d’empêcher la défaite ukrainienne, alors aucun accord de paix avantageux ne pourra être conclu. L’objectif est de faire sortir la Russie d’Ukraine”. 

Le ministre britannique David Cameron déclarait de son côté : “La meilleure chose que nous puissions faire cette année est de maintenir les Ukrainiens dans ce combat“. On voit bien que les options se réduisent à mesure que le conflit perdure. Pendant ce temps, la ministre allemande suggère de recenser tous les systèmes Patriot  dans le monde et d’en transférer à l’Ukraine, alors que la Russie détruit systématiquement toutes les centrales fournissant de l’Energie, six mois avant le début de l’hiver. Ce qui place le pays devant un choix redoutable, donner la priorité à l’armée, ce qui se traduira par des souffrances supplémentaires pour le peuple, ou la donner au peuple. Ce serait mettre l’armée en difficulté.

La saisie des avoirs russes sera-t-elle l’arme fatale

L’argent est-il le seul nerf de la guerre ? Pas sûr.

Faute de trouver une solution probante pour abattre la Russie, les Américains et les Européens considèrent la possibilité de saisir les avoirs russes gelés aux États-Unis et ailleurs, notamment en Europe par Euroclear en Belgique (210 Milliards), leur montant estimé oscille entre 280 et plus de 300 milliards d’Euros. Les États-Unis (5 milliards) seuls au monde à pouvoir pratiquer l’exterritorialité judicaire des transactions en Dollar US, s’il y a une raison juridique purement américaine. Comme motif suffisant on avance l’invasion russe. L’objectif serait de faire bénéficier l’Ukraine de ce pactole. Pour mettre ces montants en perspective, on sait que la Russie a un budget militaire de l’ordre de cent milliards par an, soit 6% de son budget, L’Europe en est encore très loin.  

Les obstacles juridiques

Plusieurs thèses s’affrontent. Les partisans d’une saisie pure et dure des dépôts avancent qu’il ne s’agirait ni plus moins que de “contre-mesures” sauf que le droit international en la matière précise que “des contre-mesures” et donc des recours devant les juridictions internationales s’entendent lorsque les états dépositaires des fonds sont directement impliqués. En clair, s’ils sont attaqués. Or aucun des pays qui soutiennent l’Ukraine n’est attaqué. Au-delà, une telle démarche constituerait un événement sans précédent avec toutes les conséquences qui pourraient en découler. On a bien vu qu’après la multiplication des sanctions, la Russie est toujours debout. On est très loin de la “mettre à genoux”. 

Les prochaines échéances

En même temps, le ralentissement de l’économie en Europe souligne à quel point nos finances sont précaires et notre endettement croissant. Alors la vraie question dont on ne fera pas l’économie : l’Union Européenne, la France ont-elles basculé dans une économie de guerre ou sommes-nous en passe d’y entrer, sans le dire. La question est posée et nos dirigeants devront y répondre très clairement après l’élection européenne du 9 juin qui ne fera que précéder de trois mois l’élection américaine. 

© Francis Moritz

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8 Comments

  1. ” Pour ceux qui l’auraient oublié, depuis 2015, le conflit d’abord localisé dans la région du Donbass a fait plus de 15.000 victimes et des milliers de déplacés et de blessés, qu’on a tendance à oublier. “.

    Vous faites bien de le rappeler. La TV nous abreuve d’ information mais ne nous pas de cela, ni du coup d’ État de Maïdan, ni de ceux qui ont coulé les accords de Minsk.

  2. La propagande antisémite et pro Hamas occupe la première place en matière de désinformation abjecte.
    La propagande russophobe et pro guerre en Ukraine arrive en seconde position.’

    Macron, Mélenchon, Von der Leyen et toute la clique sont INFINIMENT plus dangereux pour moi, mes proches et pour vous
    que Poutine. Relayer la propagande de la macronie est consternant.

    • Merci pour votre lecture. Je crois que tout ce qui occulte la vérité est une forme de désinformation. Le mensonge par omission se pratique régulièrement dans tous les camps. Chaque pays, chaque parti, selon les epoques, tente de réecrire le narratif national, pour mieux s’en servir. Les medias en font de même, pour certains. Enfin, en période de guerre, la frontière entre la propagande et la désinformation est infime.
      Bien cordialement,

      • @Francis Moritz N’empêche, il existe plusieurs degrés dans la propagande. Le fait est que les Russes sont pas mal au courant de ce qui se passe en France (qui ne les fait plus du tout rêver) alors que la plupart des
        commentateurs “journalistiques” et nos politiciens ne connaissent absolument rien à la Russie. Un exemple : un attentat islamiste a eu lieu à Moscou pendant un concert de Piknik. Or pas un seul “journaliste” français ne connaissait ce splendide groupe de rock (au même titre que The Cure) qui existe depuis les années 80. Moi si. Comment peut-on connaître la société d’un grand pays comme la Russie (ou ce qu’on nommait autrefois la France) si on ignore tout de sa vie culturelle ?

        • sans vouloir caricaturer, permettez moi de citer une formule dont je n’ai pas la paternité,
          C’est ceux qui en save le moins qui en parlent le plus vs. ceux qui savent mais n’en disent rien. Les médias sont dans une telle ” immédiateté” que l’exception devient la règle. On lance des infos sur la base de rumeurs, sans avoir vérifier. On craint que la radio concurrente n’aille encore plus vite. Rappelez vous l’annonce par le Hamas des quelques 500 victimes à l’hopital Al Shiffa… c’est Tsahal le responsable … Ppour finir par constater que c’etait une rocket du Djihad qui avait atterit dans le parking . Bref l’information juste ou juste l’information pose question, au quotidien…
          Bien cordialement,

  3. @Philippe Moritz Ils ne vérifient pas les info ou véhiculent des mensonges car leur but est avant tout de faire du bourrage de crânes : c’est ce en quoi consiste leur métier. Et quand bien même certains voudraient faire du vrai journalisme, ils savent que dans le climat politique actuel cela entraînerait une mise au banc de leur profession. Mais au-delà de cela, il ne faut pas sous-estimer l’inculture de ceux qui exercent ce métier ou font de la politique. Un ancien conseiller en matière de politique étrangère disait que le président français et ses ministres ne connaissent souvent rien des pays où ils s’impliquent. C’est particulièrement vrai pour la Russie : il s’agit d’une méconnaissance de fond de sa société, son histoire récente et sa culture. Ils savent placer la Russie sur une carte, et c’est à peu près tout. D’ailleurs on observe souvent le même schéma quand des médias étrangers, notamment anglo-saxons, parlent de la France. La même ignorance crasse et les mêmes biais cognitifs.

    • Un fait de societe incontestable : l’ignorance, la bêtise, la haine,l’antisémitisme , n’ont pas de frontières ni de bornes. Nous en avons la démonstration au quotidien.

  4. Très bon article ! Nos medias véhiculent la désinformation totale, la russophobie et même, quelle horreur, le soutien aveugle et imbécile apporté au terrorisme antisémite du hamas ! Et dans tout ça, pauvre Ukraine ! Ce beau pays aurait pu, aurait dû devenir une nouvelle Suisse de l’Europe de l’est, prospère, neutre, pacifique avec des cantons de langues russe, ukrainienne, hongroise et moldave. Mais, en écoutant des sirènes maléfiques, elle a importé la haine destructrice. Maintenant, elle sert des intérêts étrangers qui l’utilisent pour mener une guerre d’attrition contre une Russie qui avait tout à faire pour conserver une amitié européenne ! Normalement, mais maintenant il n’y a plus rien de normal, les Ukrainiens devrait reprendre l’exemple suisse et si cela n’est plus possible à cause de la haine, chaque entité linguistique devrait décider de son avenir selon le droit des peuples à dispose d’eux-mêmes, que cela plaise ou non aux uns ou aux autres ! Puisse la voix de la raison l’emporter !

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