Jacques Neuburger. Insomnies… La cafetière Salam, Staline, Kafka et l’omelette à la confiture

Insomnies…..

La cafetière Salam, Staline, Kafka et l’omelette à la confiture.

Ce n’est pas du tout l’heure du thé ou du café.

C’est l’heure de dormir.

Dormir.

Oui, mais tu as passé la soirée à t’énerver, t’angoisser.

Et puis la machine à café s’est mise en panne.

Les choses. Comme disait madame de Staël, ça ne sert à rien de se mettre en colère contre les choses car ça ne leur fait rien du tout.

Certes.

N’empêche, les choses en sont d’autant plus contrariantes qu’il est inutile de leur parler. Moi, j’aurais aimé leur dire un peu ma façon de penser, aux choses. 

Inutile: les choses sont sourdes, désespérément sourdes. 

Te voici de mauvais poil.

Tu as faim.

Faut dire que tu ne manges pas bezef.

Rien ne t’agrée, tout en ce moment te semble fade ou cartonneux.

Alors tu as soudain faim.

Faim.

Le régal que tu aimerais ce serait finir le plat de risotto al parmigiano mais rien de ce genre dans le frigo  ou le rosbeef que tu couperais en fines lamelles parfumées d’un soupçon de sauce, et puis des frites, des frites au couteau… Rêve: rien de ce genre ici… Ou simplement ouvrir une boîte de sardines ou bêtement te faire des macaronis à la tomate, en lisant un bon livre. 

En désespoir de cause, l’estomac vrillé de faim, après avoir tourné, envisagé des cuisines, contemplé les macaronis, le parmesan et le coulis de tomates, dix fois sorti puis rangé les boîtes de sardines à l’ancienne, tu te décides et prestement tu te fais un oeuf au plat que tu savoureras à même la poêle avec un quignon de pain un peu sec. Délice.

Nuits.

Réveils.

Insomnies.

Souvenirs d’enfance: parfois au milieu de la nuit j’entendais mes parents parler allemand, anglais, russe, yiddish, arabe, ouzbeque, des langues diverses, incompréhensibles et si je me levais (haut comme trois ou quatre pommes) je trouvais ma mère en train de cuisiner une omelette flambée à la confiture à mon père, qu’ils partageaient devant un immense pot de café. 

Je me disais alors: Plus tard moi aussi je parlerai de Staline ou de Kafka avec ma femme à trois heures et demie du matin dans la cuisine devant une grande cafetière Salam fumante et une pharamineuse omelette sucrée…

Las, les insomnies de l’existence sont difficilement prévisibles et parler de Staline ou de Kafka en quinze langues voire même beaucoup moins devant un pot de confiture de cerises plus du tout à la mode…

© Jacques Neuburger

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