Vous l’avez tous lu dans Tribune juive. Gérard Kleczewski

Chaque jour du mois d’août, Tjinfo propose à ses lecteurs un article qui les a réunis


Gérard Kleczewski. Renoncer en partant, une fois de plus, une fois encore ? Ou faire front, ensemble

4 avril 2017… 4 avril 2022

Hier, nous devions honorer la mémoire de Sarah Halimi (Zal), assassinée sauvagement cinq ans plus tôt, à quelques jours des élections présidentielles qui allaient porter Emmanuel Macron à l’Élysée…

Hier, cinq ans plus tard donc, à quelques jours là encore des élections présidentielles, nous apprenions le drame atroce survenu à Bobigny — la mort de Jérémy Cohen.
Ce, plus d’un mois et demi après les faits caractérisés alors de « simple accident mortel de la circulation » et traités comme tels dans les colonnes du Parisien.

Ce même quotidien qui, cinq ans plus tôt, avait traité sous forme de « brève » le meurtre de Sarah Halimi, sous l’angle : « une femme âgée défenestrée rue de Vaucouleurs. ».
Point de mention d’un acte volontaire, point de mention qu’elle était juive, point de mention que le massacreur était son voisin, un musulman et islamiste fréquentant la mosquée de la rue Jean-Pierre Timbaud et multi-condamné pour faits de trafics de drogue et de violences en tous genres.
Tout cela on l’apprendra plus tard, bien plus tard… Et entre temps aucun média n’aura pris la peine d’investiguer ou de se pencher sur cette affaire qui restera comme l’affaire « Sarah Halimi » alors qu’elle aurait dû être l’affaire « Kobili Traoré ».

Une affaire non jugée, non instruite en vérité…

Cinq ans après, les mêmes causes semblent avoir les mêmes effets : l’antisémitisme tue — sous réserve bien entendu de l’enquête qui n’a pas été menée et qui va l’être désormais.  
À ceci près que cette fois, l’affaire « est sortie » comme on dit… Et sortie dans la dernière ligne droite où, selon les instituts de sondage, près d’un français sur deux (voire un peu plus) s’apprête à voter pour l’un ou l’autre des deux candidats « d’extrême droite », tandis qu’un français sur cinq environ s’apprête à voter pour l’autre candidat antisystème, d’extrême gauche cette fois.

Je ne m’exprimerais pas ici sur les Présidentielles, mon intention n’est pas d’apporter d’une manière ou d’une autre de l’eau au moulin de l’extrême droite de Le Pen et Zemmour, encore moins à l’extrême gauche de Mélenchon, et pas plus à l’extrême-centre incarné par Macron ou Pécresse.

Je voudrais juste rapporter, dans ce contexte, le désarroi qui m’habite, comme il habite, je crois, de nombreux juifs français qui tiennent à la France et ont vécu par elle et pour elle depuis leur naissance.

Petit comité

Hier soir, disais-je, nous devions honorer la mémoire de Sarah Halimi (Zal) et le BNVCA nous avait donné rendez-vous à 18 h 30 à la Grande Synagogue de la rue de la Victoire.
Je ne sais pas pourquoi j’ai pensé que nous serions nombreux. J’avais imaginé une cérémonie dans la grande synagogue — celle qu’on voit tous les ans sur France 2 pour les victimes de la Shoah.

Non, nous eûmes accès à une petite salle de prière (environ 30 places).
En entrant, j’hésitais… Était-ce bien là que ça allait se passer ?
Mais quelques chaises étaient déjà occupées, par des personnes plutôt âgées, et je vis, en guise de confirmation du lieu, un panneau sur lequel était écrit « Pardon Sarah ».
Il n’y avait donc pas de doute, c’était là que ça se passait !

Les moments qui suivirent furent douloureux. À commencer donc par la si faible présence sur place…

Alors oui, on vit le Rabbin de la Synagogue Moshe Sebag, accompagné du grand rabbin de Safed — le Rav Schmuel Eliyahu — pour faire les prières du soir…

Oui on entendit au travers d’un micro un peu défaillant les paroles fortes délivrées au téléphone depuis Israël par Sammy Ghozlan du BNVCA et les mots désemparés, également depuis Israël, de William Attal, le frère de Sarah Halimi (je conclurais ce texte par une phrase de lui).
Oui il y eut les paroles dignes et puissantes de l’avocate de la famille Halimi, Maître Muriel Ouaknine-Melki, qui expliqua que le combat n’était pas terminé.
Oui on vit aussi la présence touchante et toute en retenue des deux frères Knoll (les fils de Mireille Knoll, Zal) dont Daniel, resté jusqu’au bout de la cérémonie, et celle enfin de Jonathan Behar, si actif dans le combat pour rendre justice à Sarah.

Mais comment ne pas subir de plein fouet la maigre assistance et le rappel de certains faits de l’assassinat sauvage du 4 avril 2017 ?
Comment ne pas être triste, quelques heures seulement après avoir découvert le martyr du jeune Cohen à Bobigny, tabassé par une meute de quinze types, puis s’enfuyant terrorisé pour se faire écraser sous le tramway T1 ?
Et comment ne pas souffrir aussi des échanges vifs, en fin de cérémonie, entre les membres présents du BNVCA et quelques personnes en fond de salle, les premiers arguant qu’il fallait être prudent sur l’antisémitisme derrière cette « affaire », les seconds hurlant que la chose était claire et entendue et ajoutant qu’il fallait voter Zemmour pour en finir avec cette impunité !

Bref, nous voilà une fois de plus dans un moment tragique de l’histoire, de notre histoire.
80 ans après avoir dû coudre une étoile jaune sur nos cœurs, nous en sommes toujours à vouloir vivre ou survivre, sans haine ni violence, au pays de Zola et d’Hugo, avec cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, après les morts de Sébastien en 2003, Ilan en 2006, Jonathan, ses enfants et la petite Myriam en 2012, les quatre de l’Hypercacher de la porte de Vincennes en 2015, puis Sarah et Mireille en 2017 et 2018, et donc Jérémy en février dernier.

Le politique peut-il nous sauver de cette situation ? Doit-on l’accepter ou renoncer en partant, une fois de plus, une fois encore ? Une chose est certaine : nous devons faire front ensemble, car, malgré les mots et les bonnes intentions des uns et des autres, notre situation ne s’améliore pas.

Et on ne peut pas ne pas se poser la question d’une Justice qui a failli dans l’affaire Sarah Halimi. Pourquoi ne faillirait-elle pas à nouveau ?
William Attal, le frère admirable et en colère de Sarah, a conclu son intervention par ces mots : « Je suis arrivé à la conclusion que c’était un dossier qui ne pouvait pas aboutir, qui ne devait pas aboutir. » Puisse l’histoire finir par rendre Justice à Sarah… et à Jérémy !  

© Gérard Kleczewski

Gérard Kleczewski est Citoyen et Journaliste

Merci à Sandrine Szwarc

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1 Comment

  1. Cher Mr
    La justice n est pas en cause dans l affaire Halimi : demandez a Meyer Habib comment les sbires de macron ont saboté la commission d enquête après avoir fait semblant d y participer.
    C est le gouvernement qui est responsable, c est lui qui a obligé la juge a la forfaiture, c est lui encore qui sabote toute avancée vers la verite.

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