Quelques notes, mai 2022 – 2/5 (Joaquín Amigo Aguado et Federico García Lorca / Pedro Sánchez et le Sahara occidental / La conquête de la Péninsule ibérique par les Musulmans)

Federico García Lorca est assassiné par les Blancs le 18 août 1936. Joaquín Amigo Aguado est assassiné par les Rouges le 27 août 1936. L’un est fusillé, l’autre est précipité dans le vide. Le catholique et conservateur Joaquín Amigo Aguado était passionné par l’œuvre de Salvador Dalí et par la psychanalyse ; il était un grand lecteur de Freud. Les archives de Joaquín Amigo Aguado ont été conservées dans la plus grande discrétion par sa veuve, Rosario de la Quintana. Dans les années 1960, seul le poète Luis Rosales a été informé de leur existence. Luis Rosales est un phalangiste de la première heure (una camisa vieja). Il n’en est pas moins l’un des plus proches amis de Federico García Lorca qui se réfugie chez lui lorsque la Guerre Civile commence à multiplier ses violences dans la province de Grenade.

Joaquín Amigo Aguado. Photo Nicolas Muller

Ces archives gardées secrètes par volonté de la famille n’ont été ouvertes qu’une fois durant la vie de Rosario de la Quintana comme nous venons de le signaler. A sa mort, sa fille Lourdes hérite des archives qu’elle gère avec une grande discrétion. Elle ne les ouvre qu’à deux chercheurs mais leurs travaux n’aboutissent pas. Et les archives retournent dans leurs boîtes jusqu’à la rencontre entre l’écrivain Ana Merino et la petite-fille de Joaquín Amigo Aguado, María Bastos Amigo, le 25 juin 2020. Suite à la publication du livre d’Ana Merino, « Amigo », le quotidien El Mundo reçoit l’autorisation de consulter ces archives et dans son numéro du 26 février 2022, il présente en exclusivité quelques documents.

Retour en arrière. Avant de rencontrer María Bastos Amigo, Ana Moreno travaille à un roman. Elle en parle à María Bastos Amigo qui à son tour lui parle des archives de son grand-père Joaquín Amigo Aguado. Le roman change alors de trajectoire pour devenir « Amigo », soit l’amitié entre Joaquín Amigo Aguado et Federico García Lorca, des pages où se mêlent réalité et fiction.

Pedro Sánchez en prend toujours plus à son aise (il y aurait un long article à écrire à ce sujet), ne se soucie guère du pouvoir législatif et met par ailleurs ses mains dans le pouvoir judiciaire. J’observe cet individu plutôt distraitement en attendant son éjection du pouvoir. Mais récemment un fait a retenu mon attention et provoqué ma colère. Ce gandin en a pris à son aise, plus que jamais, sur une question à laquelle je suis sensible depuis une trentaine d’années : le Sahara occidental. Le chef du Gouvernement espagnol a décidé tout de go, sans la moindre consultation préalable au Parlement, de s’emparer d’une question de politique extérieure qui a en Espagne une résonnance particulière dans la mesure où il s’agit d’une colonie qui fut espagnole jusqu’en 1975. On se souvient de la Marche verte. Ni consultation préalable, ni explication. Pour reprendre une expression espagnole, cet individu se basta y se sobra. La question du Sahara occidental a été portée à l’ONU où elle est encore débattue. L’Espagne s’est toujours efforcée de rester neutre sur cette question mais Pedro Sánchez a pris la liberté d’envoyer directement une lettre à Mohamed VI, lettre dans laquelle il déclare que l’Espagne – tous les Espagnols – acceptait l’idée d’une autonomie du Sahara occidental, autrement dit son absorption par le royaume du Maroc et pour l’Espagne la fin de toute idée d’indépendance de son ancienne colonie. Pedro Sánchez oublie-t-il qu’un référendum d’autodétermination est défendu par le Front Polisario – une possible alternative pour l’ONU ? Le comportement de Pedro Sánchez est une trahison envers le peuple saharaoui, une légèreté envers l’ONU mais aussi envers le peuple espagnol. La pandémie a incité Pedro Sánchez à gouverner toujours plus à sa guise, en négligeant toute consultation et toute explication. La démocratie espagnole est de plus en plus blessée. Ainsi, par une décision du seul chef du Gouvernement espagnol, les Espagnols ont officiellement quitté à leur insu leur stricte neutralité en penchant du côté que Pedro Sánchez ne défendait pourtant pas dans son programme électoral ou dans ses discours à l’Assemblée générale de l’ONU. Ainsi cet homme parvenu au pouvoir d’une manière particulière (voir détails) n’aura cessé de tourner dans sa propre vacuité – il ne s’agit pas que de realpolitik. Dans le programme électoral du PSOE on peut lire que le PSOE s’engage (je traduis et lisez attentivement) « à promouvoir la solution au conflit du Sahara occidental en se conformant aux résolutions des Nations Unies qui garantissent le droit à l’autodétermination du peuple saharaoui. Nous œuvrons dans ce sens afin de trouver une solution juste et définitive, mutuellement acceptable, et respectueuse du principe d’autodétermination du peuple saharaoui, de promouvoir les droits humains dans la région en favorisant le dialogue entre le Maroc et le Front Polisario avec la participation de la Mauritanie et de l’Algérie ». Pedro Sánchez ne cesse de faire la girouette en politique intérieure (trop d’exemples pour que je m’attarde sur cette question) mais aussi en politique extérieure et en particulier sur la question si délicate du Sahara occidental. Il est vrai que le comportement de Pedro Sánchez a été encouragé par Donald Trump (et je ne suis pas un anti-trumpiste radical) à l’issue d’un marchandage que je n’ai pas approuvé ; et ceux qui me lisent connaissent mon attachement à Israël et au sionisme. Donald Trump a en quelque sorte « vendu » le Sahara occidental au Maroc en échange d’une normalisation de ses relations avec Israël. Drôle d’affaire : on normalise les relations entre deux parties au prix de l’oppression d’une autre partie.

Tout en restant neutre, l’Espagne garantissait par sa relation particulière avec le peuple saharaoui une sorte de « protection », une relation garantie par tous les gouvernements (PP ou PSOE) depuis 1975, soit la mort de Franco, la Marche verte et l’indépendance du Río de Oro. Par cette lettre à Mohamed VI, Pedro Sánchez a agi non seulement contre les partis de l’opposition (principalement le PP) mais aussi contre les membres de son propre parti, le PSOE, sans oublier ses alliés de Unidas Podemos. La question saharaouie est aussi une question affective et sentimentale pour les Espagnols et quel que soit leur sensibilité politique. Il existe en Espagne un discret consensus sur cette question.

Ce faisant, Pedro Sánchez a suscité l’irritation de l’Algérie et du Front Polisario qui accusent non pas seulement le chef du Gouvernement mais l’Espagne et tous les Espagnols alors que personne n’a été consulté.

La conquête de la Péninsule ibérique par les Musulmans a été facilitée par la faiblesse des Wisigoths. Les Wisigoths entrent en Espagne en 414 et commencent à en occuper le Nord-Est, soit la province romaine de la Tarraconense (Hispania Citerior Tarraconensis). Leur adhésion à l’arianisme (considéré comme une hérésie) porte préjudice à la fragile unité politique de la Péninsule ibérique où la majorité des autochtones reste fidèle au catholicisme.

En 589 survient un important changement. Le roi et les chefs wisigoths se convertissent au catholicisme, ce qui a pour effet d’unir et de donner un peu plus de stabilité à la société wisigothe dans la Péninsule mais aussi dans la Septimania (dans l’actuelle France). Au début du VIIIe siècle, les classes supérieures wisigothe et hispano-romaine ont fusionné ; mais dans cette nouvelle classe supérieure des groupes rivaux s’affirment. Le haut-clergé a un rôle particulièrement important dans le gouvernement et l’administration du royaume. Il ne s’agit pas pour autant d’une théocratie – contrairement à ce qui a pu être dit – car au-dessus de ce haut-clergé il y a le roi et ses conseillers. Cette monarchie a de profondes fragilités, en partie causées par l’absence de règles précises concernant la succession des souverains, ce qui favorise les intrigues ; et, de fait, elles sont constantes. Le pouvoir des monarques est donc fragile, d’autant plus qu’ils ont bien des difficultés à recruter des soldats. La population elle-même est divisée, avec les Hispano-romains libres (qui se sentent néanmoins discriminés par le pouvoir) et une masse considérable soumise à un dur régime de servitude. Bref, lorsque les Musulmans prennent pied dans la Péninsule, ils sont nombreux à les accueillir en libérateurs. Les citadins voyaient leurs conditions de vie se dégrader depuis la chute de Rome. Nombre de privilèges municipaux avaient été abolis. De fait, sous le règne des Wisigoths, la répression économique est générale et de ce fait l’importance des villes diminue. Les Wisigoths auront eu le tort de ne pas vraiment comprendre l’importance du commerce, ce qui explique en partie leur dureté envers les Juifs. De plus, l’association des pouvoirs civil et religieux accentue l’hostilité théologique envers eux. Ainsi les décrets du Concile de 693 leur interdisent pratiquement les activités commerciales et nombre d’entre eux prennent contact avec des Juifs d’Afrique du Nord pour mettre fin à cet état de choses. Un décret de 694 condamne à l’esclavage les Juifs qui refusent le baptême. Ce décret n’est pas strictement appliqué mais le mécontentement ne cesse de grandir chez les Juifs – et chez d’autres.

Une énième dispute successorale va ouvrir les portes à l’invasion, une dispute qui cette fois met le pays au bord de la guerre civile. Brièvement. Egica et Vitiza (respectivement le père et le fils) règnent depuis 687. Vitiza veut que l’un de ses fils, Agila, lui succède et, à cet effet, il commence par le nommer dux de ce qui avait été la Tarraconense. A la mort de Vitiza, en 710, un puissant groupe de nobles aurait élu un certain Rodrigo. Mais Agila ne le reconnaît pas et défend ses possessions.

En résumé. La faiblesse du royaume wisigoth qui facilite l’invasion musulmane peut être attribuée à trois causes principales : des divisions au sein même de la classe supérieure, notamment sur la question de la succession ; le mécontentement des autres classes de la société, toutes maltraitées par les dirigeants et, en conséquence, la relative faiblesse d’une armée par ailleurs peu fiable ; enfin, une oppression particulièrement marquée subie par les Juifs.

Un mot à propos des Juifs du royaume wisigoth. Des individus mal intentionnés – pour ne pas dire antisémites – n’hésitent pas à déclarer en prenant appui sur ce moment particulier de l’Histoire que les Juifs sont peu fiables et pratiquent volontiers la traîtrise. Ces individus en prennent à leurs aises en commençant par ignorer le comportement des souverains wisigoths envers les Juifs, mais aussi envers d’autres, ainsi que la fragilité structurelle de la royauté wisigothe. C’est ainsi : on découpe l’Histoire à sa guise, on en garde un morceau et on jette tout ce qui le rattache à un ensemble immense et complexe ; et on peut donner un « exemple de la fausseté des Juifs et de leur propension à la trahison »…

(à suivre)

© Olivier Ypsilantis

Né à Paris, Olivier Ypsilantis a suivi des études supérieures d’histoire de l’art et d’arts graphiques. Passionné depuis l’enfance par l’histoire et la culture juive, il a ouvert un blog en 2011, en partie dédié à celles-ci. Ayant vécu dans plusieurs pays, dont vingt ans en Espagne, il s’est récemment installé à Lisbonne.

Source: ZakhorOnline

https://zakhor-online.com/

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