Sarah Cattan. Camille Kouchner ou Le courage de dénoncer les Crimes sexuels

Les media titrent : « Une bombe éditoriale ». La faute à un livre qui sortira jeudi mais qui a occasionné dans un même élan tsunami des esprits, démissions multiples d’un constitutionnaliste de toutes ses fonctions prestigieuses, mais pas que.

La Familia grande n’est pas un livre anodin : outre que son auteur, Camille Kouchner, porte un nom qui résonne à nos oreilles, le sujet est d’importance : il s’agit d’accusation de pédophilie, acte inqualifiable, à l’encontre d’Olivier Duhamel, connu du Tout Paris et au-delà, pour ses fonctions, ses prestations sur les plateaux télévisés,  et aujourd’hui pour viol et agression sexuelle à l’encontre du frère jumeau de l’auteur, tous 2 enfants de B. Kouchner élevés par le personnage sus-nommé à la faveur d’un remariage.

Si les faits remontent à quelque 30 ans et se sont répétés des années durant, nous nous rangerons résolument, dépassant ce droit à ne pas savoir cher à Finkielkraut ou encore le balagan créé par la sortie dudit livre, aux côtés de son auteur et de la victime : Comment oser seulement fustiger la parole libérée lorsque celle-là a été bridée des années durant et lorsqu’on peine à imaginer le traumatisme causé et multiplié à loisir, le criminel officiant en toute impunité sur LCI ou Europe 1 mais encore au sein de clubs d’influence regroupant moult personnalités politiques, économiques, médiatiques, culturelles.

Outre que le courage de l’auteur est loué par ses frères et que le soutien de son père, Bernard Kouchner, exprimé par la voix de son avocate, a été d’une clarté limpide mais hélas bien tardive, que le Parquet de Paris a ouvert une enquête pour “viols et agressions sexuelles par personne ayant autorité sur un mineur de 15 ans”, confiant à la Brigade de protection des mineurs de la Direction régionale de la police judiciaire de nouvelles investigations alors même qu’une précédente procédure avait été classée sans suite en 2011, le citoyen lambda doit se féliciter que sautent un après l’autre les complices silencieux de ces “crimes”: l’Affaire Matzneff nous avait offert un aperçu de ces “silences honteux” et des soutiens inqualifiables qui furent de mise dans le milieu Gallimard et il suffit d’imaginer, au sein de ceux qui fréquentaient les Pisier, Kouchner et Duhamel, le nombre de personnes au courant et qui se sont tues lâchement, dépassant, en ignominie, les protagonistes de l’Affaire d’Outreau: chez “ces gens-la”, dans la familia grande, cette bande d’intellectuels, de politiques et d’artistes de “gauche chic” estampillés Mai 68, cet entre-soi adolescent et narcissique avant l’ère du selfie qui festoie et croit s’être affranchi des conventions bourgeoises, la liberté sexuelle est donnée au biberon… Les plus curieux s’en reporteront à “L’enfant, le juge et la psychanalyste, entretien entre Françoise Dolto et Andrée Ruffo“, Gallimard, 1999.

S’il est heureux de savoir qu’est aujourd’hui levé un de ces lourds secrets de famille, il est à espérer que le courage de Camille Kouchner et celui de son frère aideront les victimes anonymes à dénoncer leur agresseur. Laissons la parole à Alexandre Kouchner, qui a tweeté dès lundi : “J’aime mes frères et ma soeur. Je salue leur courage et soutiens leur choix de briser le silence. Il faut toujours écouter, entendre et protéger celles et ceux qui ont souffert et souffrent. […] Que tous les bourreaux tremblent“.

La Familia Grande. Camille Kouchner. Editions du Seuil.