Michèle Chabelski. Souvenirs, Souvenirs (XV)

Bon

  Samedi

    Résumé des épisodes précédents

   Michèle et Paul se sont dit oui devant Dieu et devant les hommes.

   L’alliance carrée a été bénie, le rabbin a chanté et prié, offert quelques conseils aux frais épousés, les deux belles mères exultaient, l’une murmurant des Baroukh Hachem pleins de ferveur, l’autre se disant in petto Ouf, la voilà casée et moi tranquille, le beau-père silencieux, usé par le diabète, et mon papa tentant de se convaincre que ses doutes et inquiétudes étaient infondés et que le destin venait de lui offrir le fils dont il rêvait…

   Pour l’heure, les mariés, debout, recueillent les félicitations des invités, mâchoire un peu crispée et pieds à l’étroit…

    La suite

      Bon 

Ça y est.

  Je suis mariée.

    Papa a assuré le relais d’un regard tendre et inquiet…

   La fièvre de ces moments d’exception me brûlera tout au long de la journée et je cacherai mon émotion sous des rires sonores et des déhanchements effrénés sur la piste de danse.

   Pour l’heure, chacun est rentré chez soi se reposer, Mémé Eva m’étreint avec passion, elle anticipe un bonheur conjugal serein propre à effacer les accidents familiaux qu’elle a souvent arbitrés de son indéfectible amour…

   Bon. Te voilà tirée d’affaire, disent ses tendres yeux verts…

   Un garçon si beau…

  Et qui a l’air si gentil.

    Personne n’a jamais mentionné le feu qui aurait dû incendier ses yeux quand il les posait sur moi, mais bon, la folie qui s’était emparée de tout le monde pendant l’organisation de la fête, mes freinages et dérapages incontrôlés, la satisfaction de sa mère et le soulagement de la mienne, glissèrent sous le tapis cet aveuglement familial.

    Moi j’aimais.

    Et Papa s’inquiétait silencieusement.

    Vive les mariés !!

    La salle rutilait de mille feux sur les petits fours et les canapés, les verres de cristal faisaient crépiter sur les fleurs pâles leur éclat coruscant, les nappes virginales et pétrifiées d’amidon offraient leur raideur à une argenterie scintillante, ça fleurait la fête, le faste et le bonheur…

   Partout des brassées de fleurs blanches…

   La mariée faisait un peu pâle figure au milieu de ce luxe un rien tapageur, ma mère avait mis les petits plats dans les grands (elle était peut-être issue d’une étreinte clandestine de ma grand-mère avec un séfarade), et quelqu’un m’avait conseillé d’ôter mes boucles d’oreilles marguerites en plastique blanc qui risquaient de priver cette fête du panache espéré …

   Faut pas exagérer…

   Si, si, je t’assure, elles font un peu ordinaire…

   Faut dire que sans le chapeau ne restait qu’une jolie robe simplette moins féerique que les nappes qui juponnaient gracieusement les tables…

J’aurais bien enfilé un jean, moi!

     Et surtout des pompes confortables, les miennes finirent par valser sous la table, libérant mes pieds de ce carcan qui préfigurait…

  Bon…

 Laissons cela.

    Pour l’heure, nous prenions la pose avec nos invités, cheese, photos, merci d’être venus, oh mais nous sommes si heureux de partager, pardon, la file des invités s’allongeait, lui échangeait bourrades, œillades, étreintes avec ses potes, moi chastes baisers avec les miens, je ne connaissais pas les trois quarts des invités venus de tribus encore inconnues et de milieux professionnels sérieux et très austères, bonjour Monsieur , bonjour Madame, ça va pas bientôt finir,  j’en ai marre, sois patiente il en reste encore quelques-uns, voilà, un baiser volé( par moi), et les mariés s’assurent que tout le monde a une place assise, le petit bristol nominatif en faisant foi..

   L’heure n’était pas aux remerciements qui arriveraient plus tard, les cadeaux entreposés dans une pièce attendraient d’être ouverts…

   Ces cadeaux avaient fait l’objet d’un énième affrontement.

   C’était le début de la mode de la liste de mariage.

   Une liste de mariage ?

  Pour quoi faire ?

    Ben on fait une liste des cadeaux qui nous feraient plaisir sur une liste déposée dans un grand magasin et les invités déposent une somme qui permettra de s’offrir l’objet listé…

   Une somme ?

   Tu veux dire qu’on sait ce que la personne a dépensé ?

   Oui. Je veux dire qu’on sait ce que la personne a dépensé.

Te fous pas de moi

     Je ne me fous pas de toi.

     Et en plus ça oblige la personne à se rendre dans un magasin choisi par toi et à acheter un truc choisi aussi par toi ? Genre quoi ?

Oui. Choisi par moi. Enfin. Par nous si tu viens avec moi…

Genre une ménagère, des plats …

    Le velouté du regard de braise s’étiole un peu…

    Et tu veux que j’aille avec toi choisir des petites cuillères ?

   Ben … Oui…

    Il me fixe d’un air incrédule…

     Lui qui traite des affaires importantes, super importantes même, avec des gens importants, super importants même, irait aux Galeries Lafayette choisir une cafetière et un mixer avec sa jeune fiancée ?

    Vous y pensez vraiment ?

    Euh…

 Bon. J’irai toute seule.

    Ma mère m’accompagna je crois… Ma mémoire me trahit peut-être…

   Bref, mort de honte, il n’osa avouer à ses invités la présence de la liste galeuse, ce qui nous valut une trentaine de services à thé et sucriers y afférents…

   Mes invités avaient allègrement souscrit.

    Mais l’heure n’était pas aux engueulades, bien que les délais entre deux accrochages se rétrécissent dangereusement par la suite, et souriants, main dans la main, nous allions exhiber notre bonheur présent et sans doute futur en levant une coupe à moitié pleine sous les vivats et les Mazel Tov.

   La coupe serait pleine plus tard…

   Rocks endiablés, twists lascifs, slows langoureux, tout le monde dansait, sauf les vieux qui somnolaient sur leur chaise capitonnée…

 On ricanait en se donnant des coups de coude…

  Aujourd’hui les vieux, c’est nous, mais étonnamment, on danse encore…

  On dormira plus tard. Et pour longtemps.

  Mais ce n’est pas l’objet de la discussion.

   On souffle à ma mère qui vibrionne toujours dans une longue robe bleu glacier qu’il faut faire asseoir les invités qui s’épongent de leur mouchoir de baptiste, car on va servir le clou du dîner : la pièce montée…

   Objet d’une supplémentaire escarmouche que je décrirai demain de peur de lasser le lecteur enivré des détails de cette réception…

 J’y ajouterai quelques informations sur les débats contradictoires concernant le lieu de résidence et….

  Non, mais ça va pas ?

   Vous alliez imaginer que…

Et quoi encore ?

     La sphère privée, comme son nom l’indique pour les francophones patentés, est le lieu où en secret, derrière la porte refermée….

  Enfin…

Vous m’avez comprise…

   Encore que je puis vous révéler un détail qui ne heurtera ni les yeux ni les oreilles de mes lecteurs chéris, mais pour cela il vous faudra encore patienter et ….

Tatata.

  Générique

   Fin de l’épisode de la saison 1, Le N de Netflix se pare des couleurs lumineuses qui le caractérisent, moi j’attends que vous appuyiez sur le bouton Play de la télécommande.

   Que ce samedi de confinement qui ouvre d’étroites persiennes sur un éventuel déconfinement vous soit doux et serein.

    Je vous embrasse

© Michèle Chabelski

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