Allemagne: un impôt religieux particulièrement salé pour un couple de Français

En cochant la case juif sur leur formulaire d’enregistrement à Francfort, M. et Mme K. ignoraient que ça pouvait leur coûter cher.
Synagogue Francfort
Synagogue Francfort

Appelons-les M. et Mme K. Ce couple fortuné – dont le nom n’est pas communiqué — déménage de France pour Francfort en Allemagne en novembre 2002. A leur arrivée, ils remplissent le formulaire d’enregistrement, une procédure obligatoire dans le pays, et cochent, au chapitre consacré à la religion, la case «Mosaisch», «Juif». M. et Mme K. ignorent alors tout de la mécanique qu’ils viennent de mettre en branle.

Six mois plus tard, ils reçoivent un courrier de bienvenue de la communauté juive de Francfort, assorti d’une facture salée : le montant de l’impôt religieux que chaque fidèle se doit d’acquitter dans le pays. M. et Mme K protestent, rappellent qu’ils sont toujours en contact avec leur communauté d’origine en France, qu’ils ne savaient pas qu’en cochant la case «juif» ils s’engageaient à verser un impôt religieux, et que la communauté juive de Francfort est de toute façon trop orthodoxe à leurs yeux… Après des mois de pourparlers infructueux, le couple quitte la communauté en octobre 2003 en claquant la porte. Mais le conflit n’en reste pas là. Aux yeux de la communauté juive de Francfort, le couple a laissé derrière lui un arriéré d’impôts de… 114 000 euros pour un peu moins d’un an d’affiliation.

En Allemagne, se dire catholique, protestant, juif ou orthodoxe signifie qu’on est membre d’une paroisse précise. En l’absence de séparation stricte entre les Églises et l’Etat, les services fiscaux du pays collectent l’impôt religieux pour les communautés du pays, prélevé à la source (1) et figurant sur les fiches de paie aux côtés des prélèvements sociaux. Il est possible de «sortir» de l’Eglise, ce que font d’ailleurs des dizaines de milliers d’Allemands chaque année. Qui choisit cette option est considéré comme non croyant, et ne peut en général plus prétendre à un enterrement religieux, au baptême pour ses enfants, ou à une place dans un jardin d’enfants ou une maison de retraite catholique, protestante ou juive. Pays dépourvu de tradition laïque, l’Allemagne ne considère pas la religion comme une affaire privée.

Depuis plus de dix ans, l’affaire du couple K. est renvoyée de tribunal en tribunal. Mercredi, le tribunal administratif Fédéral de Leipzig a confirmé une décision du tribunal constitutionnel de Karlsruhe, qui avait donné raison à la communauté juive de Francfort en 2010. Laquelle a refusé la proposition de compromis du tribunal administratif, qui, soulignant le montant inhabituellement élevé de la somme à payer, a suggéré que le couple n’en paie que la moitié. «La communauté juive de Francfort ne négocie par principe pas sur les questions fiscales», a expliqué son président Marc Grünbaum.

«Mes clients viennent de France et ne comprennent rien à cette histoire», explique l’avocat du couple. Les K. qui voient dans cette affaire une atteinte à la liberté religieuse sont décidés à aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.

(1) Sauf pour les étrangers récemment installés ou les personnes aux revenus irréguliers.

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