BDS, Orange et le harcèlement antisioniste : le hoax colonial

La condamnation incessante d’Israël participe d’une technique argumentative bien connue : la conglobation. Cela consiste à accumuler dans un texte des arguments, même les plus faibles, creux et inconsistants, afin que l’ampleur quantitative du réquisitoire (à défaut de sa véracité) puisse créer une illusion convaincante.Bds-Amsterdam-www_facebook_com
Dans le cas d’Israël, il ne s’agit pas d’un texte mais d’une véritable submersion d’événements marketing qui ont pour seul but de délégitimer Israël par les mots. L’effet de cet empilement de reproches est d’associer de manière automatique des termes négatifs avec Israël. L’enjeu linguistique est de taille : faire d’Israël le synonyme des pires turpitudes morales.
Comment ne pas constater une telle accumulation dans la récente actualité politique ? Israël est le seul pays au monde à être montré du doigt de manière aussi constante. Le harcèlement verbal prend des proportions officielles dont l’étendue même démontre la mauvaise foi : la 69e session de l’Assemblée Générale de l’ONU a ainsi adopté 20 résolutions condamnant Israël et uniquement 3 résolutions pour le reste du monde ![1] A l’instigation de l’Arabie Saoudite, l’OMS a désigné Israël comme l’unique pays au monde violant les droits à la santé[2] alors qu’Israël soigne tout le monde, y compris les combattants ennemis ou les Syriens à la frontière du Golan — il est vrai que l’Arabie Saoudite est un respectable membre de la Commission des droits de l’Homme et qu’Israël était le seul pays dont le cas ait été soumis à une enquête…
Après le pseudo-rapport de « Breaking the Silence » dont les ragots ont été complaisamment relayés par les médias français,[3] conjointement à la préparation du sulfureux rapport Schabas de l’ONU,[4] la mise en place d’une nouvelle « flottille de la paix », les déclarations de M. Stéphane Richard sont venus alimenter la certitude qu’Israël doit être boycotté à cause de ses colonies.
Aujourd’hui des boycotteurs de BDS dont les liens avec les pires organisations guerrières sont avérés peuvent demander à une entreprise française « de communiquer publiquement sa volonté de désengagement et de dénoncer les atteintes aux droits humains commises par Partner » et soutenir que l’existence d’activités économiques « dans les colonies israéliennes contribuerait à leur viabilité économique et à leur maintien, et contribuerait ainsi à perpétuer une situation considérée comme illégale par la communauté internationale ».
La réponse soumise du patron d’Orange ne se fit pas attendre : « Je suis prêt à abandonner demain matin » les liens avec Partner, a déclaré Stéphane Richard lors d’une visite en Egypte et il a même parlé de « se retirer d’Israël ». Rappelons tout de même que le boycott n’est pas une expression politique mais un délit discriminatoire dans le droit français.
Ces déclarations ont été l’occasion, une nouvelle fois, pour les médias, d’associer Israël à une image négative. Revenons sur l’emploi systématique du mot « colonie » dans le cas d’Israël.
Dans ce cadre militant, le mot « colonie » n’est pas employé avec sa valeur descriptive de base, « Groupement de personnes, et le plus souvent par métonymie, lieu où les personnes sont établies » (Trésor de la Langue Française), mais dans un sens lourd de connotations politiques et de portée idéologique faisant d’un tel peuplement une injustice. Dans cet emploi militant, le mot « colonie » a été « axiologisé », c’est-à-dire qu’il a reçu une valeur, en l’occurrence négative, et que cette valeur fait désormais partie de sa signification. Pour le dire autrement, le mot « colonie » est en lui-même porteur d’un jugement négatif, indépendamment de la réalité juridique, historique ou du bien-fondé éventuel de la colonie en question.
Le terme convoque désormais des représentations pré-pensées où s’agglomèrent exploitation, voire esclavage, racisme, violence, etc. Par un raccourci idéologique provenant de camps politiques anti-occidentaux, on n’a appliqué le mot « colonisation » qu’à la colonisation européenne, ce qui a développé une sorte de manichéisme universel polarisant le monde une bonne fois pour toutes en « bons » (les colonisés) et « méchants » (les colonisateurs), développant au passage d’autres oppositions binaires de type bourreau vs victime, dominant vs dominés, etc. Remarquons au passage que personne ne fustige la Turquie pour son occupation illégale de Chypre ou du Tibet par la Chine. On pourrait penser que la France occupe la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et autres territoires d’Outre-Mer. Quant à la colonisation arabo-musulmane de la totalité du Maghreb et du Moyen-Orient, il ne saurait en être seulement question.
Le rappel constant du mot « colonisation » est donc un outil rhétorique très sélectif. Par conséquent, les connotations du mot « colonie » pour décrire une présence sur un territoire sont tellement négatives qu’il est vital pour les adversaires d’Israël de s’en servir systématiquement. La complaisance des médias français à employer le mot « colonie » est en soi une agression verbale envers Israël : cela fait partie du scénario obligatoire où l’incantation du mot « colonie » éclipse tout discours rationnel au profit de l’égalisation « Juif = Colon = Raciste ».
La réalité de la Judée-Samarie n’est en rien celle d’une telle « colonisation » : ces territoires n’ont pas été volés, même s’il existe une sorte de vide juridique faute d’occupant préalable identifiable,[5] et ce territoire existe dans une continuité territoriale avec Israël, sans parler de la continuité historique (c’est bel et bien le lieu de développement du peuple juif). C’est d’ailleurs pour gommer cette réalité historique que certains militants ont remplacé « Judée-Samarie » par « Cisjordanie », afin d’effacer le lien avec l’histoire juive. C’est dans le même esprit qu’à partir des années soixante, les Soviétiques et la Ligue Arabe ont changé le sens du mot « Palestine » (qui désignait le territoire géographique) et « Palestiniens » qui désignait essentiellement les Juifs de Palestine.[6]
La bataille dénominative reflète une guerre diplomatique visant à délégitimer la présence juive. Il est saisissant de constater qu’à l’heure où certains réclament l’abolition des frontières et la libre circulation absolue des personnes « migrantes », ces mêmes acteurs politiques soient si sourcilleux sur la présence juive (et uniquement celle-là) en Judée-Samarie. Il serait donc légitime que des millions de migrants s’installent en Europe mais illégal que des Juifs habitent en Judée.
La légalité et la morale sont visiblement relatives à des objectifs politiques. A cet égard, n’oublions pas non plus les lois, profondément antisémites, appliquées par l’OLP et l’AP, qui interdisent aux Arabes de vendre leurs propriétés à des Juifs.[7] Imaginons seulement qu’une loi en France interdise de vendre un bien à une catégorie de personnes…
En fait, l’escroquerie sémantique autour de l’incantation du mot « colonie » provient d’une sorte d’antanaclase[8] confondant l’« occupation coloniale », au sens réprouvé par l’idéologie repentante occidentale, et « occupation coloniale » au sens arabo-musulman qui refuse toute présence souveraine de chrétiens ou de Juifs. Dans le sens occidental naïf et hypocrite, il s’agit de lutter contre une colonisation injuste. Dans le sens arabo-musulman, la revendication de récupérer les terres relève d’une visée radicalement suprémaciste. C’est bien ce que revendique BDS dans son appel fondateur qui réclame de « Mett[re] fin à son occupation et à sa colonisation de tous [sic] les terres Arabes » (Ending its occupation and colonization of all Arab lands).[9] Il s’agit donc bien de reconquérir toute la Palestine, c’est-à-dire Israël dans son intégralité—en le rayant de la carte, comme le souhaitent les Iraniens.
De fait, la répétition obsessionnelle de la notion de « colonie » dans un sens accusateur est absurde, mensongère et ne correspond en rien à la situation juridique. Accepter ce terme, c’est accepter le narratif arabo-musulman qui considère toute présence juive sur tout le territoire historique de la Palestine comme une occupation — et son corollaire : la destruction programmée d’Israël dans son ensemble.
Il fait généralement scandale de parler de colonisation de peuplement pour les millions d’Arabo-Musulmans qui occupent des territoires en Europe. Pour les Juifs de Judée, le diagnostic colonial est immédiat. C’est que le post-modernisme bien-pensant possède une sorte de copyright moral sur le mot « colonie » employé aux fins de fustiger l’occident et Israël. C’est un terme qui sert à exempter de toute responsabilité morale et politique le jihadisme qui ne cesse pourtant de se revendiquer ouvertement comme colonisateur et conquérant sans la moindre honte : les partisans de ce jihad ne présentent pas autrement le flot de migrants peuplant et appelé à peupler l’Europe. Parler de colonie pour Israël, c’est jouer de manière mensongère sur la culpabilité occidentale, enfermée dans les « frontières d’Auschwitz » du « plus-jamais-ça » devenu slogan reversé sur toute cause ayant le bon sens stratégique de se présenter de manière victimaire.
Répétons-le, car comme le disait Gide, « Toutes choses sont dites déjà mais comme personne n’écoute il faut sans cesse recommencer »,[10] les territoires occupés par Israël le sont parce qu’Israël a remporté une victoire militaire contre ses agresseurs. La non-résolution juridique du statut de ces territoires est due au fait que le monde arabo-musulman ne veut pas négocier l’existence souveraine juive qu’il entend éradiquer.
Parler de colonisation parce que des Juifs sont établis sur un espace, c’est adopter un point de vue antisémite et islamique proche du nazisme : s’il existait un état arabe à cet endroit, cela signifierait que les Juifs n’ont pas le droit d’y résider. On fait difficilement plus clair comme positionnement de vue antisémite.
C’est à ce point de vue que se rallie majoritairement la classe politique française (qui par contre, ne voit aucun inconvénient à être envahie par des centaines de milliers de migrants dont une large proportion partage un positionnement islamique et anti-français). Israël accepte sans aucun problème la présence arabe en son sein mais la réciproque n’est pas vraie : cette seule asymétrie suffit à délégitimer comme antisémite toute remise en cause de la présence juive en Judée (ou à Jérusalem). Une fois encore, il ne s’agit que d’un prétexte dans une stratégie au long cours consistant à condamner politiquement Israël et à l’isoler diplomatiquement.
La sphère du mouvement BDS, soutenue entre autres par le PC et le NPA, dont les intérêts convergent avec les groupes terroristes comme le FPLP, le Jihad Islamique, le Hezbollah, le Hamas, etc., est véritablement un acteur du conflit. Il ne s’agit en rien d’une opinion politique vertueuse mais du contrepoint juridico-médiatique sur le terrain européen de la lutte armée terroriste en Israël. Les militants bien-pensants et leurs relais médiatiques se servent d’arguties pseudo-juridiques et d’une falsification de l’histoire pour participer à la guerre islamique contre les Juifs.
Même François Hollande et Manuel Valls, qui manquent pourtant fréquemment de cohérence politique, ont bien été forcés de reconnaître que « L’antisionisme, c’est l’antisémitisme ». La substitution du mot « juif » par « sioniste » ne masque pas grand-chose même si elle tente de porter sur le terrain politique ce qui relève d’une guerre contre les Juifs. Reste que cette vague pirouette linguistique suffit à donner au bon peuple intellectuel de France un prétexte pour s’en prendre à nouveau aux Juifs. Comme si rien dans le monde n’était plus urgent que de jouer les lamentables factotums du jihadisme antisémite…
Par Jean Szlamowicz
http://jforum.fr/2015/06/bds-orange-et-le-harcelement-verbal-anti-israelien-le-hoax-colonial/

Jean Szlamowicz, linguiste et professeur des Universités
Remerciements à Hélène Palma pour sa relecture attentive.
[1] Comptage arrêté en janvier. www.unwatch.org. Les violations des droits de l’homme en Chine à Cuba, au Pakistan, au Soudan, au Sri Lanka, au Yemen, en Arabie Saoudite ou au Nigéria semblent donc ne compter pour rien comparé à Israël…
[2] http://blog.unwatch.org/index.php/2015/05/21/un-israel-is-worst-violator-of-health-rights-in-the-world/
[3] Rapport payé 300 000$ par le Fonds Arabe des Droits de l’Homme, « en contact direct avec des organisations terroristes et les individus qui ont été impliqués dans des activités terroristes passées et présentes contre Israël, comme le Front Populaire pour la Libération de la Palestine et autres groupes djihadistes internationaux » selon le NGO Monitor du Pr. Gerald Steinberg. Cf. « Briser l’opacité des financements européens dans l’entreprise de délégitimation d’Israël » : http://www.ngo-monitor.org/article/breaking_the_silence_shovirm_shtika_ ; www.jforum.fr/2015/05/une-ong-touche-300-00-de-ramallah-pour-salir-tsahal/; http://honestreporting.com/idns-05042015-breaking-silence/.
[4] Notons que William Schabas, dont le parti-pris était trop voyant puisqu’il a travaillé pour l’OLP en 2012, a finalement dû démissionner de cette commission sur les « crimes de guerre » de Tsahal — les conclusions sont annoncées dans le titre de la commission, uniquement à charge, avant même que l’enquête ait commencé…
[5] Rappelons les faits réels : suite au refus du plan de partage par le camp arabe et à l’agression d’Israël, la Jordanie a envahi et annexé la Judée en 1948. Lors de la nouvelle agression arabe de 1967, Israël s’est trouvé occupant de ces territoires. Juridiquement, il n’est même pas possible de « rendre » ces territoires puisque l’occupant préalable était le mandataire britannique et, auparavant, l’Empire ottoman. Rappelons aussi le caractère désertique de la région qui n’a été mise en valeur que par Israël.
[6] Dans ce narratif frauduleux, certains inventent même des villages imaginaires pour prétendre à une antériorité de peuplement et ancrer dans les esprits une histoire faite de spoliation. http://www.tel-avivre.com/2015/06/09/susiya-ce-village-palestinien-et-ses-villageois-deracines-par-israel-qui-na-jamais-existe/
[7] L’article 114 du code pénal numéro 16 de Jordanie, applicable aux Territoires palestiniens, prévoit une peine « temporaire de travaux forcés » pour les personnes reconnues coupables de ce « crime ». Le code pénal révolutionnaire de l’OLP applique la peine de mort aussi bien pour les traîtres qu’à ceux reconnus coupables d’avoir « cédé des positions à l’ennemi » http://fr.timesofisrael.com/durcissement-legal-contre-les-palestiniens-vendant-leurs-terres-aux-juifs/
[8] L’antanaclase est un jeu sur deux sens du même mot comme dans le célèbre aphorisme de Pascal « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ». L’antanaclase elliptique ne procède pas à la répétition (« L’intelligence, c’est comme les parachutes, quand on n’en a pas, on s’écrase », Pierre Desproges).
[9] http://www.bdsmovement.net/call#French
[10] Traité du Narcisse, Théorie du symbole, 1891.

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