Interview de Rachel Wamsley
Pour Tribune Juive
par Daniella Pinkstein
Tel-Aviv, le 11 juin 2025

Interview de Rachel Wamsley
Pour Tribune Juive
par Daniella Pinkstein
Tel-Aviv, le 11 juin 2025
| Étrangers – les passagers à bord des trains qui roulent. Leurs visages – tache de lunes lointaines – éveillent la tristesse de distantes contrées intérieures puis disparaissent comme si jamais ils n’avaient existé. Seuls les rails qui strient les déserts des ciels savent que tout visage est un prodige que tout prodige peut revenir. Reïzl Zychlinsky (traduction Rachel Ertel) |
נס
,פֿרעמד זיינען מענטשן
.װאָס פֿאָרן אין צוגן
—זייערע פּנימער
—פֿלעקן װייטע פֿון לבנות
װעקן אױף דעם טרױער
פֿון אינעװייניקסטע מרחקים
און פֿאַרשװינדן
.װי קיין מאָל נישט געװען
און נאָר די רעלסן, װאָס שניידן דורך
,די זאַמדן אין די הימלען
,װייסן
,אַז יעדעס פּנים איז אַ נס
און אַז דער נס
.קען נאָך אַ מאָל געשען

C’est avec un grand honneur et une grande joie que je vous accueille aujourd’hui dans nos colonnes de Tribune Juive. Vous dirigez depuis 2023 le programme international du séminaire de yiddish d’été à l’Université de Tel-Aviv. On a longtemps reproché à Israël son dédain pour le yiddish, voire son refus à le transmettre. Aujourd’hui votre programme réunit des étudiants, des artistes, des écrivains du monde entier, qui viennent étudier le yiddish, échanger, se spécialiser, comme s’ils remarchaient sur les pas d’un sentier jadis hasardeux. Le Programme d’été de Yiddish à Tel-Aviv est un véritable voyage non seulement dans le temps, la mémoire, mais aussi et surtout vers un renouveau inédit. Pour le présenter en quelques mots :
Le Programme International d’Été de Yiddish à l’Université de Tel Aviv (The Naomi Prawer Kadar International Yiddish Summer program) est le programme phare de l’Institut Goldrich pour la langue, la littérature et la culture yiddish [1]. L’Institut, actuellement dirigé par la Professeure Hannah Pollin-Galay, a été fondé par sa première directrice, Hana Wirth-Nesher, aujourd’hui professeure émérite au Département d’anglais et d’études américaines. Le premier grand projet de l’Institut a été le programme d’été international, qui a ensuite été organisé en collaboration avec Beit Shalom Aleichem. Il est rapidement devenu le plus grand programme yiddish. Lors de la première année, plus de 120 étudiants de 12 pays différents sont venus à Tel Aviv pour y assister, la plupart étant des étudiants en licence, maîtrise ou doctorat. Au-delà de son enseignement rigoureux de la langue yiddish, son vaste programme culturel est devenu l’un de ses plus grands atouts : concerts, conférences, visites, ateliers de musique et théâtre.
La nationalité des participants est au fil des ans de plus en plus variée, on trouve des étudiants de Chine, du Japon, d’Argentine, de Roumanie, de Hongrie, du Royaume-Uni, de France, d’Allemagne, de Pologne, de Géorgie, des États-Unis, du Canada et de Russie. Certains des anciens élèves du programme ont obtenu des doctorats en études yiddish et sont devenus les principaux chercheurs de cette génération en littérature, histoire et culture yiddish.
- Chère Rachel, Vous êtes vous-même spécialiste de la littérature yiddish médiévale et du début de la modernité, – littérature en particulier qui tire son inspiration de la Bible hébraïque et de l’exégèse rabbinique. Vous avez obtenu votre doctorat à l’UC Berkeley en 2015 et avez enseigné à l’Université hébraïque et à l’Université Ben Gourion du Néguev. Vous êtes du reste vous-même une ancienne élève du programme. Puis-je vous demander ce qui vous a personnellement engagée dans cette voie ? Pourquoi une telle carrière, vouée totalement au Yiddish ?
D’aussi loin que je me souvienne, le yiddish fait partie prenante de ma vie. Mon père est né à New York en 1930 et a grandi dans le Bronx, dans ce qui était alors le cœur d’une enclave d’immigrants presque exclusivement juive. Il a fréquenté le réseau d’écoles yiddish laïques et socialistes connu sous le nom de Sholem Aleykhem Folkshuln jusqu’au lycée. Parce que sa famille avait cessé d’être observante une fois arrivée en Amérique, le yiddish est devenu une pierre angulaire de sa compréhension et de son plaisir à mener une vie juive.
Des années plus tard, au moment de ma naissance, mon père est nommé professeur en linguistique, avec une spécialisation dans la syntaxe et la philologie germanique. Il enseignait le yiddish toute l’année aussi bien dans son université, que dans la communauté juive locale. Des livres, des journaux, des disques et des cassettes yiddish remplissaient notre maison.
Malgré tout cela, mon père me parlait toujours en anglais, et bien qu’il m’ait appris à lire et à écrire en yiddish quand j’étais enfant, je n’ai su le parler correctement qu’à partir de mon adolescence. C’est au cours de mes études de littérature comparée à l’université, que le yiddish est devenu mon centre d’intérêt et mon ambition centrale, m’incitant à me tourner vers la recherche. Peu attirée par les débats idéologiques sur la sécularisation, le nationalisme et la modernité dans les lettres yiddish, je me suis tournée vers la littérature yiddish ancienne comme moyen d’explorer les racines profondes de la civilisation ashkénaze, son utilisation complexe du yiddish et de l’hébreu-araméen, et son ambivalence envers les genres et les matériaux de source non juifs. Cette première floraison de l’imagination littéraire yiddish dans une Europe en transformation, marquée par la peste, le sectarisme, l’expulsion et la répression, n’a jamais cessé de me fasciner car elle revêt de manière si convaincante le présage à la modernité yiddish. On peut certes y discerner les signes avant-coureurs de la Shoah, oui, mais aussi les arcs plus longs de l’efflorescence, du déclin et du renouvellement qui caractérisent le yiddish jusqu’à notre époque.
A présent, je vis avec ma famille à Jérusalem, où je travaille en tant que chercheur indépendant et traductrice, ainsi que directrice académique du programme d’été international yiddish Naomi Prawer Kadar à l’Université de Tel Aviv. J’ai cinq enfants, âgés de 15 ans à six mois. Je leur parle uniquement en yiddish. C’est littéralement leur mame-loshn, bien que ce soit également la langue qu’ils utilisent entre eux. Le yiddish remplit tous mes jours. C’est l’un des grands plaisirs de ma vie.
- Depuis combien d’années ce programme d’été existe-il ? Pourquoi fut-il originellement fondé ?
Le programme d’été fonctionne plus ou moins en continu depuis vingt ans. Il a été fondé à l’origine pour offrir un environnement immersif et rigoureux pour l’étude de la langue et de la culture yiddish. Il n’était pas seulement question de promouvoir l’acquisition de la langue, mais aussi de cultiver un lien vivant avec les traditions littéraires, historiques et intellectuelles du judaïsme ashkénaze. Étant donné que le programme était à l’origine une collaboration entre l’Institut Goldrich pour le Yiddish de l’Université de Tel Aviv et Beit Shalom Aleichem, un important centre culturel yiddish à Tel Aviv, le programme d’été a opté pour un autre équilibre : un engagement envers les meilleurs standards académiques d’une part, et vis-à-vis d’une culture yiddish vivante et dynamique d’autre part.
- Qu’est-ce qui le différencie des autres séminaires d’été qui existent par exemple à Paris, Berlin ou New-York ?
Notre programme se distingue précisément par cette combinaison de rigueur universitaire conjuguée à un environnement immersif et interdisciplinaire—et bien sûr, par son cadre unique en Israël. Le programme offre non seulement un enseignement intensif pour tous les niveaux, mais il réunit également un corps professoral et étudiant international, partageant un engagement commun envers le yiddish, comme domaine universitaire et lien culturel vivant.
Le programme adopte ainsi une approche holistique : chaque jour combine l’enseignement des langues avec la littérature, la musique, le théâtre et les recherches de très haut niveau. Un travail philologique sérieux, des recherches d’archives et des conférences académiques se déroulent en parallèle avec des performances en direct, des projections de films, des visites à pied et des discussions animées en classe. Le programme représente une rare convergence d’immersion linguistique, de collaboration académique et de vitalité culturelle.
Enfin, être basé à l’Université de Tel Aviv permet au programme de s’engager dans un contexte israélien plus large—où le yiddish continue d’occuper une position culturelle significative, bien que compliquée…
- Comment le yiddish est-il aujourd’hui perçu en Israël ?
En Europe ou aux Etats-Unis, le yiddish est souvent considéré comme soit une lacune post-Holocauste, soit comme un sentimentalisme du Borsht Belt. Il peut susciter de la mélancolie ou de la nostalgie, ou un rire désinvolte. Le yiddish s’étant réduit à une langue de perte ou à une langue de rire. Ici en Israël, le yiddish persiste mais dans un réseau d’oppositions complexes et inconfortables qui traversent toute la société israélienne : passé contre avenir, religieux contre laïque, nationalisme contre mondialisme, gauche contre droite, ashkénaze contre séfarade/mizrahim, et ainsi de suite. C’est ainsi que le yiddish fonctionne simultanément comme une langue vivante de ségrégation auto-imposée haredi, comme un vestige d’un passé diasporique douloureux et parfois honteux, comme une relique d’une identité ashkénaze presque paroissiale qui semble de moins en moins pertinente dans le creuset culturel d’un Israël en rapide mondialisation, mais aussi comme un refuge pour des expériences alliant des variétés non normatives d’identité juive… Un programme comme le nôtre, qui promeut une expérience nuancée et variée du yiddish vivant, remet en question toutes ces croyances, hypothèses et débats longtemps captifs circulaires d’eux-mêmes.
- Trouve-t-on un cursus universitaire d’Études du Yiddish, à Tel-Aviv ou dans d’autres universités du pays ?
L’Université de Tel Aviv propose des cours tout au long de l’année sur la langue, la littérature et la culture yiddish via l’Institut Goldrich, il existe aussi un programme de maîtrise en Études yiddish. Des programmes diplômants similaires en langue et littérature yiddish sont également prodigués à l’Université Bar-Ilan et à l’Université hébraïque de Jérusalem. En dehors des cadres universitaires traditionnels, des centres culturels comme Beit Shalom Aleichem et Beit Leivik rendent l’apprentissage du yiddish accessible à tous les âges, grâce à des cours de langue de haut niveau, des séries de conférences, des expositions et des événements culturels.
- Qui parle aujourd’hui le Yiddish en Israël ?
Le yiddish en Israël est principalement parlé au sein des communautés haredi—en particulier hassidiques—où il est souvent la langue vernaculaire quotidienne dans les familles, les écoles et les institutions, par exemple dans des villes comme Bnei Brak et Jérusalem. (En prenant le bus jeudi dernier, deux de mes enfants ont été interrompus en plein milieu d’une conversation animée par un gentleman hassidique essayant de comprendre pourquoi un couple d’enfants manifestement non-religieux s’engueulait en yiddish…) Il n’est pas surprenant d’entendre du yiddish dans les rues, ou dans les magasins, parcs et aires de jeux de Jérusalem. Au-delà de la présence de la communauté hassidique, il n’est pas rare de croiser des Israéliens laïcs plus âgés—souvent des immigrants d’Europe de l’Est ou leurs enfants—qui comprennent encore le yiddish ou qui sont heureux de pouvoir le parler à nouveau. Parmi les jeunes Israéliens, il existe également un petit mais actif renouveau laïque du yiddish, souvent centré sur l’expression culturelle à travers les arts de la scène : musique, théâtre, cinéma.
- Existe-t-il un périodique, un journal ?
Aujourd’hui, la plupart des publications yiddish imprimées gravitent autour des communautés ultra-orthodoxes, et bien sûr, la pression relative exercée sur le journalisme traditionnel à l’ère numérique a eu ses conséquences. Les publications yiddish laïques restent toutefois rares ici, certaines existent en version imprimée et en ligne. La plus notable est la revue littéraire trimestrielle Yidishland, publiée en éditions parallèles en Israël et en Suède, bien qu’elle soit davantage un ensemble ambitieux de poésie et de prose yiddish contemporaine du monde entier, qu’un organe de presse classique.
- Comment votre programme promeut-il la transmission du yiddish ?
La transmission de la langue yiddish à de nouveaux locuteurs est la priorité absolue du programme, – priorité que nous poursuivons de plusieurs manières. Tout d’abord, nous offrons un enseignement intensif de la langue à tous les niveaux, tant pour développer la recherche universitaire que la participation culturelle. De surcroît, nous créons une expérience immersive inédite. Les étudiants et les enseignants du monde entier—étudiants, chercheurs, artistes—peuvent ensuite emporter le yiddish chez eux et le mettre en dialogue avec leurs propres disciplines et contextes.
Pour être efficace, nous cessons de considérer le yiddish comme une relique du passé, figée dans le temps. Ici, le yiddish se réaffirme comme une langue vivante avec un riche et dynamique patrimoine culturel. À travers des séminaires et des ateliers en littérature, folklore, théâtre, musique et traduction, les étudiants sont exposés à toute la richesse de la créativité yiddish, de la poésie épique médiévale—le genre sur lequel je travaille— mais aussi au cinéma moderniste et aux mémoires d’après-guerre.
En tant qu’universitaire dont les recherches se concentrent sur les périodes antérieures à la production littéraire yiddish, j’envisage ce programme comme un pont, non seulement entre les générations—un passé yiddishophone et un yiddish présent en cours d’apprentissage —mais aussi entre la profondeur historique de la langue et sa pertinence contemporaine.
Nous travaillons dur pour nous assurer que le yiddish ne soit pas seulement étudié mais aussi voire surtout vécu.
- Ce programme d’été attire des étudiants du monde entier, y compris de Chine et du Japon. S’agit-il toujours principalement d’étudiants juifs ? Quelles sont leurs motivations s’il n’est pas question de mémoire personnelle ?
Bien que la majorité de nos étudiants aient des origines juives, nous avons constaté une diversité démographique croissante ces dernières années. Aux côtés de participants d’Amérique du Nord, d’Europe, d’Israël et d’Amérique latine, nous avons commencé à accueillir des participants de Chine, du Japon et d’autres pays non occidentaux, où les études juives commencent à se développer en tant que discipline universitaire.
Dans ces cas, l’intérêt pour le yiddish émerge souvent d’une curiosité culturelle ou intellectuelle plutôt que d’un héritage personnel. Pour les chercheurs d’Asie de l’Est, en particulier, le yiddish peut représenter une étude de cas sur la préservation des langues, les cultures minoritaires ou l’histoire intellectuelle transnationale.
Je trouve remarquablement émouvant que beaucoup de ces étudiants soient profondément investis dans la langue et la littérature malgré l’absence de connexion ancestrale. Ils sont souvent très motivés et arrivent avec des perspectives nouvelles qui enrichissent l’environnement d’apprentissage des autres participants. Même sans exposition préalable aux textes juifs, ils trouvent leur chemin dans le corpus à travers des questions littéraires ou philosophiques complexes. Pour moi, leur présence montre bien que le yiddish, malgré toute sa particularité ethnique, dialogue puissamment vers l’horizon, large, des préoccupations humaines communes.
Il y a quelque chose de profondément émouvant dans l’histoire du yiddish. Une civilisation résiliente mais fugace, capable de transformations infinies, de survie et de renouveau au milieu de persécutions et de ruptures historiques. Le yiddish incarne certaines des peurs fondamentales qui hantent l’ethnicité et l’identité dans la modernité mondiale. Partout dans le monde, les langues mineures sont absorbées par l’hégémonie des méga-langues : chinois, russe et surtout, anglais. Quiconque a une conscience historique et un engagement envers la diversité culturelle se demande : l’homogénéité est-elle tout ce qui nous attend?
La survie du yiddish nous rappelle qu’il n’en est pas toujours ainsi.
- Pensez-vous que ce programme d’été du Yiddish à l’université de Tel-Aviv sera amené à se développer ? Et si oui, de quelle façon ?
Sans aucun doute. Comme le yiddish lui-même, le programme a prouvé sa résilience et sa capacité d’adaptation : face aux bouleversements économiques, aux conflits géopolitiques, à la pandémie mondiale. Et Israël est souvent un endroit où nous planifions le présent plutôt que l’avenir… !
Je suis arrivée en tant que directrice académique il y a seulement un an, juste avant le début de la guerre actuelle. Il me semblait alors, comme maintenant, qu’en dépit de l’incroyable richesse des ressources en matière de yiddish en Israël, la discipline risquait ici de s’isoler, s’éloignant des études yiddish du reste du monde. Cela est particulièrement vrai dans les sphères universitaires de la génération à venir, chercheurs et érudits en cours de formation. Ce sont ces personnes qui dirigeront bientôt les programmes d’études yiddish dans leurs universités, formeront des étudiants diplômés, recruteront des enseignants de langue et concevront des programmes yiddish. Pour être ces leaders de demain, leur cohésion à travers le monde en dépend.
C’est avec cela à l’esprit que nous avons lancé ce programme d’été, afin de créer une communauté académique pour les universitaires, en début de carrière, tant israéliens que non-israéliens. Cette année, par exemple, nous mettons en place deux programmes pilotes conçus pour associer les étudiants diplômés et les chercheurs émergents à la profusion de documents et archives inédites rassemblées ici, et les mettre également en contact avec les chercheurs, archivistes, conservateurs et activistes culturels éminents—qui constituent toute la richesse du yiddish en Israël.
Le premier pilote est un programme d’éducation qui associe des étudiants chercheurs de l’étranger à des érudits israéliens seniors. Pour les participants israéliens, nous les présentons à distance à des directeurs universitaires de l’étranger—des États-Unis, d’Europe et d’ailleurs—pour élargir leur perspective et les connecter à une communauté académique mondiale.
La deuxième initiative, plus large, est un séminaire de recherche avancée impliquant parmi les plus grandes voix dans l’étude des disciplines Yiddish pour une semaine d’enseignement intensif, postuniversitaire, entièrement prodiguée en yiddish. Cette année, nous avons l’honneur d’accueillir le célèbre historien Samuel Kassow et le chercheur en littérature Marc Caplan. Le séminaire vise à établir les normes les plus rigoureuses possibles pour la prochaine génération de chercheurs yiddish : comment faire avancer un agenda de recherche ambitieux, fondé sur une utilisation rigoureuse des matériaux historiques et littéraires, et présenter et enseigner les fruits de ce travail « af Yidish ».
- Pendant presque mille ans, mais surtout ces quatre derniers siècles (avant-guerre), le Yiddish n’a cessé de forger une vision juive du monde. Le yiddish est-il devenu désormais notre inconscient ? ou pire notre Dibbouk ? ou bien est-il au contraire en passe de renaître sous une autre forme ? et en cela il serait tout à la fois notre mémoire et notre miracle de survivance ?
En fait, nous sommes chanceux que le dybbouk du folklore juif ne soit pas juste un fantôme. C’est plutôt une « farvoglte neshome », une âme errante. En quête—en besoin—d’un corps. Itzik Manger, l’un des plus grands poètes yiddish, a rédigé un essai, « Folklore et Littérature », dans lequel il exprime sa peur que le dybbouk des littératures étrangères ne vienne posséder le poète yiddish et s’exprimer par sa bouche. Le yiddish cesserait alors d’être yiddish. Il ne serait plus qu’un porte-parole, récitant d’un air engourdi des pensées et des sentiments étrangers.
Pour Manger, le yiddish était à la fois une âme et un corps. Il était immatériel—une sensibilité culturelle, une façon de penser et de voir, un système de valeurs— dont corporel—un ensemble de coutumes concrètes et de pratiques religieuses, une civilisation vivante et respirante, un mode de vie. Le poète yiddish devait parler de cette âme, de ce corps. Ce n’est qu’ensemble qu’ils pouvaient faire de la langue un art.
Ainsi, dans Le Dybbouk de S. An-sky, l’âme errante est un amant désincarné aspirant à l’incarnation charnelle. Son amour est spirituel, celui d’un cœur pour un autre, mais aussi physique, celui d’un homme pour une femme. Cette possession, lorsqu’elle se manifeste, n’est pas un acte de hantise ; c’est un acte d’union, « dveykes ». L’autre traduction de ce terme est, bien sûr, dévotion.
Je suis encline à penser que le yiddish d’aujourd’hui est ce dybbouk errant et agité, cherchant à nous habiter. À parler de nos bouches. Nous n’avons qu’à l’inviter à revenir !
- Toutes les langues possèdent un démon. Quel serait selon vous celui du yiddish ?
L’illégitimité. La bâtardisation a toujours été l’accusation visant à dévaloriser le yiddish aux yeux du monde et de son propre peuple. « Zhargon. » Allemand déraciné. Une langue pour « des femmes et des hommes qui sont tous comme des femmes », comme l’indiquent certains de nos premiers textes yiddish. Une langue pour les analphabètes dans une culture qui fait l’éloge de l’alphabétisation…
Le yiddish a, d’une certaine manière, été désavoué par ses parents germaniques et hébraïques. Pendant la majeure partie de son histoire, il représentait quelque chose de moins que la somme de ses parties, une langue de foyer et d’enfance qui devait être mise de côté avant que le véritable travail d’élaboration puisse commencer.
Et si rien de sérieux ne peut être dit en yiddish, logiquement on peut se demander qui pourrait en avoir besoin ? Que perdrait-t-on si cette langue était totalement anéantie par le génocide nazi, par la répression soviétique, par la construction nationale hébraïque, par l’assimilation américaine ?
Le yiddish est une langue entravée par la nécessité de défendre son propre droit à exister. Même dans le domaine de l’art, malgré des prouesses extraordinaires, il fut extrêmement difficile de s’extraire de cette nécessité.
- Nombres de grands universitaires du yiddish furent ou sont encore de fervents pessimistes, très engagés dans les funérailles de cette langue. Pour ceux-là, vous êtes, vous enseignant, une « confrérie sainte du dernier devoir » ? Pour d’autres au contraire, moins nombreux mais plus actifs, « le travail autour du yiddish se fait dans un espace de querelles violentes et luttes que l’on peut regretter, mais qui en même temps sont des témoignages de sa vitalité » De quel côté penchez-vous ?
Mes cinq enfants, dont la langue maternelle est le yiddish, grandissent en cette époque compliquée, dans ce pays compliqué, dans cette ville encore plus compliquée. Aucune mère dans une telle situation ne peut se qualifier de pessimiste sans ciller.
Je garde mon optimisme en partie parce que je ne vis pas le yiddish pour l’avenir, mais pour le présent. Je ne me débats pas pour l’avenir du yiddish parce que, dans ma vie, l’avenir est déjà là. Je suis trop occupée à lire des histoires yiddish, à chanter des berceuses yiddish et à désamorcer des disputes en yiddish pour me demander si notre langue va survivre. Elle me semble très vivante. De l’intérieur de ma maison, il est insensé de poser une telle question. Tout simplement parce que le yiddish vit maintenant dans la bouche de mes proches, il est vivant. Et pour moi, cela suffit.
J’espère que cela suffit aussi pour ceux qui font du yiddish le cœur de ce qu’ils sont chaque jour. Ce n’est pas en gagnant un débat sur la postérité que nous assurons la vie pérenne d’une langue. C’est en vivant nos vies en elle. Pour certains d’entre nous, c’est fonder une famille. Pour d’autres, c’est la recherche, l’enseignement, la composition musicale, l’écriture de poésie, en plaçant le yiddish au centre de leur activité ou de leur art. Tout ce qui est nécessaire pour qu’une langue vive, c’est que nous vivions en elle.
- Le monde hassidique parle quotidiennement aujourd’hui le yiddish, on estime d’après le tirage de nombreux journaux qu’une population de presque un million en a fait sa langue maternelle. Nos auteurs yiddish modernes sont tous sortis de ce milieu, ils étaient les enfants d’une telle éducation. N’est-ce pas étrangement le retour de cette mamé loshen, comme pour un cycle, à ses heures d’origine ?
C’est le cas, bien que je sois assez méfiante devant l’équivalence projetée entre la vie hassidique contemporaine et « Yidishland vos a mol. » Beaucoup de choses ont changé. Peut-être ici, au sein de l’État juif plus qu’ailleurs. À bien des égards, la décision hassidique de continuer à vivre en yiddish après la Shoah et la fondation d’Israël est tout aussi consciente et tendancieuse que la nôtre, yiddishistes laïques. Même si, bien sûr, nous faisons des revendications idéologiques différentes avec ce choix.
Quoi qu’il en soit, plutôt que d’un « retour » cyclique à un mode de vie perdu, je préfère évoquer un jardin de chemins « bifurquants ». La fourche hassidique mène vers un avenir, la laïque et académique vers un autre. Heureusement, ces deux lignes temporelles coexistent, et leurs habitants peuvent choisir de se rendre visite de temps en temps et de comparer leurs notes.
- Les apikorsim sont-ils aussi les garants du yiddish de demain ? car demain en effet, après-demain, comme après chaque miracle de la vie juive, ne naîtra -t-il pas encore d’autres poètes ?
C’est certainement le cas parfois. Mais je ne suis pas trop préoccupée par le fait de labelliser un type de production culturelle en yiddish comme « l’avenir » et de rejeter l’autre comme… quelque chose de moins que l’autre ! Dans le monde hassidique, il n’est pas nécessaire d’être un apikoyres pour être journaliste yiddish, ou auteur-compositeur-interprète, ou podcasteur. Le monde laïque n’est pas le seul endroit où la créativité culturelle a de la valeur.
De la même manière, de nombreux yiddishistes laïques puisent dans le profond puits de la tradition religieuse juive pour écrire leur poésie expérimentale, ou mettre en scène des adaptations modernes de pièces yiddish classiques, ou s’immerger dans l’archive historique du judaïsme d’Europe de l’Est. Et donc nous faisons aussi partie de « l’avenir » même si nous sommes en si petit nombre et que le monde hassidique ne nous est par forcément profitable.
- Quel avenir imaginez-vous pour cette langue ?
Je pense que nous devrions d’abord revenir à votre question sur les poètes yiddish du futur. Les poètes yiddish du présent forment un groupe bigarré : ils couvrent tout l’éventail des convictions religieuses, des idéologies politiques, des sensibilités esthétiques. Je pense que lorsque les historiens futurs se pencheront sur cette période de la littérature yiddish dans le premier siècle après le Khurbn, la destruction, ils la définiront en termes de fragmentation, mais pas dans le sens de quelque chose de brisé en morceaux ou d’irréparable. Ils verront plutôt une panoplie de lieux indépendants de croissance progressive du yiddish. Que ces lieux indépendants fusionnent un jour, formant un nouveau Yidishland approchant la civilisation richement variée qu’était le monde Ashkénaze historique est cependant une autre question…
Mais pour être complètement honnête, je ne me préoccupe pas vraiment des moyens qu’il faudrait mettre en œuvre pour conserver le yiddish d’après la destruction du judaïsme européen. Le monde hassidique l’a déjà garanti. Je suis beaucoup plus troublée par ce qui restera du yiddish, ou en effet de toute langue minoritaire, après les inondations de l’ère numérique, des réseaux sociaux et de la montée de l’IA. Nous vivons à travers une ère de transformation discursive sans précédent. À l’avenir, lorsque rien ne sera produit sans l’aide d’un bot, façonné par des océans de data dans des langues majeures, qui se battra alors pour produire une IA équivalente pour le yiddish ? Une IA qui fera le même travail et avec la même rapidité, la même grâce, acuité et ampleur qu’en anglais ? Si une langue majeure est simplement l’option la plus rapide, la plus propre, la plus fiable, comment les langues minoritaires pourront-elles jamais suivre ? Lorsque toutes les technologies de production culturelle se réduisent à un jeu de chiffres, le yiddish et toutes les autres langues minoritaires pourraient bien disparaître comme une goutte d’encre dans la mer.
- Aujourd’hui les juifs, et tout Israël fait face à une telle ampleur de la haine, l’apprentissage du yiddish, aussi florissant soit-il dans certains cercles, n’est-il pas illusoire, voire futile ?
Pour décider si quelque chose est futile, nous devons d’abord nous questionner sur le but recherché. Je ne vois pourquoi la bigoterie devrait être un facteur dans l’apprentissage d’une langue qui a du sens pour nous…
Au lieu de cela, nous pourrions simplement nous demander : Pourquoi étudier le yiddish ? (Et, oui, persister dans cette question, face à l’antagonisme ou au préjugé.)
Et je pourrais alors répondre : pour savoir qui nous étions, pour considérer qui nous sommes devenus, pour décider qui nous serons. En une époque de haine et d’hostilités renaissantes, ce sont indiscutablement les questions les plus urgentes. Elles nous maintiennent alignés avec nos valeurs. Elles nous gardent à la fois conscients et méfiants des dangers issus du passé…
Avant sa destruction, le judaïsme d’Europe de l’Est se posait toutes les questions les plus pressantes sur la modernité—en yiddish. À côté de moi sur ma table d’écriture se trouve « Mayn Krig Mit Hersh Raseyner » de Chaim Grade (dans une belle nouvelle édition parallèle yiddish-anglais). C’est l’histoire de deux Juifs débattant, au milieu des ruines de leur civilisation, de la nature de leur avenir. L’un est athée, un poète, un libre penseur, un gauchiste, un pessimiste en proie à la douleur et à sa culpabilité de survivant. L’autre est un Juif pieux, profondément, même cruellement auto-réflexif, mais de plus en plus enclin, à la suite de la destruction, à un optimisme messianique…
Que devrions-nous lire en ces temps, sinon une telle histoire ?
- Cette dernière question qui me fut hélas si souvent posée n’a sans doute pas de réponse, ou tout au moins pas une seule réponse. Mon propre apprentissage du yiddish a tenu d’un tel sentiment de joie, de sacré, de transgressions effarantes de bienveillante ironie, cette langue m’a tellement rendu ma langue, mon esprit, mes jeux, ma liberté d’être exactement celle que je souhaitais devenir, qu’il serait difficile de l’expliquer à un interlocuteur qui se projette dans ces temps maudits d’aujourd’hui. Le yiddish pose la question de la mémoire de l’Europe, une langue qui a charrié la vivacité de toutes les autres langues, mêlée aux grands récits de la Bible, dans cette Europe qui se dit si chrétienne. L’Europe se déchire pour des frontières, l’Ukraine se bat pour une géographie, le yiddish n’avait pas de frontières, invraisemblable Babel abouti. Le Yiddish n’est-il pas pour nous l’espoir d’un monde qui peut encore se reconstruire, et l’exemple du symbole vivant de la pérennité juive ?
Je parlerais de résilience juive, plutôt que de permanence. Une capacité au doute, à l’enquête, à la transformation, à l’adaptation, à la survie. Quand Avrom Sutzkever demande “vos vet blaybn,” ( « que restera-t-il ») il semble supposer que la plupart des choses s’évanouissent. Nous devrions plutôt nous occuper de ce qu’il reste. Parce que la survie est l’état d’exception.
Sutzkever soutient que l’éphémère—un fil de mousse de mer, un enchevêtrement de nuages—survivra à tout ce qui semblait tellement plus sécurisant. Et il conclut que Dieu, immatériel mais éternel, est la partie éphémère la plus constante…
Une langue est aussi un phénomène constant et pourtant éphémère. Où réside-t-elle ? Elle n’est pas réductible à sa grammaire, ni à l’un de ses millions de locuteurs restants. Ce n’est pas sa littérature, ni ses archives. Ce n’est même pas sa continuité historique, car bien sûr nous savons maintenant qu’une langue peut sembler morte puis soudain se raviver.
Même si nous ne pouvons pas parler de permanence, la langue peut bien être l’un de ces fragments éphémères dont il est le plus difficile de se débarrasser.
- Que représente la musique pour vous dans cet univers yiddish ? Et Est-elle un toujours un vecteur d’intérêt pour la langue, un pont vers toute la culture yiddish, ou est-ce devenu aujourd’hui un simple divertissement, un artifice de salon ou de festival ?
Je ne suis pas musicienne, mais l’héritage musical Ashkenaze est, selon la dilettante que je suis, l’une de ses contributions historiques mondiales. Je n’ai jamais rencontré de yiddishiste qui n’ait pas été profondément touché par notre musique. Et l’inverse est également vrai, de sorte que de nombreuses personnes à travers le monde, quelle que soit leur origine ou leur langue d’origine, sont attirés par le klezmer et les chansons folkloriques yiddish sans en comprendre un mot.
Donc pour certains, nous pouvons sûrement parler de la musique yiddish comme d’une porte d’entrée, une expérience presque corporelle, incitant à une immersion de plus en plus profonde dans tout l’héritage culturel du yiddish.
Pour d’autres, vous avez raison, elle ne reste rien de plus qu’un divertissement. Mais le simple fait que la porte d’entrée reste perpétuellement ouverte, et que tant de gens choisissent de la franchir, cela témoigne du pouvoir « de constance » de la chanson yiddish.
- Comment expliquez-vous le réveil actuel de la musique Klezmer ?
En partie à cause de ce que je viens de décrire : l’attrait universel et l’accessibilité immédiate de cette musique. Un profane peut aisément accéder à niveau d’appréciation qu’il ne pourrait jamais atteindre pour un tout autre univers musical, aux mêmes équivalences de barrière linguistique, ou de distance culturelle ou historique. Lorsque cette musique semble émaner d’un passé détruit et irréversible et pourtant pleinement intact, s’exprimant avec plus de vivacité qu’aucune synagogue reconstruite ou roman traduit ne peut égaler, il est difficile de ne pas la voir comme une forme radicale de réparation historique…
Mais je demande s’il n’existe pas aussi une autre raison à l’influence du Klezmer sur le public actuel. Je pense qu’il s’agit aussi d’une capacité à contenir la souffrance, à lui témoigner une tolérance. Il existe une chanson folklorique bien connue, “Der Freylekher Shnayder,” le tailleur heureux. Dans cette chanson, le personnage du tailleur se plaint inlassablement de tout, de ses longues heures de labeur, de son travail ingrat, de son terrible patron, de sa faim et de son humiliation. Toute la chanson est résolument larmoyante ; le violon se lamente continuellement. Comment, alors ce peut-il être le tailleur heureux ?… Et voilà qu’il révèle son secret : son bonheur dépend du nigndl, cette mélodie sans mots, qu’il chante (qui est, en fait, ce refrain que nous entendons en nous-mêmes), une mélodie si belle qu’elle le soulage de tous ses chagrins. Même le fait d’avoir faim ne peut l’abattre—après tout, il a eu cette délicieuse chanson entre ses lèvres toute la journée.
La chanson yiddish ne fait pas disparaître la souffrance ; elle nous la rend rédimée par la beauté, le plaisir et la joie.
- Comme le dit Max Cohn, dans « L’inconscient du yiddish », « La mémoire d’un peuple est en jeu. Tout le monde peut parler yiddish. Il suffit de l’apprendre. » Êtes-vous d’accord ?
Je le suis, malgré ceux qui voient le yiddish comme une langue inaccessible, ou perdue dans le passé. Une langue qui n’appartient plus à notre monde, à nos vies, à nos bouches. Rien en fait n’est plus éloigné de la vérité. Le yiddish est vivant, prêt à être appris, parlé et chanté. C’est seulement notre attitude qui nous le fait paraître si lointain.
Le programme d’été de Yiddish est en ligne, et les inscriptions sont encore possibles, quelques jours encore.
Merci Rachel Wesley, pour tant de dévouement, de conviction. Merci d’avoir répondu avec tant de bienveillance à cette interview.
Et pour reprendre une très célèbre parole de Mendel de Kotzk
« – Où habite Dieu ?
- Dieu habite là où on le laisse entrer ».
Entretien mené par Daniella Pinkstein
Note
[1] https://en-humanities.tau.ac.il/naomiyiddish
Version originale

| Étrangers – les passagers à bord des trains qui roulent. Leurs visages – tache de lunes lointaines – éveillent la tristessede distantes contrées intérieures puis disparaissent comme si jamais ils n’avaient existé. Seuls les rails qui strient les déserts des ciels savent que tout visage est un prodige que tout prodigepeut revenir. Reïzl Zychlinsky (traduction Rachel Ertel) |
נס
,פֿרעמד זיינען מענטשן
.װאָס פֿאָרן אין צוגן
—זייערע פּנימער
—פֿלעקן װייטע פֿון לבנות
װעקן אױף דעם טרױער
פֿון אינעװייניקסטע מרחקים
און פֿאַרשװינדן
.װי קיין מאָל נישט געװען
און נאָר די רעלסן, װאָס שניידן דורך
,די זאַמדן אין די הימלען
,װייסן
,אַז יעדעס פּנים איז אַ נס
און אַז דער נס
.קען נאָך אַ מאָל געשען
Interview with Rachel Wamsley
For Tribune Juive
by Daniella Pinkstein
Tel Aviv, June 11, 2025

It is with great honor and joy that I welcome you today in the columns of Tribune Juive. Since 2023, you have been leading the international program of the summer Yiddish seminar at Tel Aviv University. Israel has long been criticized for its disdain for Yiddish, even its refusal to transmit it. Today, your program brings together students, artists, and writers from around the world who come to study Yiddish, exchange ideas, and specialize, as if they were retracing the steps of a once perilous path. The Yiddish Summer Program in Tel Aviv is a true journey not only through time and memory but also, and above all, towards an unprecedented renewal. To present it in a few words:
The International Yiddish Summer Program at Tel Aviv University (The Naomi Prawer Kadar International Yiddish Summer Program [1]) is the flagship program of the Goldrich Institute for Yiddish Language, Literature, and Culture. The Institute, currently directed by Professor Hannah Pollin-Galay, was founded by its first director, Hana Wirth-Nesher, who is now an emeritus professor in the Department of English and American Studies. The Institute’s first major project was the international summer program, which was later organized in collaboration with Beit Shalom Aleichem. It quickly became the largest Yiddish program. In its first year, over 120 students from 12 different countries came to Tel Aviv to attend, most of whom were undergraduate, master’s, or doctoral students. Beyond its rigorous teaching of the Yiddish language, its extensive cultural program has become one of its greatest assets: concerts, lectures, visits, music and theater workshops.
The nationality of participants has become increasingly diverse over the years, with students from China, Japan, Argentina, Romania, Hungary, the United Kingdom, France, Germany, Poland, Georgia, the United States, Canada, and Russia. Some alumni of the program have obtained PhDs in Yiddish studies and have become leading scholars of this generation in Yiddish literature, history, and culture.
– Dear Rachel, you are yourself a specialist in medieval Yiddish literature and the early modern period, particularly literature that draws its inspiration from the Hebrew Bible and rabbinic exegesis. You obtained your PhD at UC Berkeley in 2015 and have taught at the Hebrew University and Ben-Gurion University of the Negev. You are also an alumna of the program. May I ask what personally engaged you in this path? Why such a career, entirely devoted to Yiddish?
Yiddish has been a part of my life as long as I can remember. My father was born in New York in 1930 and grew up in the Bronx, in what was then the heart of an almost exclusively Jewish immigrant enclave. He attended the network of secular, socialist Yiddish schools known as the Sholem Aleykhem Folkshuln through high school. Because his family ceased to be observant once they arrived in America, Yiddish became a cornerstone of his understanding of and pleasure in living a Jewish life.
Years later, by the time I was born, my father had become a professor of linguistics, with a specialization in syntax and Germanic philology. He taught year-round Yiddish language courses at his university, as well as in the local Jewish community.Yiddish books, newspapers, records and cassette tapes filled our home.
In spite of all this, my father always spoke to me in English, and although he taught me to read and write in Yiddish when I was small, I didn’t learn Yiddish well enough to speak until my mid-teens. By the time I was studying comparative literature in university, Yiddish had become central to my ambitions as a literary scholar. Less attracted to ideological debates over secularization, nationalism, and modernity in Yiddish letters, I turned to early Yiddish literature as a way to investigate the deep roots of Ashkenazic civilization, its complex use of both Yiddish and Hebrew-Aramaic, and its ambivalence toward non-Jewish genres and source-material. This first flowering of Yiddish literary imagination in a transforming Europe of plague, sectarianism, expulsion and repression, has never ceased to fascinate me because it serves so compellingly as a foreshadowing of Yiddish modernity. In it, we can discern harbingers of the Holocaust, yes, but also the longer arcs of efflorescence, decline, and eventual renewal that characterize Yiddish in our own time.
Now I live with my family in Jerusalem, where I work as an independent scholar and translator, as well as academic director of the Naomi Prawer Kadar International Yiddish Summer program at Tel Aviv University. I have five children, ranging in age from 15 to six months. I speak to them only in Yiddish. It is literally their mame-loshn, though it is equally the language they use amongst themselves. Yiddish fills all my days. It is one of the great pleasures of my life.
– How many years has this summer program existed? Why was it originally founded?
The summer program has been running more or less continuously for the past twenty years. It was originally founded to provide an immersive, rigorous environment for the study of Yiddish language and culture. The hope was not only to promote language acquisition but also to cultivate a living connection with the literary, historical, and intellectual traditions of Ashkenazic Jewry. As the program was originally a collaboration between Tel Aviv University’s Goldrich Institute for Yiddish and Beit Shalom Aleichem, a preeminent Yiddish cultural hub in Tel Aviv, the summer program has always prioritized balance: commitment to the highest academic standards on the one hand, and to a living, vibrant Yiddish culture on the other.
– What differentiates it from other summer seminars that exist, for example, in Paris, Berlin, or New York?
Our program stands out for precisely this combination of academic rigor and an immersive, interdisciplinary environment—and of course, for its unique setting in Israel. The program not only offers intensive language instruction across all levels, but also brings together a world-class international faculty and student body with a shared commitment to Yiddish as both a scholarly field and a living cultural medium.
The program thus takes a holistic approach: every day combines language instruction with literature, music, theater, and cutting-edge research. Serious philological work, archival research, and academic lectures run concurrently with live performances, film screenings, walking tours, and vibrant classroom discussion. The program represents a rare convergence of linguistic immersion, academic collaboration, and cultural vitality.
Finally, being based at Tel Aviv University allows the program to engage with a broader Israeli context—where Yiddish continues to occupy a significant, though complicated, cultural position…
– How is Yiddish perceived today in Israel?
In European or American settings, Yiddish is often first thought of as either post-Holocaust lacuna or as Borsht Belt sentimentalism. It might elicit wistfulness or nostalgia, or a dismissive chuckle. Yiddish reduced to a language of loss or a language of laughter. Here in Israel, Yiddish persists in a more layered and uncomfortable network of oppositions that crisscross Israeli society: past versus future, religious versus secular, nationalism versus globalism, left versus right, Ashkenazi versus Sephardi/Mizrachi, and so on. This is how Yiddish can function simultaneously as a living language of Haredi self-segregation, as a remnant of a painful and sometimes shameful Diasporic past, as a relic of an almost parochial Ashkenazic identity that seems less and less relevant in the cultural melting pot of a rapidly globalizing Israel, as a bohemian refuge for experiments with non-normative varieties of Jewish identity… A program like ours, that promotes a nuanced and variegated experience of living Yiddish, brings these long-held beliefs, assumptions, and debates to the fore.
– Is there a university curriculum for Yiddish Studies at Tel Aviv or other universities in the country?
Tel Aviv University offers year-round courses in Yiddish language, literature, and culture through the Goldrich Institute, and an MA program in Yiddish studies.
Similar degree-granting programs in Yiddish language and literature are operative at Bar-Ilan University and the Hebrew University of Jerusalem.
Outside of traditional academic frameworks, cultural centers like Beit Shalom Aleichem and Beit Leivik make lifelong Yiddish learning accessible through topnotch language classes, lecture series, exhibitions, and cultural events.
– Who speaks Yiddish today in Israel?
Yiddish in Israel is primarily spoken within Haredi—especially Hasidic—communities, where it’s often the daily vernacular in families, schools, and institutions, for example in cities like Bnei Brak and Jerusalem. (Riding the bus last Thursday, two of my children were interrupted in the middle of a heated conversation by a Hasidic gentleman trying to figure out why a couple of evidently secular kids were shouting at each other in Yiddish…) It is no surprise to hear Yiddish on the streets, or in the shops, parks, and playgrounds of Jerusalem. Beyond the presence of the Hasidic community, it’s not uncommon to run into older secular Israelis—often immigrants from Eastern Europe or their children—who still understand Yiddish or are happy for the opportunity to speak it again. Also among younger Israelis, there is a small but active secular Yiddish revival, often centering cultural expression through the performing arts: music, theater, cinema.
– Is there a periodical or newspaper?
Today most print Yiddish outlets revolve around ultra‑Orthodox communities, and of course the relative strain placed on traditional journalism in the digital age has taken its toll. Secular Yiddish publications remain rare here but do exist in both print and online form. The most notable is the quarterly literary journal Yidishland, published in parallel editions in Israel and Sweden, though it is less a journalistic outlet than an ambitious collection of contemporary Yiddish poetry and prose from around the world.
– How does your program promote the transmission of Yiddish?
The transmission of Yiddish language to new speakers is the highest priority of the program, which we pursue in several key ways. First and foremost, we offer intensive, high-quality language instruction at all levels, essential for both academic research and cultural engagement. But beyond that, we creates a vibrant, immersive experience through which learners and teachers from around the world—students, scholars, artists—can carry Yiddish home with them, and bring it into dialogue with their own disciplines and contexts.
Most effectively, we don’t treat Yiddish as a relic of the past, frozen in time. Here, Yiddish reasserts itself as a living language with a deep, dynamic cultural archive. Through seminars and workshops in literature, folklore, theater, music, and translation, students are exposed to the full richness of Yiddish creativity, from medieval epic poetry—the kind that I work on—to modernist cinema and postwar memoir.
As someone whose research focuses on earlier periods of Yiddish literary production, I see this program as a bridge, not just between generations—a Yiddish-speaking past and a Yiddish-learning present—but between the historical depth of the language and its contemporary relevance.
We work hard to ensure that Yiddish is not only studied but lived.
– This summer program attracts students from around the world, including from China and Japan. Are they still mostly Jewish students? What are some of their motivations if it is not a matter of personal memory?
While the majority of our students do have Jewish backgrounds, we’ve seen increasing demographic diversity in recent years. Alongside participants from North America, Europe, Israel, and Latin America, we’ve begun welcoming participants from China, Japan, and other non-Western countries, where Jewish studies has grown as an academic field.
In these cases, interest in Yiddish often emerges from broader cultural or intellectual curiosity rather than personal heritage. For scholars in East Asia, in particular, Yiddish may represent a case study in language preservation, minority cultures, or transnational intellectual history.
I find it remarkably moving that many of these students are deeply invested in the language and literature despite having no ancestral connection. They’re often highly motivated, and come in with fresh perspectives that enrich the learning environment for everyone. Even without prior exposure to Jewish texts, they find their way into the corpus through keen literary or philosophical questions. For me, their presence underscores the idea that Yiddish, for all its ethnic particularity, speaks powerfully to broader humanistic concerns.
There is something deeply emotional about the story of Yiddish. A resilient but futigive civilization, capable of endless transformation, survival and renewal amid persecution and historical rupture, Yiddish epitomizes some of the core fears haunting ethnicity and identity in global modernity. All over the world, minor languages are being subsumed by the hegemony of mega-languages: Chinese, Russian, and most of all, English. Anyone with historical consciousness and commitment to cultural diversity is asking: Is homogeneity all we have to look forward to?
The survival of Yiddish reminds us that it is not.
– Do you think this Yiddish summer program at Tel Aviv University will continue to develop? And if so, in what way?
Undoubtedly. Like Yiddish itself, the program has proved resilient and adaptable: to economic upheaval, geopolitical strife, global pandemic. Israel is often a place in which we plan for the present rather than the future…
I came on board as academic director only a year ago, just before the onset of the current war. It seemed to me then, as now, that in spite of Israel’s incredible wealth of resources in the field of Yiddish, the discipline here runs the risk of being isolated from Yiddish studies in the rest of the world. This holds particularly true in academic spheres where the next generation of Yiddish scholars and researchers is incubated. These are the people who will head Yiddish studies programs at their universities, train graduate students, hire language teachers and design Yiddish curricula. These will be the leaders in the field for years to come; its cohesion around the world depends on them.
With this in mind, we’ve been experimenting with the format of the summer program to create scholarly community for early-career academics from both Israel and abroad. This year, for example, we’re running two pilot programs designed to connect graduate students and emerging scholars to both the documentary and archival riches held here, and to the human resources—the pre-eminent researchers, archivists, curators, and cultural activists—that distinguish Yiddish in Israel.
The first pilot is a mentorship program that pairs research students from abroad with senior Israeli scholars in their subspecialty of Yiddish. For Israeli participants, we put them in touch remotely with academic mentors from abroad—the US, Europe, and elsewhere—to broaden their perspective and connect them to a global scholarly community.
The second, and more expansive, initiative is an advanced research seminar that brings two leading voices in Yiddish studies for a week of intensive instruction at the postgraduate level, entirely in Yiddish. This year, we are honored to be joined by renowned historian Sam Kassow and literary scholar Marc Caplan. The seminar aims to model the highest possible standards for the next generation of Yiddish scholars: how to advance an ambitious research agenda, founded on rigorous use of historical and literary materials, and to present and teach the fruits of that labor “af Yidish.”
– For almost a thousand years, but especially in the last four centuries (pre-war), Yiddish has continued to forge a Jewish vision of the world. Has Yiddish now become our unconscious? Or worse, our Dibbuk? Or is it rather on the verge of being reborn in another form? And in this, would it be both our memory and our miracle of survival?
I count us fortunate that the dybbuk of Jewish folklore is no mere ghost. It is, rather, a “farvoglte neshome,” a wandering soul. In search—in need—of a body. Itzik Manger, one of the greatest of all Yiddish poets, has an essay, “Folklore and Literature,” in which he fears that the dybbuk of foreign literatures will come to possess the Yiddish poet and speak out of his mouth. Yiddish will cease to be Yiddish. It will become no more than a mouthpiece, numbly reciting foreign thoughts and feelings.
For Manger, Yiddish was both a soul and a body. It was immaterial—a cultural sensibility, a way of thinking and seeing, a value-system—and also corporeal—a body of concrete customs and religious practices, a living, breathing civilization, a way of life. The Yiddish poet was to speak from that soul, out of that body. Only both together could render mere language, art.
So too in S. An-sky’s The Dybbuk, the wandering soul is a disembodied lover yearning for bodily consummation. His love is spiritual, that of one heart for another, but also physical, that of a man for a woman. This possession, when it comes, is not an act of haunting; it is an act of union, “dveykes.” The other translation of which is, of course, devotion.
I am inclined to think of Yiddish today in just this way. The dybbuk is wandering, restless, looking to inhabit us. To speak through our mouths. We need only invite it back in.
– All languages have a demon. What would you say is Yiddish’s?
Illegitimacy. Bastardization has always been the charge meant to debase Yiddish in the eyes of the world, and of its own people. “Zhargon.” Deracinated German. A language for “women and men who are like women,” as some of our earliest Yiddish texts put it. A language for the illiterate in a culture that lionizes literacy…
Yiddish was, in a way, disavowed by both its Germanic and Hebraic parents. For most of its history, it represented something less than the sum of its parts, a language of home and childhood that needed to be set aside before the real work could begin.
And if nothing serious can be said in Yiddish, the logic seemed to go, then who needs it? What will be lost if it is expunged by the Nazi genocide, by Soviet suppression, by Hebraist nation-building, by American assimilation?
Yiddish is a language whose greatest cultural accomplishments have been bedeviled by the obligation to make arguments for their own right to exist. Only rarely has this obligation been set aside in the name of art.
– Many great Yiddish scholars were or still are fervent pessimists, deeply engaged in the funerals of this language. For them, you, as a teacher, are part of a « holy brotherhood of the last duty »? For others, however, fewer in number but more active, « the work around Yiddish takes place in a space of violent quarrels and struggles that one may regret, but which at the same time are testimonies to its vitality. » Which side do you lean towards?
I have my five children, all native Yiddish speakers, growing up in this complicated moment, in this complicated country, in this, its most complicated city. No mother in such a situation can call herself a pessimist with a straight face.
But I retain my optimism partly because I’m not living in Yiddish for the future, but for the present. I’m not debating the future of Yiddish because, in my life, the future is already here. I’m too busy reading Yiddish stories, singing Yiddish lullabyes, and defusing Yiddish shouting matches to ask myself if our language is going to survive. It seems very alive to me. From inside my home, there is no point in asking such a question. Simply because Yiddish lives now in the mouths of my loved ones, it is alive. For me, that this enough.
And so too, I hope, for everyone who makes Yiddish central to what they do every day. It is not by winning a debate about posterity that we ensure the continued life of a language. It is by living our lives it in. For some of us, that is raising a family. For others it is research, teaching, composing music, writing poetry, putting Yiddish at the center of their activism or art. All that is required for a language to live is for us to live in it.
– The Hasidic world speaks Yiddish daily today; it is estimated that nearly a million people have made it their mother tongue, according to the circulation of many newspapers. Our modern Yiddish authors all emerged from this environment; they were the children of such an education. Isn’t it strangely the return of this mamé loshen, as if in a cycle, to its original hours?
It is, although I’m always wary of equating contemporary Hasidic life directly with “Yidishland vos a mol.” Many things have changed. Perhaps here in the Jewish state most of all. In many ways, the Hasidic decision to continue to live life in Yiddish in the wake of the Holocaust and the founding of Israel is just as self-conscious and tendentious as that of us secular Yiddishists. Though of course we make different ideological claims with this choice.
At any rate, I’m less inclined to speak of a cyclical “return” to a lost way of life and more of a garden of forking paths. The Hasidic fork leads into one future, the secular and academic into another. Fortunately these two timelines coexist, and their inhabitants might choose to visit one another from time to time and compare notes.
– Are apikorsim also the guarantors of Yiddish for tomorrow? Because tomorrow, indeed, after tomorrow, like after every miracle of Jewish life, won’t there be more poets born?
This is certainly the case some of the time. But I’m not too concerned to label one kind of cultural production in Yiddish as “the future” and dismiss another as… something less. In the Hasidic world, one doesn’t have to be an apikoyres to be a Yiddish journalist, or a singer-songwriter, or a podcaster. The secular world isn’t the only place where cultural creativity has value.
By the same token, many secular Yiddishists draw from the deep well of Jewish religious tradition when we write our experimental poetry, stage our modern adaptations of classic Yiddish plays, or immerse ourselves in the historical archive of Eastern European Jewry. And so we too are part of “the future” even though we are so few in number and the Hasidic world may not have much use for us.
– What future do you envision for this language?
I think we might first return to your question about the Yiddish poets of the future. Because the Yiddish poets of the present are a diverse group: they run the gamut of religious convictions, political ideologies, aesthetic sensibilities. I think when future historians look back on this period of Yiddish literature in the first century after the Khurbn, the destruction, they will define it in terms of fragmentation, yes, but not in the sense of something smashed to pieces, beyond repair. They will, rather, see a panoply of independent sites of gradual Yiddish regrowth. Whether these independent sites will someday fuse with one another, become a new Yidishland approximating the richly variegated civilization that was historical Ashkenaz is another question again…
But to be completely honest, I’m not too worried about how to keep Yiddish alive in the wake of the destruction of European Jewry. The Hasidic world has guaranteed that already. I am much more troubled by what will be left of Yiddish, or indeed any minority language, after the inundations of the digital age, social media, and the rise of AI. We are living through an era of unprecedented discursive transformation. In the future, when nothing gets made without the help of a bot, shaped by oceans of training data in major languages, who will fight to produce an equivalently advanced AI for Yiddish? One that will do the same work with equal speed, grace, acumen and breadth as in English? If a major language is simply the faster, cleaner, more reliable option, how will minority languages ever keep up? When all the technologies of cultural production come down to a numbers game, Yiddish and every other minority language may well vanish like a drop of ink in the sea.
– Today, Jews, and all of Israel, face such a magnitude of hatred; is learning Yiddish, however flourishing it may be in certain circles, not illusory, even futile?
To decide whether something is futile, we must first ask what is its goal. I see no reason that bigotry should be a factor in learning a language that has meaning for us…
Instead, we might simply ask, Why study Yiddish? (And, yes, to persist in this, in the face of antagonism or prejudice.) And then I might answer: to know who we were, to consider who we have become, to decide who we will be. In a time of hatred and resurgent enmities, these are the most urgent questions of all. They keep us aligned with our values. They keep us both aware and wary of the dangers of the past…
Before its destruction, Eastern European Jewry asked itself all the most pressing questions of modernity—in Yiddish. Beside me on my writing table is Chaim Grade’s “Mayn Krig Mit Hersh Raseyner” (in a fine new parallel Yiddish-English edition). It is the story of two Jews debating, amid the ruins of their civilization, the nature of its future. One is secular, a poet, a free thinker, a leftist, a pessimist mired in grief and his survivor’s guilt. The other is a pious Jew, keenly, even cruelly self-reflective, yet more and more inclined in the wake of the destruction to a messianic optimism…
What should we read in these times, if not just such a story?
– This last question, which has unfortunately been asked of me so often, probably has no answer, or at least not a single answer. My own learning of Yiddish has been rooted in such a feeling of joy, of the sacred, of astonishing transgressions of benevolent irony; this language has so much given me back my language, my spirit, my play, my freedom to be exactly who I wished to become, that it would be difficult to explain it to an interlocutor who projects themselves into these cursed times of today. Yiddish raises the question of Europe’s memory, a language that has carried the vivacity of all other languages, intertwined with the great narratives of the Bible, in this Europe that claims to be so Christian. Europe is tearing itself apart over borders, Ukraine is fighting for geography, Yiddish had no borders, an implausible Babel achieved. Is Yiddish not for us the hope of a world that can still be rebuilt, and the example of the living symbol of Jewish permanence?
I would speak of Jewish resilience, rather than permanence. A capacity for doubt, inquiry, transformation, adaptation, survival. When Avrom Sutzkever famously asks “vos vet blaybn,” he seems to assume that most things pass away. We should occupy ourselves instead with recounting the few things that remain. Because survival is the state of exception.
Sutzkever goes on to argue that the ephemeral—a string of sea-foam, a tangle of cloud—will defiantly outlast those things which seemed most secure. And he concludes that God, immaterial yet eternal, is the most enduring piece of ephemera…
A language too is an enduring and yet ephemeral thing. Where does it reside? It is not reducible to its grammar, nor to any one of its million remaining speakers. It is not its literature, nor its archive. It is not even its historical continuity, for of course we know now that a language can seem dead and then be revived…
Even if we cannot speak of permanence, language may well be one of those ephemeral things that it is hardest to do away with.
– What does music represent for you in this Yiddish universe? Is it still a vector of interest for the language, a bridge to all Yiddish culture, or has it become today a mere entertainment, a salon or festival artifice?
I am not a musician, but the musical legacy of Ashkenaz is, in this dilettante’s estimation, one of its world-historical contributions. I have never encountered a Yiddishist who was not deeply moved by our music. And the reverse is also true, such that many people around the world, whatever their background or language of origin, find themselves touched by klezmer and Yiddish folksong without understanding a word.
So for some, we can surely speak of Yiddish music as a gateway drug, an almost bodily experience after which one yearns for a deeper and deeper immersion in the whole cultural inheritance of Yiddish.
For others, you’re right, it remains no more than an entertainment. But the mere fact that the gateway stands perennially open, and so many choose to walk through, speaks to the enduring power of Yiddish song.
– How do you explain the current revival of Klezmer music?
Partly as a result of what I just described: the universal appeal and immediate accessibility of music. An entirely untrained layperson can experience another culture’s music with a level of appreciation that they could never achieve across an equivalent barrier of language, or cultural or historical distance. And when that music seems to emanate from a destroyed and irrecoverable past, yet fully intact, alive in a way that no reconstructed synagogue or translated novel can really match, it is hard not to see it as a radical form of historical reparation…
But I have a suspicion there is another reason for the sway klezmer holds over contemporary audiences. I think it has to do with reframing suffering, and our tolerance for it. There is a well-known folksong, “Der Freylekher Shnayder,” the happy tailor. In it, the titular character seems to do nothing but complain of his long hours, thankless work, terrible boss, his hunger and humiliation. The whole song is resolutely minor, lachrymose; the fiddle laments continually. How, then, can this be the happy tailor?… He soon reveals his secret: his happiness hinges on the nigndl, the wordless tune, he sings (which is, in fact, the refrain we ourselves hear), a tune so lovely that it relieves him of all his sorrows. Even going hungry can’t bring him down—after all, he’s had this delicious song in his mouth all day.
Yiddish song doesn’t do away with suffering; it offers it back to us redeemed by beauty, pleasure, and delight.
– As Max Cohn said in « The Unconscious of Yiddish, » « The memory of a people is at stake. Anyone can speak Yiddish. You just have to learn it. » Do you agree?
I do. Although unfortunately, many people see Yiddish as something out of reach, or lost to the past. Something that no longer belongs in our world, in our lives, in our mouths. But nothing could be further from the truth. Yiddish is alive, ready to be learned and spoken and sung. It is only our attitude to it that makes it seem so far away.
The summer Yiddish program is online, and registrations are still possible for a few more days.
Thank you, Rachel Wamsley, for so much dedication, for your conviction. Thank you for responding with such kindness to this interview.
And to quote a very famous saying from Mendel of Kotzk:
« – Where does God dwell?
– God dwells where we let Him in. »

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