
Mes amis et mes proches en dehors d’Israël se demandent ce qu’il se passe en ici. Si nous sommes devenus fous. Si nous sommes sourds aux voix qui, même venant de nos rangs, dénoncent ce qui se déroule.
Et c’est pour eux que je veux essayer d’expliquer, avec un peu de nuance, ce qu’il se passe ici et le contexte.
Pas pour convaincre.
Juste pour partager cette complexité que l’on vit au quotidien, cette division intérieure que beaucoup ressentent, moi y compris.
Car la réalité, c’est qu’on change d’avis au fil des heures, des émotions, des nouvelles. Il n’y a pas deux camps figés, mais un spectre de positions, de contradictions. Une tension permanente entre le désir de paix et la peur d’en payer le prix, avec ses conséquences sanglantes.
Tout le monde en Israël est d’accord sur une chose : les otages doivent revenir. C’est le seul point d’unité nationale. Mais à partir de ce point d’accord, les routes divergent très vite.
Pour certains, cela justifie un cessez-le-feu immédiat. Pour d’autres, cela interdit justement de céder à la pression. On n’a pas ici deux Israël, mais un seul pays traversé par une tension intérieure : faut-il négocier à tout prix, ou tenir jusqu’au bout pour ne pas légitimer le Hamas ?
Les partisans du cessez-le-feu voient l’urgence : chaque jour passé, c’est un jour de plus pour les otages.
Les informations que l’on a de ceux qui sont revenus sont terribles. Tortures, privations, menaces : chaque minute de plus est un enfer, et les proches des otages ont toutes les raisons du monde de vouloir un retour immédiat.
Et le coût en vies humaines, côté israélien et palestinien, devient insupportable.
Même si l’on sait que le Hamas porte la responsabilité de chaque mort avec un cynisme épouvantable.
Les partisans du cessez-le-feu pensent que le Hamas, bien que criminel, n’est pas l’objectif principal. Ils disent : « Ramenons les otages d’abord, on gèrera le Hamas après ».
En face, les partisans de l’option militaire — dont la position est souvent moins caricaturale qu’il n’y paraît — pensent autrement.
Et il s’agit d’expliquer pourquoi ils pensent ainsi.
Ils rappellent que céder aux conditions du Hamas revient à lui accorder une victoire psychologique et politique.
Pas sur le champ de bataille, le Hamas n’en a jamais eu les moyens, et il le sait.
Mais dans l’image qu’il renvoie au monde arabe, à ses soutiens, et surtout à ses propres militants.
Les partisans de la poursuite de la guerre disent : « Si on s’arrête maintenant, le Hamas pourra dire :’Regardez, on a pris des otages, tué des civils, et Israël a cédé' ».
Et ils ajoutent : « Si cette guerre ne débouche pas sur une destruction claire et nette du Hamas comme force militaire et politique, alors ils recommenceront ».
Ce n’est pas une supposition, c’est ce que le Hamas lui-même affirme. C’est une promesse qu’il fait à ses partisans et aux Israéliens. Reculer maintenant, c’est malheureusement ouvrir la voie à d’autres violences et prises d’otages.
Et le passé nous pousse à le croire. En 2011, on a négocié la libération de Gilad Shalit… un Israélien contre 1 000 prisonniers palestiniens. Un an après, en 2012, une autre guerre, avec des roquettes sur Tel Aviv. Et Sinwar, libéré à la suite de ce deal, a été le chef d’orchestre des massacres du 7 octobre. Cette crainte n’est pas un fantasme, mais repose sur des faits.
Et au milieu de cette tension nationale, il y a le gouvernement de Netanyahu.
Un gouvernement contesté, composé d’alliés d’extrême droite, ouvertement messianiques pour certains, et prêt à pousser une politique d’implantation encore plus agressive.
À cela s’ajoute le scandale avec le Qatar, qui jette une ombre de plus sur la sincérité ou la clarté de l’exécutif israélien.
Tout Israélien, de droite comme de gauche, a la nausée en pensant à l’argent que Netanyahu a laissé passer du Qatar vers Gaza.
J’imagine — et j’espère, bien évidemment — que l’idée de Netanyahu n’était pas de permettre le financement du 7 octobre, mais d’acheter un calme relatif à la frontière avec Gaza. Comme ailleurs, on achète la paix sociale à coups de subventions.
Si Netanyahu a commis une gravissime erreur de jugement, cela met clairement en doute ses capacités.
Mais voilà : même si ce gouvernement est profondément critiquable, cela ne discrédite pas mécaniquement l’une ou l’autre des positions face à la guerre.
Ce n’est pas parce que Netanyahu soutient l’option militaire qu’elle est forcément mauvaise. Et ce n’est pas parce que des pacifistes s’opposent à lui qu’ils ont forcément raison.
Et vice versa.
Chaque option mérite d’être jugée pour elle-même, non pas en fonction de qui la défend, mais en fonction de ce qu’elle implique. Le rejet du gouvernement ne doit pas empêcher l’analyse lucide d’une stratégie. Il en va de même avec le rejet de la gauche : cela ne doit pas automatiquement discréditer leurs options.
Dans cette même logique, une autre question sensible surgit : celle de la reconnaissance d’un État palestinien par la communauté internationale, aujourd’hui.
Pour beaucoup en Israël, une telle reconnaissance, dans le contexte actuel, serait perçue comme une récompense pour le massacre du 7 octobre. Cela reviendrait à dire : « La violence a payé. »
Et cela enverrait au Hamas un message clair : la stratégie du chaos fonctionne. Attaque, massacre, prends des otages… et tu obtiendras ce que tu veux. Pourquoi, alors, ne pas recommencer ? Et pourquoi s’arrêter avant d’aller plus loin, jusqu’à ce qu’Israël cesse d’exister ? Toute solution au conflit ne peut pas être une conséquence du terrorisme palestinien.
Certains disent : « Si on veut la paix, il faut se retirer des implantations, revenir aux frontières de 67 ».
Tout d’abord, juste après la guerre des Six Jours, Israël a proposé trois choses : la paix, la négociation et la reconnaissance de l’état hébreu. Les trois furent refusés par la Ligue arabe à Khartoum en septembre 67.
Je suis personnellement contre la politique des implantations, et pourtant JAMAIS je ne manifesterai contre.
Pourquoi ?
Israël s’est totalement retiré de Gaza en 2005. Pas une seule implantation, pas un seul soldat n’est resté. Et pourtant, les tirs de roquettes n’ont jamais cessé. Le blocus n’a commencé qu’en 2007, après la prise de pouvoir du Hamas.
Il y a donc eu deux ans sans occupation, sans blocus, et pourtant la violence a continué. Ce retrait, qui devait apaiser, n’a pas été interprété comme un geste de paix ou une concession, mais comme une faiblesse stratégique, invitant à plus de violence.
Idem pour le retrait du Sud-Liban en 2000. Le Hezbollah l’a interprété comme une victoire. Cela n’a pas empêché la guerre de 2006… et celle plus récente.
Si on se retire des autres territoires, vu ces expériences passées, que va-t-il se passer? Quel danger risquons-nous? Je n’ai pas envie de le savoir… ou plutôt je le sais que trop bien, et je ne suis pas le seul en Israël.
Un autre point de tension, c’est la question de Gaza aujourd’hui.
Les chiffres sont terrifiants : 70 % des bâtiments détruits ou touchés, 92 % des habitations endommagées. Et 53 000 morts sur une population de plus de 2,2 millions.
C’est un chiffre énorme. Mais ce n’est pas un génocide. Un génocide, c’est une intention, une politique de massacre. 92 % des habitations détruites pour 2,2 millions de Gazaouis, ce seraient 2 millions de morts. Or, ce n’est pas le cas.
Le Hamas a affirmé à plusieurs reprises que les femmes, les enfants et les vieillards ont pour but d’être des martyrs. Traduction facile : des boucliers humains.
On comprend mieux pourquoi Rima Hassan affirme alors que la libération de la Palestine ne se fera pas sans martyrs. Elle est sur cette ligne des boucliers humains.
Le mot « génocide » est trop grave pour être utilisé à la légère. Cela ne nie pas la souffrance des civils. Mais cela rappelle que le langage doit rester précis, surtout dans les moments les plus émotionnels.
Israël a toujours dit que la guerre se finirait avec la libération des otages et le désarmement du Hamas.
Et une autre question : que faire d’une population qui a été éduquée à la haine, avec la complicité internationale via l’UNRWA ?
Il y a plus de 25 ans déjà, le député européen socialiste François Zimeray s’alarmait que l’argent de l’Union européenne finançait des livres d’école palestiniens antisémites. Pour avoir dénoncé ce fait, il fut mis à l’écart.
De même, l’historien Pierre Vidal-Naquet, que l’on ne pouvait vraiment pas soupçonner d’être pro-israélien (il pensait que la politique israélienne était « criminelle et suicidaire »), disait que les livres d’histoire des enfants palestiniens étaient une catastrophe en matière d’enseignement de la haine, et que ce n’était pas le cas dans les livres des enfants israéliens.
C’est dans l’éducation palestinienne que réside le problème… et c’est le souci. Ils ne sont pas nés avec la haine. Elle leur a été enseignée. L’identité palestinienne s’est construite sur ce rejet d’une présence autonome et indépendante juive. Pour eux les Juifs peuvent, au mieux, rester dans une Palestine arabe et musulmane, où ils seraient minoritaires ; au pire, être expulsés ou tués.
Tant qu’il n’y aura pas un aggiornamento des Arabes de Palestine sur ce point, pourra-t-on leur faire confiance ?
La confiance est ce qui manque cruellement. Si Mahmoud Abbas voulait un État palestinien, pourquoi n’a-t-il pas accepté l’offre de 2008, qui incluait l’est de Jérusalem et des échanges de territoires ?
Si Abbas voulait un État, il ne parlerait pas à l’ONU… il marcherait dans les pas de Sadate, pour parler à la Knesset. De Ramallah à Jérusalem, il y a 18 km.
Et c’est comme ça que moi, qui suis — sur le papier — pour deux États pour deux peuples, le partage de Jérusalem, donner l’indépendance aux Palestiniens, constate que ce n’est pas possible, car toute concession de la part d’Israël est considérée par la partie adverse comme un aveu de faiblesse.
Il n’y a pas de diplomatie au Moyen-Orient. Il n’y a que des rapports de force.
Alors dans tout ça, où se situer ?
C’est peut-être ça, la vérité la plus dure : il n’y a pas de position confortable. Israël semble marcher sur deux jambes : l’une pour un cessez-le-feu immédiat et pour le retour des otages maintenant, et l’autre jambe pour neutraliser définitivement le Hamas pour que cela n’arrive plus jamais. Et les deux options ont leurs arguments.
On peut vouloir la paix, tout en sachant que le Hamas et les responsable palestiniens ont saboté toute tentative de dialogue depuis 20 ans, ouvrant la porte aux plus radicaux en Israël.
On peut vouloir la victoire, tout en pleurant les morts à Gaza.
On peut réclamer la fin de la guerre, tout en ayant peur que cette fin ne soit que le début d’un cycle encore plus sanglant.
On peut être assommé par la réalité.
Et on peut changer d’avis, tous les jours.
Ce n’est pas une faiblesse. C’est peut-être une forme de lucidité.
Une démocratie en guerre, c’est une démocratie qui doute. Et c’est peut-être ce doute qui nous sauvera.
C’est aussi un pays qui a peur. C’est le but du terrorisme. Les Palestiniens pensent que la peur nous fera céder alors même que c’est cette peur qui les enferme un peu plus derrière des murs.
Croire que le fort est automatiquement celui qui a la décision est le grand malentendu de ce conflit. La résolution du conflit réside en celui qui cesse d’enseigner la haine à ses enfants.
© Israel Tavor
Israel Tavor est Chef de projet éditorial à Tel Aviv

L’éducation des enfants gazaouis à l’école même si elle était revue et corrigée, ne suffirait pas; depuis trop longtemps il leur est enseigné -ce qui ressemble à un lavage de cerveau-la haine des Juifs et leur élimination.Cela a été transmis de génération en génération. Pas seulement à l’école mais au sein de leurs familles. la seule solution c’est que ces populations soient sorties d’Israel et n’y reviennent jamais.