Nidra Poller. Cris de guerre XIV. 28 février – 7 mars

Liquéfaction

Ça déborde de tous les côtés, c’est le déluge international et, dans mon âme aussi, la liquéfaction, mais je lutte, je me redresse, on ne m’aura pas par le feu, pas par l’eau, pas par la CIJ.

D’abord, des flaques d’eau et de petits ruisseaux. Ça gonfle, se nourrit, tombe en cascades…  toute la réalité est noyée dans l’indignation, la grave inquiétude, la condamnation et l’exigence d’une enquête impartiale, pour quoi faire puisqu’on a déjà déclaré Israël coupable. Puisqu’on aime tant compter les morts civils gazaouis, on pourrait nous dire combien ont été abattus par les nervis du Hamas tirant sur des civils cherchant désespérément quelques miettes des tonnes d’aide humanitaire accaparées par les soldats du jihad ? Mais non, ce n’est plus la peine. On a l’incident parfait. Le coup des prématurés éparpillés comme des bonbons n’a pas marché. Le « bombardement » de l’hôpital al-Ahli non plus. Mais la centaine de morts, même s’ils n’étaient qu’une vingtaine, foudroyés par les kalachs des hamasards, écrabouillés dans la bousculade ou écrasés par les camions conduits par des chauffeurs palestiniens, c’est bingo. Ça pisse des larmes de sang, des larmes de merde sur Israël, enfin totalement et absolument coupable. [Parce qu’innocent.]

Une émission télévisuelle à charge fonce sur moi comme un taureau, les narines dilatées, fumantes. Pas un seul sur le plateau n’ose dire le contraire. Mon intelligence mise en branle porte la contradiction. Monsieur des Médecins du monde qui exige un cessez le feu immédiat et définitif (tout comme le Hamas), vous étiez où depuis une vingtaine d’années ?  Pas à Gaza par hasard ? Vous n’y avez rien vu, pas de tunnels, pas de missile antichar dans le frigo d’un laboratoire médical, pas de Hamas à tous les étages, pas de répression brutale de la population ? Et maintenant tu te donnes bonne conscience en rudoyant Israël ? 

Stop ! 

Je ne leur dois pas une heure de mon temps précieux. Si l’un des nombreux déséquilibrés excités par leurs discours finit par me tuer, je m’en voudrais d’avoir passé les dernières heures de ma vie à disputer cette bande de maugréeurs.

Sauf pour dire qu’un journaliste du Figaro, courroie de transmission pour son fixeur gazaoui, dédouane Israël par les faits tout en le condamnant par insinuation : C’est la faute d’Israël si Gaza est livré aujourd’hui à des bandes d’hommes armés qui imposent leur loi, pillent les camions d’aide humanitaire, dévalisent les particuliers, vident les maisons abandonnées et, le comble, se font payer par ceux qui peuvent se les offrir, des services de protection. Inutile de préciser que les victimes de ces militaires freelance viennent gonfler le compte des morts par Israël dont on se réjouit sur place et dans les rédactions. 

N.B. Si lesdits hommes armés ne sont pas du Hamas (difficile à croire, mais) on notera qu’ils n’utilisent pas leur force pour renverser le pouvoir toxique qui les a mis dans cet état . 

Discours de Trump au CPAC : désaxé et délié

The Guardian a trouvé un Donald Trump désaxé et délié au CPAC, le congrès annuel des conservateurs qui, par ailleurs, a perdu de sa superbe depuis qu’il est devenu le congrès exclusif des MAGA.  

Se vantant de sa « revanche ultime et absolue », l’ancien et futur président s’est lancé dans des envolées bizarres, se disant génie intégral, stimulant une xénophobie primaire, comme : « ll y a des langues qui entrent dans notre pays … ils parlent des langues totalement inconnues chez nous. C’est horrible ».

Le journaliste épingle « le contre-courant sinistre sous les extérieurs de bateleur. Des échos troublants du démagogue qui sait jouer des émotions de la foule, les tirant de l’euphorie à la rage d’un coup de baguette… »

Kristi Noem, gouverneur de South Dakota et l’entrepreneur isolationniste Vivek Ramaswamy sont sortis gagnants d’un sondage improvisé sur place pour le choix du colistier.   

La diplomatie mieux que la guerre

Si la menace génocidaire en provenance du Sud s’est confirmée le 7 octobre, celle du Nord s’est fait attendre. Sans pour autant disparaître. Drôlement, le Hezbollah, comme son parrain l’Iran, évite le clash frontal, perdu d’avance, alors que les démocraties le repoussent par dégoût de la guerre. Et perdent petit à petit. 

Les puissances raisonnables voudraient dissuader Israël d’attaquer le Liban. D’accord. Remettez diplomatiquement les combattants féroces de Nasrallah à leur place, de l’autre côté du fleuve Litani. 

C’est oublier que le cessez le feu (humanitaire de surcroit) réclamé aujourd’hui pour Gaza, tout comme la solution politique qui devrait s’ensuivre, ont été appliqués… Au Liban. En 2006. J’ai analysé alors le jeu de téléphone arabe : les exigences maximalistes  du Hezbollah transmises au gouvernement libanais, passées par le premier ministre Fouad Siniora au ministre français des affaires étrangères Philippe Douste Blazy qui a su les livrer, nettoyées et enjolivées, à son homologue américaine Condoleeza Rice qui, armée de sa grande puissance et allié indispensable, a forcé la main d’Israël. 

[Voir « Give War a Chance » et « French  Duplomacy », republiés sur le site de Richard Landes, Augean Stables]

[Extrait] « Si l’on veut vérifier la prétention de la diplomatie française de se situer au point médian, il serait utile de regarder les deux extrêmes. Israël et les Etats Unis exigent la libération sans condition des soldats israéliens kidnappés, une victoire militaire décisive sur le Hezbollah, l’application de la résolution onusienne N° 1559, notamment le désarmement du Hezbollah et l’imposition de la souveraineté libanaise jusqu’à la frontière avec Israël. Le Hezbollah vise la destruction d’Israël et l’extermination de ses habitants juifs … ».

Les joyeux drilles de Columbia University

« Enfin ! Le 2 février, la police new yorkaise agit contre des étudiants qui harcèlent des Juifs et appellent à l’annihilation de l’Etat d’Israël ». Sur son youtube channel, Tom Gross partage une vidéo graphique de l’arrestation par la police new yorkaise des étudiants de Columbia University participant à une manifestation sur les marges de l’université, suite à leur interdiction sur le campus. 

Selon le New York Jewish Week, via la JTA, des milliers ont assisté à la manifestation organisée par les activistes pro-Hamas Within Our Lifetime, qui ont cautionné et fêté le massacre du 7 octobre. Les mêmes se sont réunis en janvier devant le célèbre Sloan Kettering Cancer Center coupable, selon le chef de la WOL, d’avoir accepté un don de la part d’un milliardaire qui a osé critiquer des étudiants de Harvard, signataires d’une lettre blâmant Israël pour le 7 octobre. Ce qui explique les cris de « Honte sur vous, vous soutenez la génocide » lancés vers des enfants malades du cancer, collés aux fenêtres.

Un très long reportage sur les arrestations, paru dans le quotidien universitaire, Columbia Spectator, donne une place importante aux accusations de force policière excessive lors des manifestations précédentes, tenues sur le campus. Celle du 2 février, co-organisée par Columbia University Apartheid Divest et plus de 80 autres associations, militait pour les Palestiniens [Hamas] et contre les forces de l’ordre. Dans un souci apparent d’objectivité, le reportage se termine avec le témoignage d’un étudiant juif, physiquement agressé par un manifestant propalestinien et les craintes de ces derniers, souvent exprimées dans des lettres d’adieu adressées aux proches « s’il m’arrive quelque chose … ».

Columbia University au début du siècle

Charles Jacobs et Avi Goldwasser ont réalisé en 2004 Columbia unbecoming, un documentaire sur la persécution des étudiants juifs de la Columbia University, surtout par leurs professeurs dans le département d’études du Proche-Orient, le MEALAC. Insultés, intimidés, harcelés, empêches de s’exprimer ou carrément mis à la porte des cours, les étudiants juifs ont résisté du mieux possible. On constate aujourd’hui que la bataille est perdue. Une mise à jour par les auteurs du documentaire est parue dans le Jewish Forward en 2016.

Hamtramck, Michigan : un conte édifiant 

La queue de l’intersectionality a mangé sa tête à Hamtramck Michigan, une banlieue de Detroit, où le mouvement LGBT a tout naturellement soutenu le vœu de la communauté musulmane de répandre l’appel du muezzin cinq fois par jour. De fil en aiguille la municipalité s’est offert un conseil municipal intégralement masculin-musulman, présidé par un maire yéménite, qui a aussitôt interdit le drapeau arc en ciel dans les lieux publics.  L’envoyée du Figaro, Hélène Vissière, a publié dans toute son amplitude l’histoire légèrement rocambolesque — à ses yeux—de ce Hamtramck multiculturel. 

La journaliste raconte les vagues d’immigration du Yémen, Bangladesh, Pakistan, Bosnie. « Une vingtaine de langues parlées à l’école– pour ces habitants une revanche … sur Donald Trump… qui attaquait l’Islam et les immigrés ».  (Perplexe devant l’évocation des « musulmans polonais qui mangent des paczki (prononcé ponchki) le jour du Mardi gras [et nous à Hanoukah] » j’ai consulté l’Ann Arbor Observer pour apprendre que Polish Muslims –c’est un joke– est le nom d’une bande de musiciens, fondée en 1980).

Mais la blague ne s’arrête pas là. 

On entend parler d’un bloc du parti Democrat qui se détourne du président et candidat à sa réélection, Joe Biden, en raison de son soutien éhonté aux génocidaires sionistes contre les gazaouis innocents. Des fois, l’élément musulman de ce contingent est précisé.  En effet, le conseil municipal de Hamtramck a passé une résolution qui implore l’administration Biden d’arrêter de soutenir « des guerres », façon de dire Israël. Après quoi le maire s’est félicité de cet exercice de démocratie. 

Que fait donc à Hamtramck le général à la retraite Michael Flynn ? Brièvement conseiller à la sécurité nationale du président Trump, condamné et incarcéré en 2017 pour avoir menti aux enquêteurs du FBI sur ses relations avec l’ambassadeur russe, gracié par le président Trump en fin de mandat et engagé corps et âme dans la campagne 2024 de de son ami fidèle. 

Hamtramck / Vu par la Detroit Free Press

Vu de près, ce n’est plus un Hamtramck folklorique qui se dessine. Suite à l’interdiction du drapeau LGBT, on note des agressions contre les symboles et les personnes. Mohammed Hassan, critiqué par ailleurs pour sa fréquentation de Michael Flynn, a refusé de répondre aux questions posées par le quotidien sur le conflit avec les LGBT; il a pour principe de ne pas parler aux médias. Sur fond de ces tensions, le conseil a passé une loi controversée contre « l’intimidation des minorités et des ethnicités ».

Aujourd’hui, Michael Flynn tend la main au maire Amer Ghaleb, dans le but de former une « large coalition de conservateurs ». Les deux hommes se sont rencontrés une première fois à la Grace Christian Church(évangélique) de Sterling Heights, en marge d’une soirée de « Celebration of America’s Freedom and Future ». L’article de la Detroit Free Press note, en passant, que certaines « associations juives » ont été choquées par le discours de Flynn au sujet de l’Holocauste. On trouve des précisions dans le Jerusalem Post : Flynn racontait de façon confuse, voire révisionniste, sa visite à Auschwitz. Il a cru comprendre que les mères juives ont donné leurs enfants volontiers aux Nazis et que les Juifs se sont laissé faire, restant dans les camps où il n’y avait même pas de gardiens …  

Lors de la rencontre à Sterling Heights, Flynn s’est proposé de rendre visite à Ghaleb à Hamtramck.

Ensemble, ils ont pris la parole à une réunion le 6 septembre. Flynn évoquait ses préoccupations au sujet des questions de société : la pornographie, la théorie critique de race, les bloqueurs hormonaux, l’enseignement du transgenrisme à l‘école, la politique d’immigration. Ghaleb s’est déclaré opposé à l’immigration clandestine.  L’ancien maire de Hamtramck, Karen Majewski, était scandalisée par l’association de Ghaleb avec Flynn, « carrément un traître à la patrie ».  

En fait, l’organisation Republican du Michigan est devenue plus diverse : la moitié des vice-présidents sont des musulmans arabo-américains. La DFP voit la main tendue de Flynn comme exemple d’un nouveau regard sur les musulmans de la part des conservateurs. Tucker Carlson, de passage récemment à Utica, Michigan, s’est avoué plus respectueux des musulmans pratiquants que des chefs « païens » de l’église épiscopalienne. 

Le Flynn timeline

Un article sur Flynn dans le Forbes, cite une tribune qu’il a publiée dans le Western Journal en janvier 2022, à la veille de l’invasion russe, critiquant l’administration Biden pour son soutien de l’Ukraine. Allant directement à la source, on découvre un texte interminable, trempé d’amertume contre l’administration Biden, associée à la justification sans honte de l’invasion russe imminente.  « La rhétorique sur le conflit en Ukraine dépasse les bornes ». Biden menace la Russie, en cas d’incursion, « d’un prix très fort », Blinken la met en garde des « conséquences massives ». L’administration, écrit Flynn, nous vend le récit d’une Russie nostalgique de sa grandeur d’antan qui cherchera à remplacer le gouvernement de Volodymyr Zelensky par un régime fantoche à ses ordres. L’establishment neo-con [ = juif] des deux partis dépeint la Russie actuelle comme si c’était toujours l’Union soviétique, expansionniste. Flynn compare cette « illusion » aux accusations falsifiées de collusion russe lors de l’élection de Trump en 2016. En fait, insiste-il, l’expansion de l’OTAN représente une menace existentielle pour la Russie. 

En mars 2022, Flynn justifie l’action de Poutine comme un coup salutaire contre le nouvel ordre mondial que Bill Gates avait voulu imposer. Début octobre de la même année, intervenant dans « The Mel K Show », une émission web pro-QAnon,  Flynn a loué Vladimir Poutine et Dimitri Medvedev, « des chefs courageux qui risquent tout pour protéger leur nation ».  Zelensky, par contre, est « bête …un imbécile dangereux ». 

 La boucle est bouclée

Le 15 mai 2023, Trump, faisant campagne dans l’Iowa, participe par téléphone au programme de Flynn, qui est sur scène chez Trump à Mar à Lago, dans le cadre de son « ReAwaken America Tour ». Le candidat à la candidature promet au général à la retraite– allié infaillible depuis la campagne de 2015 et jusqu’à ce jour, sans jamais lésiner sur les efforts pour renverser les résultats du scrutin de 2020–qu’une fois élu, il le reprendrait dans son administration.

Porte ouverte à Amer Ghaleb et fermée à Volodymyr Zelensky ?

© Nidra Poller

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