Philippe Gabizon. Le sang et le sperme

“Metoo unless you are a Jew”. © Maya Vidon-White/UPI/ MaxPPP

            C’est sous ces deux aspects que le 7 octobre 2023 peut être considéré : un pogrom et une orgie. Du sang et du sperme.

            La nocivité du 7 octobre vient de cette hybridation dans la satisfaction, dans l’assouvissement, mêlant désir de tuer et désir de jouir sexuellement. Le sexe et la mort. Mais comment peut-on avoir envie de jouir sexuellement quand on a le désir de tuer ? Sade nous a montré qu’au fond du désir, il y a effectivement la mort. Pour rester dans le désir, il faut une limite, digue que le Hamas a fait sauter, car l’objet du désir n’est pas un objet comme un autre : c’est un Juif. Une Juive en l’occurrence.

            Le terrorisme « classique » vise à terroriser, à effrayer des populations. Il est, en cela, l’aveu même de la faiblesse face à la puissance. Puisqu’il ne détient pas les moyens du puissant, il cherche, avec l’économie de ses moyens, pour un coût moindre que celui du puissant, à en retirer un bénéfice aussi élevé. Par son acte, le terroriste « classique » escompte un effet, un retentissement, en particulier médiatique, aussi ample qu’une action guerrière conventionnelle. Il affiche son infériorité en prétendant à la supériorité. Il mise, par son acte, davantage sur la peur qu’il peut produire, sur la « qualité » de la peur, sur la nature de la peur, que sur la quantité de moyens à mobiliser. Le terroriste « classique » vient dire qu’il veut mais qu’il n’a pas, qu’il ne peut pas, pas encore. En ce sens, le terroriste est toujours un impuissant, dans tous les sens du terme. Il aspire à la puissance qu’il ne détient pas, pas encore, mais dont il rêve. Il y a toujours une position infantile dans le terrorisme : il est l’aveu de l’échec à obtenir et mettre en œuvre ce à quoi il prétend.

            En ce sens aussi, le terrorisme est toujours un chantage, un moyen de pression pour obtenir quelque chose de plus, de plus grand, de plus conforme à lui dans la société. Il dit de façon non consensuelle, hors contrat social, « Faites ce que je vous dis, sinon je continuerai, pliez-vous à ma volonté que j’exprime comme je peux, avec mes moyens immoraux et piteux (car au fond, je suis faible) ». Le terrorisme vise à modifier les comportements des personnes de la société dans laquelle il opère, mais sans, pour autant, annuler les personnes dans leur liberté. Le terroriste est contradictoire. Il semble dire « Je ne vous aime pas, vous n’êtes pas comme moi, je voudrais que vous soyez tous morts », mais en réalité il veut des personnes vivantes, sur lesquelles il régnerait en maître, qui se conformeraient à ses désirs. Le terroriste ne rêve pas d’une bombe nucléaire qui viendrait tuer tous ses semblables qui ne partagent pas sa cause : il les veut vivants et adhérant à ses désirs. En ce sens, le terroriste se retient. Il a besoin de personnes qui lui résistent et qui, à un moment, vont lui dire « oui ». Le terroriste est un forceur qui, par l’intimidation, espère l’adhésion. Il l’espère alors qu’il voit bien qu’elle lui résiste. Il arpente une ligne de crête entre désir de destruction de l’autre et désir de sa conformation, de son homogénéisation. Entre faire mourir l’autre et faire de l’autre un même que lui, vivant, le terroriste « classique » préfère, dans le fond, que l’autre le rejoigne, vienne à lui, lui ressemble. Ainsi, le terroriste n’épuise pas, dans le déploiement de sa violence, le sens de son action terroriste. Sa violence soudaine, irruptive, ponctuelle, est précisément le signe que le prétendu message de son action n’est pas pleinement réalisé, actuel. La violence du terroriste est la promesse, selon lui, que cette première cessera dès lors que la société, ceux qui ne sont pas encore comme lui, l’auront rejoint. La violence du terroriste « classique » vient dire qu’il n’est pas comblé et que, dès qu’il sera comblé, que ses attentes auront été satisfaites, la violence cessera. La violence du terroriste « classique » est un moyen et non une fin. Le terroriste, par son action, ébauche un projet, le soumet à l’opinion, presque comme une proposition, certes violente, mais une proposition quand même, estime-t-il. Le terroriste « classique », par sa proposition violente, par le message qu’il pense faire passer, fait saigner mais il n’éjacule pas. Il diffère son apaisement, sa sensation de satiété, son assouvissement, son orgasme, à un temps à venir qu’il appelle de ses vœux : le moment où tous auront reconnu qu’il avait raison depuis le début.

            L’éjaculation des terroristes du Hamas atteste que leur terrorisme n’est plus un acte de pression, que la violence n’est plus un moyen. Le sens, la soi-disant signification, du 7 octobre s’épuise dans sa réalisation. L’eschatologie est atteinte (par la sadisation notamment sexuelle). L’action du Hamas du 7 octobre est une fin en soi. Le terroriste (faut-il, d’ailleurs, encore le nommer « terroriste »?) du 7 octobre n’a rien retenu du prétendu message qu’il était censé porter. Il ne s’est pas retenu. Il ne faut donc rien en retenir du côté d’une quelconque revendication. La violence du 7 octobre n’a aucune finalité, aucun message politiques. Le terroriste du 7 octobre ne revendique que la domination de son désir sur celui de l’autre. Par son éjaculation, le terroriste du 7 octobre a rendu son droit-à-jouir total, achevé. Le terroriste n’attend plus rien. Son action est terminée, close, égoïste, indépassable par une quelconque aspiration à une cause collective. Le sens de son acte a été épuisé par sa réalisation.

            Il y a quelque chose d’ambigu dans le viol de femmes juives par le Hamas : ceux, celles en l’occurrence, qu’il veut détruire, sont aussi l’objet de son désir. L’islamiste désire celles qu’il abhorre. L’islamiste veut jouir de et dans la femme qu’il veut aussi tuer. Il veut tuer la femme qu’il désire. La femme désirable est la femme qu’il ne faut pas voir, celle qui n’existe pas, ou plutôt celle qui ne doit pas exister. Comme l’islamiste sait que la femme juive n’acceptera pas de se couvrir de la tête aux pieds avec un niqab, une burka, un tissu censé remplacer la paupière de l’homme, censé remplacer la limite à sa pulsion en somme, il la tue. Il faut aussi voir ici la tension arabo-musulmane entre le puritanisme et la pudibonderie d’une part, et le désir de jouissance déchaînée d’autre part. L’éjaculation du 7 octobre est une punition pour la Juive : c’est parce qu’elle n’est pas une « sœur » qu’elle doit être punie. Parce qu’elle est libre, non soumise, non islamique. Il y a les « sœurs » et les « frères » musulmans, qui doivent bien aussi s’accoupler de temps en temps pour faire des enfants – climat d’ailleurs totalement incestuel –, et celles qui sont l’objet de désir. Celles qu’on respecte et celles qu’on viole. La « sœur » ou la pute : une caricature dramatiquement réelle.

            Le « surmeurtre », les mauvais traitements qu’on fait subir à un cadavre, incluant l’acte sexuel sur un cadavre, interrogent. Cette dimension sexuelle du 7 octobre rejoint la dimension punitive. Par le viol systématique, par les exactions sexuelles, sur des mortes, sur des vivantes, en filmant ces viols, en violant sous les yeux d’autres membres de la famille encore vivants, il y a quelque chose de l’ordre de la punition : le violeur est un dominateur qui, par sa violence, par sa pénétration dans le corps de l’autre, par son plaisir individuel même, estime qu’il blesse l’autre, qu’il le dégrade, qu’il l’infériorise, qu’il lui inflige un juste retour des choses. On punit la Juive de sa liberté et de son non-renoncement à son origine. De sa judéité.

            La logique terroriste, c’est la volonté d’exaspérer une opinion, de sorte que le pouvoir légitime et légal soit entraîné dans une surréaction, et en surréagissant, se disqualifie lui-même. Mais la logique terroriste aspire toujours à un changement dans la société. Elle prétend, par la déflagration dans la société, réveiller des consciences, dessiller des regards, dévoiler une vérité rendue enfin accessible. En ce sens, la mécanique terroriste aspire à vaincre un point de vue, à libérer de prétendus dominés, à introduire de la justice dans ce qui n’est pas encore reconnu comme injuste. Le 7 octobre, il n’y a aucune prétention à vaincre Israël avec quelques milliers de terroristes qui arrivent en pickups, à faire changer la nature de l’Etat d’Israël. Il y a en revanche la volonté que l’Etat d’Israël se disqualifie dans sa réponse. Le Hamas veut qu’Israël, par sa réponse, dévoile sa prétendue vraie nature : immorale, injuste, raciste, génocidaire. Et l’opinion mondiale majoritaire tombe dans son piège.

            Le vendredi 8 mars 2024, journée internationale des droits des femmes, plusieurs collectifs présents à la manifestation parisienne (sans drapeau israélien, sans slogan hostile aux Palestiniens), dénonçant les crimes sexuels commis par le Hamas le 7 octobre et probablement toujours en cours sur les otages à Gaza, ont dû être exfiltrés par la police française, sous la pression violente et antisémite d’autres manifestants, aux cris d’ « Israël assassin » et de « sales juives ». N’est-ce pas une honte ? Avec ces « féministes » à géométrie variable défilant à leurs côtés, les femmes juives n’ont pas besoin d’hommes dominateurs pour éprouver de la domination et de la relégation. Elles ont trouvé leurs complices, guidés qu’ils sont par l’antisémitisme, qui subsume tout.

            Notre dignité à nous, citoyens français et Juifs, tient à ceci : le sang et le sperme du 7 octobre n’entachent pas notre universalisme. Nous sommes aux côtés de toutes les femmes opprimées, où qu’elles soient.

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2 Comments

  1. Parfois je me demande si les analyses psy de la jouissance des monstres ne sont pas des moyens de jouir par procuration. Voyeurisme intellectuel. Et ce qu’ont vécu, pensé et ressenti les victimes, qui s’y intéresse ?

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