Samuel Fitoussi : “Harvard, un asile psychiatrique à ciel ouvert ?”

CHRONIQUE – Chaque lundi, pour Le Figaro, notre chroniqueur* pose son regard ironique sur l’actualité. Cette semaine, il imagine comment la vie de Marc, étudiant sur le campus de Harvard, a basculé après avoir “mégenré” un autre élève.

Samuel Fitoussi.  Fabien Clairefond

Marc a 17 ans, c’est un adolescent heureux, équilibré et intelligent, que tout destine à une vie réussie. Malheureusement, tout va basculer : il sera admis à Harvard.

Tout commence lorsqu’il découvre, surpris, qu’il doit soumettre au jury d’admission non seulement une lettre de motivation mais aussi un texte prouvant son “engagement en faveur de la diversité”. Il consulte les bonnes pratiques : il doit prouver qu’il rendra le campus “plus inclusif et équitable”, qu’il connaît “les obstacles et l’oppression auxquels sont confrontées les identités marginalisées” et qu’il maîtrise les notions de “préjugés implicites, privilège, colonialisme, racisme systémique et hétéropatriarcat (1)”. En rédigeant sa lettre (avec un peu d’aide de ChatGPT), il commence à s’éveiller : le monde n’est pas tel qu’il le pensait ; sous des interactions sociales en apparence anodines se cachent souvent des rapports de domination. Il apprend ensuite qu’il peut choisir de ne pas révéler au jury le résultat qu’il obtiendra au SAT (équivalent du bac). En effet, puisque en moyenne, les Blancs, les Asiatiques et les Noirs n’obtiennent pas les mêmes scores, Harvard a jugé qu’il s’agissait d’un examen raciste. Chouette : Marc n’avait jamais aimé travailler. Il décroche scolairement. Il ne lui reste plus qu’à répondre à un questionnaire administratif. Un ami lui a filé un tuyau : pour maximiser ses chances d’admission, se faire passer pour une femme noire lesbienne. Il entre à Harvard.

Sur le campus, il vit en septembre quelques-unes des meilleures semaines de sa vie. Il fait de l’aviron tous les matins, noue une relation amoureuse avec une fille sublime et lance une entreprise qui décolle. Mais, au début du mois d’octobre, il mégenre une élève (il l’appelle “elle”, alors qu’elle se sent “iel”). Il est convoqué par Mme Stokes, membre de l’administration, coordinatrice “diversité et inclusion (2)”, qui l’interroge : sa passion pour l’aviron, symptôme de masculinité toxique, ne serait-elle pas le signe d’une dysphorie de genre ? Marc est perplexe. Et s’il était, au fond, une femme ? Il s’interroge : il n’apprécie pas la Formule 1, n’aime pas particulièrement s’occuper du barbecue (il a même un peu peur des flammes), préfère le rosé au vin rouge. La semaine suivante, il entame un traitement hormonal pour changer de sexe. Marc devient Marcia. Marcia remplace l’aviron par des séances de discussion sur la charge mentale, l’entrepreneuriat par des rendez-vous quotidiens chez le psychologue du campus, et sa copine par une relation polyamoureuse avec un trouple de non-binaires en non-mixité transgenre.

Pendant les vacances scolaires, Marcia entreprend de décoloniser l’appartement familial en supprimant les papiers peints trop clairs et en retirant la clôture autour du jardin (la propriété privée est au cœur du système d’exploitation raciste occidental).

En cours de littérature, Marcia découvre que les romans qu’on l’obligeait à lire sont écrits par des auteurs problématiques (à partir de l’an 1614, Shakespeare était un mâle blanc de plus de 50 ans) et véhiculent des stéréotypes datés : tant mieux, c’étaient en général des gros livres, écrits tout petits, assez prise de tête. Marcia se lie d’amitié avec Jennifer, une étudiante noire avec qui elle fait les quatre cents coups (exiger, au nom du principe de précaution, la mise en quarantaine de tous les mâles blancs du campus ; distribuer des serviettes hygiéniques usagées pour alerter sur la précarité menstruelle, etc.). Mais, un jour, lors d’un atelier sur les « préjugés inconscients », Marcia découvre que sans en avoir conscience, elle opprime sa camarade. Dans les semaines qui suivent, elle s’efforce de communiquer avec Jennifer sans la micro-agresser. Elle évite le vocabulaire qui pourrait évoquer la colonisation, n’emploie pas l’impératif, se mure souvent dans le silence au cas où son amie racisée voudrait profiter d’un moment sans blanchité. Un jour, Marcia a mal à la tête : elle se retient de demander un Doliprane à son amie pour ne pas faire étalage de sa fragilité blanche. Pendant les heures de cours, elle lui fait des petits cadeaux en guise de « réparations » pour l’esclavage (elle lui glisse un peu d’argent dans sa trousse, l’autorise à copier lors des contrôles, propose de la porter sur son dos dans les escaliers). Étonnamment, Jennifer coupe court à leur amitié.

Pendant les vacances scolaires, Marcia entreprend de décoloniser l’appartement familial en supprimant les papiers peints trop clairs et en retirant la clôture autour du jardin (la propriété privée est au cœur du système d’exploitation raciste occidental).

Une nuit, des cambrioleurs entrent par la fenêtre. Marcia se précipite dans la chambre de son père pour l’empêcher d’appeler la police : elle craint que les cambrioleurs soient stigmatisés et incarcérés, alors que la prison, elle l’a appris en cours, n’est jamais la solution. Elle finit par couper les ponts avec son père, mais les rétablit de temps en temps pour lui réclamer de l’argent.

De retour sur le campus, elle se spécialise en sociologie des dominations et apprend que les groupes identitaires les mieux intégrés économiquement et les moins délinquants doivent leur réussite à un privilège indu. Elle devient donc antisémite. Plus tard, elle apprend que les valeurs sont relatives (sauf les siennes) et que l’Occident, raciste, juge les autres cultures avec un regard ethnocentré et islamophobe : elle développe donc un regard critique sur la doxa médiatique qui diabolise le Hamas et l’État islamique. Elle hésite à émigrer à Gaza pour combattre l’entité sioniste, mais son psy lui enjoint la prudence : les Gazaouis ne sont pas formés à l’utilisation des bons pronoms personnels et pourraient la heurter émotionnellement.

Après ses études, Marcia devient directrice des ressources humaines. Elle œuvre en faveur de la diversité et l’inclusion, et fait couler une vingtaine d’entreprises.

© Samuel Fitoussi

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/samuel-fitoussi-harvard-un-asile-psychiatrique-a-ciel-ouvert-20231210

*Auteur de “Woke fiction – Comment l’idéologie change nos films et nos séries”. Cherche midi. 2023


(1) https://bokcenter.harvard.edu/diversity-statements

(2) https://edib.harvard.edu/about

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1 Comment

  1. Les USA de Joe Biden représentent le summum de l’obscurantisme, et le dernier des gueux du Moyen-Age ferait figure de génie des Lumières en comparaison avec les dégénérés wokinazis.

    Tout le mal de la terre vient de L’ignorance disait Albert Camus…Aussi rien d’étonnant à ce que l’un de ces spécimens (Oliver Gloager, universitaire étasunien) dotés du cerveau d’une huître souhaite “Oublier Camus”.

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