Isabelle Didi Oliel. “J’ai essayé. Mais rien ne fonctionne”

Depuis le 7 octobre, j’ai perdu le goût d’écrire.

Pourtant, il y aurait tant à dire.

Mais les mots me semblent dérisoires,

comme si plus aucun ne pouvait décrire ce sentiment étrange,

Difficile à exprimer.

Si la colère et la rage m’ont poussé à exprimer mes émotions au début de la guerre, c’est la tristesse qui a le plus résisté au passage du temps. Elle s’est installée profondément sans que je puisse m’en défaire. Je l’ai souvent défiée, pensant qu’elle finirait par céder.

Je n’ai pas arrêté de rire, ni de sortir.

J’ai réuni des amis, fêté Pourim en me déguisant.

J’ai posté des photos sur les réseaux sociaux.

J’ai écouté de la musique à fond dans ma voiture en allant à la mer.

J’ai même essayé de reprendre le théâtre, une fois…

Mais rien ne fonctionne.

La tristesse est sournoise, elle ne se manifeste pas uniquement par une attitude ou une apparence.

Elle s’infiltre insidieusement dans l’âme, anesthésiant les émotions, me laissant presque vide.

J’ai cessé de pleurer. J’ai même cessé d’avoir peur.

La seule crainte qui subsiste est pour mes enfants. Je tremble doublement à l’idée qu’ils courent dans les rues, pensant encore que le monde n’est pas assez fou pour qu’il leur arrive quoi que ce soit.

Je n’ai plus vraiment d’opinion sur la situation. Je me sens lasse.

Chaque témoignage semble irréel.

Je les reçois avec un détachement que je n’arrive plus à expliquer.

Je parcours les réseaux sociaux, je lis les commentaires de haine, presque stoïque.

J’ai encore un peu de sang chaud qui coule dans mes veines, alors je réponds et je reçois des insultes avec une insensibilité qui m’étonne moi-même.

Sans rage ni colère.

Comme si mon esprit avait abandonné.

Comme si j’étais dans une salle d’attente bondée de monde, où le temps n’a pas d’importance. Je suis complètement soumise et docile, n’écoutant plus le brouhaha extérieur, attendant sagement que les heures défilent.

Impuissante.

Fataliste et résignée.

L’habitude du pire m’a gagnée.

Pourtant je suis de celles qui aiment parler avec enthousiasme et passion,

qui font de grands gestes et s’exclament souvent avec impétuosité,

qui apprécient les grands débats et ressentent chaque émotion avec une hypersensibilité parfois gênante,

qui prennent l’espace et aiment faire rire toute une assemblée.

Mais le 7 octobre La violence a montré un visage des plus diaboliques

Elle existe,

et depuis…

j’ai changé.

© Isabelle Didi Oliel

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4 Comments

  1. Ce qu’exprime Isabelle Didi Oliel entre en résonance avec ce que je ressens depuis plusieurs mois.
    Je me sens moins seule grâce à elle et d’autres qui depuis le 7 octobre ressentent un profond mal être difficile à partager au vu des événements qui traversent nos sociétés dont celles récentes des campus universitaires agités par des manifestations d’une hostilité insupportable.

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