“Nous, c’est un amant que la dernière guerre nous a pris. Nous avions un amant et il a disparu…
Pourtant, nous disons-nous, ce pays est si petit, si intime, que l’on pourrait, si l’on s’en donnait la peine, se découvrir des liens de parenté avec le plus éloigné de ses habitants.
Et soudain, un homme disparaît sans laisser de traces, englouti dans l’abîme de la guerre…
Il y a eu la guerre, c’est vrai.
Elle s’est abattue sur nous par surprise.
Aujourd’hui, en lisant les récits affolés qui en sont faits, je tente de comprendre la confusion dans laquelle elle nous a plongés…
Combien d’énigmes cachent les listes de disparus ?
Et les familles, les parents, les amis continuent de rassembler d’ultimes vestiges : lambeaux d’uniformes, débris de documents carbonisés, stylos tordus, alliances aplaties.
Ils poursuivent de mystérieux témoins, traquent l’ombre d’un homme qui aurait entendu une rumeur, s’acharnent à arracher aux brouillards de l’absence le contour d’un visage aimé.
Parfois, ils préfèrent accepter le silence”.
“L’amant“
© A.B Yehoshua
Merci à Daniel Sarfati
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