Daniel Horowitz. Genèse d’une crise politique

Je soutiens l’opposition à la réforme judiciaire dans sa forme actuelle,  et exprime mon aversion du gouvernement qui la promeut. Je suis opposé à ce gouvernement pour une série de raisons, qui peuvent se résumer en une formule simple : il n’est pas compatible avec le projet sioniste et ne respecte ni la lettre ni l’esprit de la déclaration d’indépendance d’Israël.

Je me sens néanmoins isolé concernant mon point de vue sur la genèse de la crise. Il y a une manière perfide, chez les opposants à Netanyahu, d’en escamoter l’origine. Tout se passe comme si leur détestation du personnage justifiait un déni de démocratie, ou pire.

Cela fait une dizaine d’années qu’un cercle vicieux fait des ravages dans la vie politique israélienne. Comme souvent dans ces cas-là, on a tendance à perdre de vue la genèse.

Benjamin Netanyahu a toujours été soucieux concernant l’indépendance des juges en général, et de la Cour Suprême en particulier. C’est Aharon Barak lui-même qui l’a encore relevé récemment. Netanyahu n’a jamais été dupe du caractère soi-disant apolitique de la Cour Suprême, mais estimait, comme beaucoup de monde, qu’en l’absence de Constitution cela valait mieux que rien. Et puis, soudain, il y a quelques années, il a commencé à se retourner contre le pouvoir judiciaire.

La question est de savoir pourquoi. La réponse simple mais simpliste est que c’est parce que cette fois-là c’était lui-même qui était mis en cause. Mais il  va de soi que dans ces cas-là on pense d’abord à soi-même, en particulier quand on n’a rien à se reprocher. C’est en tous cas la position que défend Netanyahu, et le  centre de gravité de ma thèse.

Dès le début de la décennie précédente ses adversaires commençaient à désespérer de jamais pouvoir le déloger de manière démocratique.  Des forces politiques, médiatiques et judiciaires se sont liguées pour le défaire d’une manière ou d’une autre. Il ne s’agit pas d’un complot, mais d’une grogne diffuse qui avait saisi une partie de l’opinion publique, qui commençait à trouver que la démocratie n’avait pas que du bon.

Des moyens inouïs ont été mis en œuvre pour fouiller dans la vie publique et privée de Netanyahu. Intimidation de témoins, interrogatoires musclés et mises sur écoute ont été instrumentalisés sans compter.  Le coût financier de ce feuilleton est astronomique.

Selon le journaliste financier Ely Tsipori, le coût direct des poursuites judiciaires contre Netanyahu s’élèvait à plus de 500 millions de shekel en janvier 2022. Ceci sans compter le coût indirect des élections  à répétition et de ses effets toxiques sur l’économie. Un an et demi plus tard nous sommes loin du dénouement.

Mon raisonnement repose sur un postulat, à savoir que le procès de Netanyahu est une fabrication. Comme toute fabrication de ce type, elle se donne une apparence légaliste. Dès les premières enquêtes s’est formé un front hostile avec pour seul motif que Netanyahu allait être inculpé pour de bonnes raisons. On ne lui reprochait pas sa politique, mais des délits qui restent à ce jour à démontrer.

Lorsque Benny Gantz a décidé de rallier le gouvernement de Netanyahu sous condition de rotation, celui-ci avait fait mine d’accepter, mais s’est ensuite ravisé. Il estimait que cette exigence était un chantage avec pour levier les accusations dont il était l’objet.

Dès que l’opposition a commencé à exiger que Netanyahu se démette, elle l’a fait d’une manière singulière: des ténors du journalisme et de la classe politique n’exigeaient pas qu’il aille en prison, mais qu’il aille à la maison. Bizarrement, personne ne voulait de  punition autre que celle de le forcer à la retraite.  Cette sorte d’acte manqué démontrait que pas grand-monde ne croyait à ce dont il était accusé, mais beaucoup comptaient sur une procédure longue qui l’écarterait, innocent ou pas.

Dernièrement, l’accusation de corruption a été levée par les trois juges qui mènent le  procès à charge contre Netanyahu. Suite à cela la presse a demandé au chef de la police sur quelle base il avait recommandé de l’inculper.  Il a répondu que c’était parce qu’il espérait que cela le forcerait à démissionner, mais pas qu’il l’estimait coupable.

Le gouvernement Bennett / Lapid était censé offrir une solution à la crise en 2021. La seule certitude de cette parodie était qu’elle n’avait aucune chance de durer. Lors de sa campagne électorale, Naftali Bennett s’était adressé au pays à peu près en ces termes:

« Je ne contribuerai en aucune manière, à aucune condition, à un gouvernement où Lapid serait premier ministre, parce qu’il s’agit d’un gauchiste. J’exclus la participation du parti  Meretz parce qu’il s’oppose au principe d’un Etat juif et démocratique. Je m’engage à ne jamais soutenir de constellation autre qu’un gouvernement ancré à droite. Je mets Netanyahu en demeure de ne pas s’allier avec le parti arabe Ra’am. » 

Après les élections Bennett a violé ses propres lignes rouges en arguant que cela avait été le prix pour mettre fin aux élections à répétition et sauver le pays. Mais il n’a ni sauvé le pays ni mis fin aux élections à répétition. Il a au contraire contribué à ce que l’anathémisation de Netanyahu  accouche d’un gouvernement d’ultradroite grâce au soutien de fanatiques ultraorthodoxes et de voyous fascisants. Le gouvernement Bennet / Lapid a été une farce.

La manœuvre consistant à tenter d’éliminer Netanyahu du pouvoir autrement que par les urnes est un déni de démocratie intolérable. Cela a conduit à un nouveau déni de démocratie par le gouvernement actuel.

Maintenant cette question: si Netanyahu n’avait jamais été poursuivi en justice, en serions-nous là où nous sommes ? Je ne le pense pas. Il me semble même qu’une réforme judiciaire équilibrée aurait vu le jour de manière sereine, sous la conduite d’un gouvernement authentiquement démocratique.

© Daniel Horowitz

https://danielhorowitz.com/blog/index.php/category/politique/

Source: danielhorowitzblog


Daniel Horowitz est né en Suisse, où ses parents s’étaient réfugiés pour fuir l’occupation de la Belgique. Revenu à Anvers il grandit au sein de la communauté juive. A l’âge de quinze ans il entre dans l’industrie diamantaire et y fait carrière. Passé la soixantaine il émigre en Israël où il se consacre désormais à l’écriture. Il a récemment publié aux éditions l’Harmattan un ouvrage intitulé “Leibowitz ou l’absence de Dieu”.


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5 Comments

  1. Une approche honnete et interressante , effectivement Nethanyaou semble devoir echapper a un proces plus ou moins bidon .
    Mais a mon sens , Israel:est a droite , donc le seul sujet est de representer le pays vrai ( a droite) sans l interference Bibi , la est la democratie , et la gauche en perdition n a aucune legitimité a le remplacer , c est une coalition prepresentative et un nouveau leader qui doit le faire .

  2. Pas bien sérieux, cet article. Exemples :
    « Benjamin Netanyahu a toujours été soucieux concernant l’indépendance des juges en général, et de la Cour Suprême en particulier ».
    C’est TRES au-dessous de la vérité. Voyons par exemple ceci, extrait d’un ferme engagement tenu par Bibi en sa qualité de Premier Ministre en 2012 : https://www.youtube.com/watch?v=hrZK3UhBWa0 :
    Traduction du principal au besoin : « Je crois qu’un système judiciaire fort et indépendant est celui qui permet l’existence de toutes les autres institutions en démocratie. Montrez-moi une seule dictature, une seule société non-démocratique, dans laquelle existe un système judiciaire fort en indépendant. Cela n’existe pas. Partout où un système judiciaire fort et indépendant n’existe pas, les droits ne peuvent pas être protégés. En effet, la différence entre des pays où les droits sont ‘’sur papier’’ et des pays où les droits sont effectivement acquis, cette différence est un système judiciaire fort et indépendant. C’est la raison pour laquelle je fais et je continuerai à faire tout en mon pouvoir pour conserver un système judiciaire fort en indépendant. Rien que ces derniers mois j’ai refusé toutes les lois qui menaçaient de limiter l’indépendance du système….dont la modification de la commission de désignation des juges. Je continuerai à agir ainsi ; et chaque fois qu’une proposition de loi susceptible de limiter l’indépendance des tribunaux en Israël se trouverait sur mon bureau, elle sera rejetée ».
    Les Israéliens ayant voté pour Bibi (ou pour un parti de sa coalition) en novembre 2022 votaient donc pour un soutien indéfectible de l’indépendance du système judiciaire. D’ailleurs la question était secondaire : ils votaient surtout pour des questions de sécurité et d’économie.
    L’attitude actuelle de Bibi et des siens en la matière est diamétralement opposée à ses engagements ; elle trahit donc beaucoup de gens ayant voté pour lui ; d’où la révolte, les manifestations et le reste.
    Pourquoi la volte-face de Bibi ? Contrairement à ce que prétend cet article elle est, entièrement et sans réserve, la conséquence de ses démêlés personnels actuels avec la justice. Accusé de corruption dans trois affaires judiciaires différentes, Il vendrait père et mère pour affaiblir le système judiciaire qui l’accuse. Quitte à déstabiliser la démocratie israélienne ; quitte à gravement affaiblir l’Etat.
    L’auteur de l’article nous dit « Mon raisonnement repose sur un postulat, à savoir que le procès de Netanyahu est une fabrication. » MAIS RIEN ne permet d’étayer ce postulat, les procédures judiciaires étant toujours en cours. Le raisonnement de l’auteur repose donc sur RIEN.
    Si on ignore pour l’instant les verdicts futurs des procès intentés contre Bibi, les faits révélés, quelque soient leurs conséquences judiciaire, montrent déjà une grande légèreté dans la gestion des affaires publiques et une forte propension à se frotter contre des riches et des puissants pour se faire délivrer des « cadeaux ».
    Bibi a-t-il vendu des intérêts israéliens en contrepartie de cigares, des champagnes et des bijoux ? Nous le saurons. En attendant, le tout rappelle ceci, attribué (à tort) à Montesquieu : « Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument ». Sachant que Bibi est dans sa seizième année en tant que Premier Ministre ; alors que l’équivalent américain (Président) n’a droit qu’à deux mandats de quatre ans ; et l’équivalent français, deux mandats de cinq ans.
    Quoi qu’il en soit, il est grand temps que Bibi s’en aille.

  3. “accouche d’un gouvernement d’ultradroite grâce au soutien de fanatiques ultraorthodoxes et de voyous fascisants”
    La propagande du Mapam-Mapaï contre ses adversaires à toujours cours en 2023.
    Ce pure discours de haine à t-il sa place sur “tribune juive” ?

  4. Au lieu de passer des infamies sur une large portion de la population traditionnelle, orthodoxe et sioniste religieuse.
    Tribune juive devrait édifier ses lecteurs sur la terreur intellectuelle de l’ultra gauche contre ceux qui n’ont pas l’heur de penser comme eux, et cela surtout dans l’université.
    Comment une universitaire à subit un harcèlement pour ne pas penser correct …
    https://www.inn.co.il/news/610618

  5. Cette docteur émérite du Technion, KEren Assayag, à du subir les pires affronts de la “communauté académique” y compris sur les réseaux sociaux des qualificatifs du genre ” néo-nazie et docteur Mengele”.
    Que l’on nous épargne billevesées et propos infâmes.
    La communauté juive doit se réveiller et ne pas laisser embobiner par des soit disant “humanistes, éclairés et pluralistes” qui sont les pires sectaires qui soient.

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