Je t’écris d’Israël. Voyage en terre de Tikkoun Olam. Chapitre 7: Waleed, Sophie, Mickaël, Elie, Joseph, Sarah, Pierre et les autres

Chapitre 7 : Waleed, Sophie, Mickaël, Elie, Joseph, Sarah, Pierre

et les autres

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Tribune Juive vous propose tout au long de l’été un regard décalé sur Israël, berceau du Tikkoun Olam – la réparation du monde brisé -, à travers la correspondance de Valérie Pavia*, artiste photographe qui arpente le pays, avec Yves Lusson**, intervenant en Thérapie sociale resté en France. 

© Valérie Pavia

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Cher Yves,

Un ami assiste en ce moment à un mariage dans le Nord d’Israël. Sept prières de bénédictions sont prononcées à l’occasion d’un mariage juif.

Ainsi nous pourrions conclure sur le septième et dernier chapitre de notre projet, tout en sachant qu’il ne fera qu’ouvrir sur autre chose que nous ne connaissons pas encore.

Tout au long de cet été, des graines ont été semées à l’occasion de tous les voyages que j’ai pu faire à l’intérieur d’Israël et de toutes les personnes que j’ai rencontrées. Chacune est porteuse d’un projet qui ne fait que refléter le projet de l’autre, voire le compléter. Ce qui est certain, c’est que c’est la rencontre avec l’Autre et la dimension collective qui fait que les graines de ces projets pourront un jour fleurir, voire donner du fruit.

Plus personnellement, si je reprends la description qui me correspond dans ce projet, je crois avoir atteint la cible de mes deux objectifs.

Celui de trouver un endroit où poser ma valise et celui d’avoir commencé à développer un, deux ou trois projets réellement porteurs de sens.

Pour illustrer ce début de chapitre, j’emprunterai le chemin de la poésie qui n’est autre que l’adresse que j’ai trouvée pour enfin poser ma valise. 

© Valérie Pavia
© Valérie Pavia
© Valérie Pavia
© Valérie Pavia
© Valérie Pavia

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Chère Valérie, 

Je suis heureux de toutes ces nouvelles, et merci pour tes photos qui couronnent bien notre travail estival de correspondance publiée dans Tribune Juive. Que Sarah Cattan en soit ici de tout cœur remerciée. 

Tu as donc trouvé où poser ta valise, tu as déjà semé des graines qui fleuriront dans la rencontre avec l’Autre. Certaines de ces graines feront peut-être des arbres, qui sait, aux racines fermes et profondes, et aux fruits emplis du soleil et de l’histoire millénaire d’Israël.

De mon côté je ressens le besoin d’un dernier traversement, moi qui reste en France, qui me destine à y vivre, dans ce pays qui souffre actuellement, mais ce pays que j’aime tant et où vivent les miens. 

Ce traversement est peut-être ce chemin qu’il me reste à accomplir pour pouvoir enfin trouver où poser ma propre valise, là où je voudrai semer mes propres graines, dont certaines feront peut-être des arbres, aux racines fermes et profondes, et aux fruits emplis de l’histoire et des aspirations de mon peuple épris de liberté, d’égalité et de fraternité. 

Je viendrai te voir en Israël, je te le promets, ne serait-ce que pour pouvoir accueillir de tous mes sens ce que tu me laisses entrevoir depuis ces sept semaines. 

C’est l’une des attentions du thérapeute social que de ne surtout pas promettre à ceux que l’on accompagne de pouvoir les accompagner au-delà de ses propres limites. Je sens bien que mes propres limites, celles qu’il me faut sans cesse travailler à repousser, ont quelques chose à voir avec le maintien en soi de la joie de vivre là où prolifèrent les violences, la haine, les folies et les illusions à combattre. 

Je ne lâcherai pas cet objectif, de la même façon que les Israéliens ne lâcheront pas le leur, je pense : protéger du mieux qu’ils pourront l’existence de leur nouvel Etat encore fragile, terre du petit peuple hébreu en cours de réenracinement, mince filet d’une source de liberté au milieu d’un continent de soumission qui a soif de vivre heureux. 

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Cher Yves,

En cette fin du mois d’août, le temps est venu de regarder ce qui a été semé, faire une sorte de bilan de notre échange autour de ce voyage qui s’est peu à peu transformé en installation pour ma part. Je suis contente d’apprendre que de ton côté, la préoccupation de trouver un lieu d’enracinement pour poser sa valise se pose également. Sans endroit fixe, pas de possibilité d’envisager de voyager. On ne voyage bien que lorsque l’on sait d’où l’on vient. Je me réjouis de ton choix français qui reste mon pays d’origine auquel je reste très attachée. Mais ce pays, il me fallait le quitter car dans la vocation d’Abraham, qui est de trouver le chemin qui mène à soi, il faut pouvoir quitter son pays de naissance. J’ai quasiment tout largué cet été et cela a porté ses fruits. Je n’ai nullement fait une Alya administrative, d’ailleurs celle-ci ne m’intéresse pas et nuirait sans doute à certains de mes projets. J’ai plutôt fait ce qu’on appelle une Alya spirituelle comme en témoigne ma photo de la porte qui s’ouvre sur un escalier inondé de lumière. Cette montée spirituelle m’a permis de rencontrer sur le terrain toutes les personnes qui ont contribué à rendre mon installation plus aisée et qui me semblent porteuses de cet avenir confiant, serein et lumineux pour Israël.

Je souhaiterais évidemment remercier Sarah qui nous a offert cet espace de liberté et d’expression tout au long de l’été, et je voudrais remercier l’Esprit directeur qui nous a guidé et inspiré pour écrire ce projet à deux.

© Valérie Pavia

Je te présenterai donc à nouveau Waleed qui a d’abord fortement contribué à rendre mon premier ancrage à Haïfa plutôt agréable.

Récemment ce dernier a répondu à mon désir inconscient de jouer d’un instrument de musique. Un jour, dans le quartier du Wadi, ce qui en arabe veut dire Source, je regardai les ouds qui sont ces merveilleux instruments à corde orientaux, d’ailleurs oud, ça vient de wood, du bois, la matière dans laquelle ils sont sculptés, en me disant que j’aimerais bien apprendre à en jouer. Je discute avec Waleed dans son salon de coiffure de mon envie de faire de l’oud. Cela a toujours été également son souhait, mais le fait d’être coiffeur l’a empêché d’apprendre à en jouer. Il avait donc chez lui un oud dont il ne s’est jamais servi. Le lendemain Waleed m’offrait cet instrument de musique. Je l’ai montré aujourd’hui à l’école de musique. Ils l’ont regardé avec des yeux émerveillés en me disant que c’était un instrument d’une grande qualité.

Il ne me reste plus qu’à apprendre non ? Voici d’ailleurs un autoportrait à l’oud.

© Valérie Pavia
© Valérie Pavia

Pour rester dans le bois, je te présenterai Joseph qui a construit la charpente de la souccah sur le balcon d’Elie. Quand j’ai vu Joseph pour la première fois, j’ai cru voir Jésus en personne, pas le Jésus de l’exil toujours représenté souffrant sur une croix ou blond avec des yeux bleus. Mais un Jésus pleinement incarné dans son peuple. D’ailleurs Joseph est à l’initiative du plus beau projet que j’ai vu à ce jour en Israël et qui s’appelle Yeshurun. Un projet révolutionnaire on pourrait dire mais tellement basé sur le bon sens, sur un retour à la terre et aux vrais valeurs de la Torah originelle. Joseph est accompagné de son fils Shmouel. D’ailleurs en hébreu Père et Fils, ça se dit Even, Pierre, comme quoi le père ne peut se construire sans le fils et réciproquement. 

Sur le balcon d’Elie, balcon qui regarde vers l’horizon, à la fois sur les collines de Judée et sur Bethléem, je te présenterai justement Pierre et son fils également en compagnie d’Elie qui sont des amis de longue date et qui construisent pas à pas discrètement l’arche d’Abraham, lieu d’accueil pour le Tikoun Olam.

© Valérie Pavia
© Valérie Pavia
© Valérie Pavia
© Valérie Pavia
© Valérie Pavia

Que ce soit Waleed, un arabe chrétien au français quasiment parfait, comme Joseph, Elie et Pierre, la langue qui nous relie est celle du français. Je crois que la réparation universelle a quelque chose à faire avec l’usage de notre très belle langue.

Mais plus universel encore que le français ou l’hébreu, je crois que ce qui nous relie tous dans ce projet, et toi également, c’est ce cœur au milieu de ce café.

© Valérie Pavia

Mon dernier remerciement s’adresse à Sophie Stern qui m’a ouvert la porte de sa maison à Haïfa à un moment un peu délicat de mon séjour. Sans elle je ne serais peut-être pas arrivée au bon port de Haïfa.

Pour compléter ta collection de cœurs, je tombe ce soir sur ces trois écritures qui caractérisent si bien l’essence de cette ville si particulière.

© Valérie Pavia
© Valérie Pavia
© Valérie Pavia

Enfin je voudrais remercier Shlomit et Eliyahou Abel, mes amis auvergnats sans qui je n’aurais pas pu « planter ma tante » en Israël à Saint Jean d’Acre au mois de Juillet, et tout particulièrement mon ami Mickaël L., dont le séjour estival a coïncidé avec mon installation à Haïfa et qui a su être présent tel un ange gardien une des journées les plus éprouvantes de mon séjour.

© Valérie Pavia

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Chère Valérie,

Que rajouter de plus, pour clore les sept chapitres de ce Voyage en terre de Tikkoun Olam si particulier. 

Dans l’espace d’accueil – et, disons-le, d’amour – qui nous a été offert par la directrice de Tribune juive, nous nous sommes jetés dans le vide, ce vide qui précède l’inconnu, l’écriture, et toi les rencontres primordiales au gré de tes flâneries israéliennes. Nous avons été souvent émerveillés par les fruits de notre inspiration, émerveillés mais pas si surpris que ça, au fond, dans la confiance de notre humilité, habités que nous étions par celui que tu appelles l’Esprit directeur. 

A l’issue de tous ces traversements, dans la joie de tes rencontres, émus comme des enfants par toutes ces (recon)naissances que nous avons su accueillir ensemble, il ne me reste plus qu’à te souhaiter bonne chance dans ton alya, mon amie, le meilleur, mazal tov, Valérie-Emmanuelle ! 

Et longue vie à votre arche d’Abraham, lieu(x) d’accueil pour un Tikkoun Olam (ré)incarné à Jérusalem, à Haïfa, partout en Israël… 

… dans l’amour du Père et de toutes les Sarah et les Marie du monde.   

Un grand merci, et à très bientôt.

© Valérie Pavia

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www.yeshurun.co.il

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À propos des auteur

Photo Bruno G.

*Née à Montpellier, l’artiste Valérie Pavia a nourri une œuvre conséquente dans les domaines de la vidéo, de la photographie, de la peinture et de l’écriture. Après des études de théologie à Strasbourg, elle a enseigné le grec et l’hébreu dans des associations de langues bibliques. En Israël cet été, elle n’y est pas partie pour y faire son Alya à proprement parler, mais elle arpente la « Terre Sainte » en quête de sens pour sa vie, et peut-être d’un pays où poser ses valises.

© Valérie Pavia

**Yves Lusson, journaliste scientifique et social pendant plus de vingt ans, se forme depuis une dizaine d’années à la Thérapie sociale auprès de son inventeur, Charles Rojzman. Contributeur régulier de Tribune Juive, il voit dans le voyage de Valérie une occasion de questionner la destinée de cette « terre de Dieu » qui le fascine depuis l’enfance, et tout particulièrement sa vocation à la « réparation du monde » que la tradition juive nomme Tikkoun Olam.


Les auteurs remercient TJ d’avoir ouvert ses colonnes de TJ à cette aventure littéraire et artistique, qui a permis de toucher du doigt un aspect d’Israël dans ce qu’elle a de plus profond, de par son histoire, sa culture, sa spiritualité : une réalité à mieux redécouvrir et reconnaître ? 


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