Il y a 2 mois, le dimanche 12 mars, notre confrère, en faisant le choix d’annoncer le diagnostic qui venait de tomber, livrait sur Temps & Contretemps un article qui disait la foi en la science de l’homme résolument moderne qu’il était.
De temps en temps on apprend par la presse qu’un tel ou untel est décédé après une “longue maladie”, une manière discrète pour définir le cancer comme s’il s’agissait d’une maladie honteuse, contagieuse, comme une sorte de lèpre sociale. Pour moi, le diagnostic est tombé brutalement alors que l’on s’attend le moins, surtout qu’aucun signe révélateur ne le laissait penser. J’ai estimé ne pas devoir le cacher car il y a une certaine lâcheté à ne pas subir le sort qui nous a été imposé. Certains pensaient que leurs amis allaient les fuir pour ne pas être contaminés ou pour ne pas simplement avoir à se lamenter. Au contraire, en l’annonçant, l’on est plus tenté de se battre sachant qu’il y a une fin à tout mais qu’il faut rester digne sans larmes et sans complexes. La réussite médicale sur un patient dépend aussi beaucoup de la victoire psychologique contre le crabe. Plus on reste fort et plus le combat devient à armes égales.
Mais l’optimisme vient de la percée exceptionnelle dans la lutte contre le cancer à l’instar des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv. Ils ont inventé un traitement innovant adaptable à différents types de cancers et qui produit des résultats incroyables depuis quelques années. Jusqu’alors on avait un traitement diabolique contre le “terrorisme” qui s’était installé dans le corps. On utilisait la méthode forte en bombardant le corps pour tuer les cellules cancéreuses mais en faisant des victimes collatérales, à savoir les cellules bonnes. C’est le rôle de la chimiothérapie qui pour certains se supporte mal et entraine des conséquences physiques sur le corps, en particulier l’attaque du système pileux. Le nouveau traitement aide le corps lui-même à se débarrasser de l’intrus.
Mais des chercheurs du Département de pathologie de la Faculté de médecine de l’Université de Tel-Aviv, dirigés par les Dr. Yaron Carmi et Peleg Rider, et la doctorante Diana Rasoulouniriana, ont découvert une population de cellules rares présente dans le système immunitaire des patients cancéreux, capables de se lier aux anticorps sur la tumeur et de la tuer, et ont réussi à fabriquer des cellules aux propriétés semblables qui se sont avérées efficaces. Selon eux, la méthode sert de plate-forme de développement d’un traitement innovant pour divers types de cancer. Au lieu de bombarder le corps de manière presque indéterminée, on l’aide au moyen de ces cellules à combattre les cellules cancéreuses qui se sont installées dans le corps sans y être invitées. Des injections régulières intraveineuses remplacent la chimiothérapie.
Les Professeurs Ronen Brenner du Wolfson Medical Center et Haïm Gutman de l’hôpital Beilinson, ont publié leurs recherches dans la revue Journal of Clinical Investigation : “Nous travaillons sur l’immunothérapie, une méthode thérapeutique biologique basée sur l’activation du système immunitaire du patient lui-même pour lutter contre le cancer. Cette méthode suscite de nombreux espoirs en raison de son succès dans la réduction des tumeurs cancéreuses résistantes à la chimiothérapie et aux rayons. Cependant, jusqu’à présent, seul un succès partiel a été observé pour un nombre limité de tumeurs et la plupart des patients ne réagissent pas au traitement”.
Selon les chercheurs, le système immunitaire dispose de deux mécanismes différents pour identifier les cellules cancéreuses et de les attaquer. L’un utilise des cellules appelées lymphocytes-T qui sont très meurtrières mais ne se lient que faiblement à la tumeur cancéreuse ; et le second se sert des anticorps capables de se relier fortement aux mutations sur la cellule cancéreuse, mais qui, en revanche, n’entraînent pas de destruction efficace. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont découvert un type de cellule rare qui allie ces deux propriétés : “Contrairement aux lymphocytes-T normaux, les cellules que nous avons découvertes sont équipées de récepteurs leur permettant de se lier à des anticorps sur les tumeurs cancéreuses et de les éliminer directement. Elles constituent donc un «raccourci» important, qui contourne le processus naturel complexe du système immunitaire. Selon leurs observations, il s’agit d’une population rare de cellules qui constitue un faible pourcentage des lymphocytes-T présents dans la tumeur”. Les chercheurs ont également retrouvé de tels lymphocytes rares dans des tumeurs de souris atteintes de mélanome et du cancer du sein, ainsi que dans des échantillons cliniques de tumeurs provenant de patients cancéreux.
Il s’agit d’un nouveau traitement innovant accessible pour un grand nombre de patients. Dans l’étape suivante, ils ont utilisé des méthodes de génie génétique pour imiter le mécanisme ainsi révélé, dans le but de produire une grande quantité de lymphocytes-T similaires à ces cellules rares, de manière à transformer cette découverte en une technique thérapeutique utilisable. Le nouveau traitement, qui combine des lymphocytes-T fabriqués se liant directement aux anticorps, et des anticorps supplémentaires également capables de s’accoler aux cellules cancéreuses, a été testé sur des souris atteintes de mélanome et est parvenu à détruire les cellules cancéreuses et à enrayer la tumeur.
Selon le docteur Carmi : “Notre étude combine les deux mécanismes du système immunitaire : la capacité destructrice des lymphocytes-T et l’aptitude à se lier étroitement à la tumeur au moyen des anticorps. Nous avons ainsi créé une nouvelle plate-forme d’immunothérapie pour le traitement futur de nombreux types de cancer. Dans le cadre de cette méthode, il sera possible de prélever des lymphocytes-T du patient, de les modifier en laboratoire, puis de les réintroduire dans l’organisme munis d’anticorps spécifiques adaptés à sa maladie. Il est important de noter que la plupart de ces anticorps sont déjà fabriqués dans l’industrie, et existent sous forme de produits en vente approuvés et sûrs. De cette manière, les cellules modifiées que nous avons développées devraient permettre un traitement innovant de diverses tumeurs malignes accessible pour un grand nombre de patients”.
Plusieurs patients ont vu leur vie s’allonger. Certains suivent ce traitement depuis trois ans alors qu’on ne donnait pas cher de leur vie. Cet article n’a aucun but de voyeurisme ni de commentaires larmoyants mais il peut servir à aider psychologiquement ceux qui sont atteints par le crabe pour qu’ils gardent espoir. Il ne s’agit pas de susciter la pitié, elle est destructrice. Je continuerai à écrire et à parler jusqu’au bout de mes forces, pour l’instant intactes et même plus toniques qu’avant, même si le combat est disproportionné. L’écriture est pour moi un dérivatif pour ne pas penser au sort qui peut m’être réservé malgré moi. Mon cas n’est pas unique mais grâce à la science, nous vaincrons.
© Jacques Benillouche
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