« Aujourd’hui, c’est Abu Dhabi ; demain, ce pourrait être Tel-Aviv », déclare Ronni Shaked, chercheur à l’Université hébraïque, à propos des attaques de missiles Houthi contre les Émirats arabes unis.
PAR MAYAN HOFFMAN
Une batterie de défense aérienne Dôme de Fer installée dans la ville de Sderot, dans le sud d’Israël, tire un missile d’interception le 9 août 2018. Photo de Yonatan Sindel/Flash90.
(1er février 2022 / JNS) La roquette Houthi soutenue par l’Iran qui a dévalé le ciel des Émirats arabes unis pendant que le président israélien Isaac Herzog dormait en dessous pourrait désormais engendrer une décision israélienne rapide d’aider les Émirats arabes unis grâce à ses capacités de défense antimissile.
La frappe de missiles, la troisième en moins de 30 jours, a été interceptée, mais des experts ont déclaré à JNS qu’elle risquait d’aggraver encore les tensions dans la région, entraînant Israël davantage dans la crise du Golfe.
La coopération en matière de sécurité était clairement à l’esprit de Herzog lors de sa première visite officielle, qui s’est terminée lundi soir, alors qu’il soulevait la question avec le prince héritier d’Abu Dhabi, le cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan.
“Je tiens à souligner que nous soutenons totalement vos exigences en matière de sécurité, et nous condamnons sous toutes les formes et dans tous les langages toute atteinte à votre souveraineté par des groupes terroristes”, a déclaré Herzog au prince héritier. “Nous sommes ici ensemble pour trouver les voies et moyens d’apporter une sécurité totale aux personnes qui recherchent la paix dans notre région.”
Pendant des années, les spécialistes de la défense et de la sécurité nationale ont parlé d’une sorte de coopération en matière de missiles entre les pays du Golfe, mais au moins en surface, cela ne s’est jamais concrétisé. À la lumière des accords d’Abraham de 2020 et dans l’ombre d’une radicalisation croissante au Yémen, le moment pourrait être venu pour Israël de partager son expertise en matière de défense antimissile avec des pays amis, a déclaré le professeur Joshua Teitelbaum du Département d’études sur le Moyen-Orient de l’Université Bar-Ilan.
“Ce serait un césame pour les EAU”, a déclaré Teitelbaum. «Ils ont parlé dans le passé d’acheter le dôme de fer. Pour Israël, cette décision élargirait certainement l’appel d’autres pays de la région à coopérer avec Israël.
D’une part, Israël a intérêt à maintenir son avantage militaire relatif dans la région, c’est pourquoi le pays a peut-être hésité à vendre des armements ou des systèmes de défense avancés aux pays arabes dans le passé, qu’ils soient alliés ou non. D’un autre côté, Israël a intérêt à ce que les EAU se défendent.
“Je pense qu’il est probable qu’Israël serait intéressé par la vente de Dôme de Fer aux Émirats arabes unis”, a déclaré Moran Zaga, chercheur à l’Université de Haïfa et boursier du Mitvim. « La stabilité des EAU est égale à la stabilité d’Israël en ce moment » et pour Israël, elle pourrait s’avérer non seulement stratégique, mais essentielle.
Dans le même temps, les Émirats arabes unis sont probablement impatients d’obtenir de l’aide.
Les Émirats arabes unis ont déjà signé un contrat pour le système de missiles sol-air à moyenne portée (M-SAM) de la Corée du Sud, conçu pour intercepter des missiles à des distances allant jusqu’à 40 kilomètres (25 miles) à une altitude pouvant atteindre 15 kilomètres (9,3 milles). Le Dôme de Fer, par exemple, est conçu pour intercepter une variété de roquettes, de mortiers et d’artillerie à courte portée à une distance de quatre (2,5 milles) à 70 kilomètres (43 milles). Selon Zaga,Dôme de Fer propose des gammes sensiblement différentes, donc un achat n’exclut pas nécessairement l’autre.
Les récentes attaques menacent de bouleverser le caractère unique du pays, sa tolérance et sa sécurité. Les frappes des Houthis ont mis les habitants et les touristes en état d’alerte maximale. La semaine dernière, les États-Unis ont mis en garde contre les voyages aux Émirats arabes unis, en partie à cause de la menace pour la sécurité.
“Les Émirats arabes unis tentent de se montrer religieusement tolérants, modernes et ouverts au tourisme”, a déclaré Teitelbaum. « Si les Houthis sont capables de poser des drones et des missiles à proximité de ces sites touristiques, ce sera tout un défi pour les Émirats arabes unis.
Les Houthis, soutenus par l’Iran, savent exactement ce qu’ils font, selon les experts.
Pour commencer, ils envoient un message aux Émirats arabes unis, qui ont retiré leurs forces réelles du Yémen en 2019, mais ont continué à combattre les rebelles dans le cadre d’une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite.
« Les Houthis démontrent que les Émirats arabes unis ne sont pas à l’abri et qu’il y a un prix à payer pour leur implication continue », a déclaré Teitelbaum. “Ils disent également aux Saoudiens et aux Américains que la situation au Yémen ne va pas se terminer rapidement et à leur satisfaction.”
L’intérêt commun d’Israël et des Émirats arabes unis : l’Iran
Bien que les Houthis n’agissent pas seuls.
Quand Israël a décidé de faire la paix avec les Émirats arabes unis, c’était parce qu’il y avait un intérêt commun, a expliqué Ronni Shaked, chercheur à l’unité Moyen-Orient de l’Institut de recherche Harry S. Truman pour l’avancement de la paix à l’Université hébraïque. “Cet intérêt commun, c’est l’Iran.”
Selon Shaked, alors que l’Iran n’attaque pas directement Israël ou les Émirats parce qu’il ne veut pas d’une guerre totale à travers le Moyen-Orient, le pays utilise stratégiquement et efficacement ses pouvoirs par procuration comme le Hezbollah, le Hamas, le Jihad islamique palestinien et… ce qui est devenu l’année dernière son supplétif le plus dangereux : les Houthis au Yémen.
« Le Yémen est devenu une base de l’Iran, et les Iraniens agissent au Yémen au nom des Houthis », a déclaré Shaked à JNS, expliquant que les récentes attaques contre les Émirats arabes unis n’auraient pas pu être réalisées sans des missiles sophistiqués à longue portée exploités par des techniciens qualifiés.
« Il est difficile de croire que les Houthis, qui se battent toujours comme l’État islamique, puissent faire quelque chose comme ça », a-t-il déclaré.
En outre, de nouvelles preuves ont montré que le Hezbollah, le Hamas, le Jihad islamique et les Houthis collaborent. Des terroristes du Hezbollah et du Hamas se sont rendus au Yémen pour s’entraîner. Il y a environ une semaine, une manifestation du Jihad islamique a eu lieu dans la bande de Gaza en solidarité avec les Houthis.
Expert : Israël pourrait être le prochain
Les Houthis sont profondément antisémites et anti-Israéliens. Leurs slogans incluent des déclarations comme « mort aux Juifs » et « mort aux ennemis de l’islam », a déclaré Teitelbaum à JNS.
Zaga a déclaré que les Houthis essayaient d’associer les Émirats arabes unis à Israël par le biais des accords d’Abraham.
« Vous entendez de plus en plus de déclarations de représentants houthis parler de ce lien entre les Émirats arabes unis et Israël », a-t-elle déclaré.
Zaga ne pense pas que les accords soient en danger, principalement parce que les EAU comprennent que s’ils se retiraient des accords en raison des attentats, cela enverrait un message aux groupes terroristes qu’ils avaient gagnés, mettant les EAU en plus grand danger.
Cependant, elle pense que si les Émirats arabes unis sont obligés de négocier directement avec Téhéran pour faire arrêter les missiles – comme ils l’ont fait en 2019 sur la sécurité maritime – cela pourrait conduire à un refroidissement des relations.
“La température de ces accords pourrait changer en fonction des négociations avec Téhéran, des négociations qui sont déjà en cours ou qui le seront probablement [bientôt]“, a déclaré Zaga.
“Aider les EAU, c’est s’aider soi-même”
Encore plus audacieux serait pour les Houthis d’attaquer directement Israël – une éventualité que Teitelbaum pense peu probable qu’elle se produise, mais une menace qui, selon Shaked, ne devrait pas être écartée.
“Les missiles iraniens peuvent s’approcher très près d’Israël et même dans le centre d’Israël depuis le Yémen“, a averti Shaked. « Aujourd’hui, c’est Abu Dhabi ; demain, ce pourrait être Tel-Aviv.
Il a déclaré qu’en vendant les systèmes de défense antimissile des Émirats arabes unis “nous les aiderions, mais nous nous aiderions avant tout nous-mêmes”.
Poster un Commentaire