Pierre Saba – USA-ISRAEL-MAROC

A l’occasion d’un accord tripartite avec les Etats-unis d’Amérique (USA), le royaume du Maroc et l’Etat d’Israël ont renoué le 10 décembre 2020 les relations diplomatiques interrompues le 4 juillet 1994. Les simples bureaux de liaisons ont été remplacés par des ambassades et consulats qui ont été ouverts au Maroc et en Israël. Cet accord tripartite est positif. Il se source dans le pragmatisme et laisse apparaître quelques aspérités.

1- L’accord tripartite dispose d’un volet diplomatique et consulaire, d’un volet de souverainetés et d’un volet d’échanges de tous ordres entre le Maroc et Israël.

Il comprend la reconnaissance mutuelle israélo-marocaine et l’ouverture d’un consulat américain pour les provinces marocaines du Sahara.

Le volet de souverainetés

Il comprend deux éléments.

La reconnaissance américaine et israélienne de la souveraineté marocaine sur l’ex-Sahara espagnol devenu en 1976 les provinces sahariennes du Maroc.

La reconnaissance marocaine de la souveraineté israélienne sur son territoire national. Le Maroc contestait l’existence d’Israël depuis son indépendance. Des bataillons de spahis marocains avaient participé aux agressions contre Israël en 1956 et 1973. Toutefois, Rabat ne reconnaît pas les territoires acquis par Israël sur les puissances agressantes et vaincues. Sur ce sujet, la position chérifienne ne se conforme pas au Droit international public (DIP). Elle est cependant validée par l’accord avec Israël et les USA.

Le volet d’échanges entre le Maroc et Israël

Il concerne l’économie, le commerce, le numérique, la sécurité, la culture et tout ce qui concerne des relations bilatérales de coopération réciproque. Ce volet est capital puisqu’il tisse plus que tout autre un tissu difficile à découdre.

2- Le pragmatisme comme source de l’accord

Les protectorats espagnol et français sur le Maroc prennent fin en 1956. Depuis son indépendance, le royaume n’a de cesse de revendiquer sa souveraineté sur la colonie espagnole du Sahara occidental qui la contigüe sur sa frontière méridionale. La « marche verte » est organisée en 1975 par l’armée royale et sous les ordres du roi Hassan II. Elle permet l’annexion au Maroc du territoire saharien dégagé des troupes coloniales espagnoles.

La place Jamaa el Fna dans la médina de Marrakech                        Wikipedia. CC BY-SA 3.0

Depuis, les saharaouis aidés par l’Algérie voisine contestent la souveraineté marocaine sur le Sahara et réclament son indépendance à leurs profits.

La reconnaissance par les USA de la souveraineté marocaine sur le Sahara figure aux accords tripartites. Elle légitime la présence marocaine sur ces territoires contestés. Elle conduit depuis d’autres Etats à reconnaître cette souveraineté.

La reconnaissance marocaine de l’existence d’Israël figure à l’accord tripartite. Elle renforce le camp des Etats arabes reconnaissant Israël, augmente le camp de la paix, se conforme aux résolutions de l’ONU interdisant les conflits armés, élargit les accords de reconnaissance de l’Etat hébreu et ouvre la voie de nouvelles relations diplomatiques.

Caractère réciproque de l’accord tripartite

L’accord tripartite renforce considérablement la souveraineté marocaine contestée par les Sahraouis, l’Algérie et leurs alliés. Elle sécurise et banalise l’existence d’Israël qui est encore contestée par des Etats arabes et musulmans.

En reconnaissant l’existence de l’Etat hébreu et en développant rapidement ses relations avec lui, le roi du Maroc & son mahzen (gouvernement) obtiennent la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara par les USA, Israël et de nombreux Etats qui ont suivi.

Il s’agit de la réussite d’une diplomatie de paix fondée sur le pragmatisme et conduite avec succès par le président Trump et son administration.

3- Quelques difficultés

Sans altérer les bénéfices magistraux des accords tripartites, il convient de considérer quelques difficultés adhérentes ne serait-ce que par nature.

Le Maroc ne reconnaît pas la souveraineté israélienne sur sa capitale.

Jérusalem, vieille ville

Jérusalem est devenue capitale d’Israël non par décision arbitraire mais à la suite de conflits gagnés sur l’agresseur jordanien. Ne pas le reconnaitre fragilise la crédibilité du partenaire marocain. Les exemples antérieurs de la Jordanie, de l’Autorité palestinienne, de l’Egypte confirment la suspicion de la volonté d’une paix dite « juste et durable » transformée en état de « non belligérance ».

La lettre d’accréditation de l’ambassadeur du Maroc auprès du président de l’Etat d’Israël est présentée à Jérusalem au palais présidentiel (Beit haNassi). Cette démarche localisée rend « non avenue », en Droit, la non reconnaissance de Jérusalem comme capitale et territoire national israélien. Elle affirme, au contraire, la reconnaissance « pleine et entière » par Rabat de la souveraineté israélienne sur Jérusalem. Faut-il le rappeler, seul Israël est en mesure de décider de sa capitale!

La réciprocité de la reconnaissance marocaine de l’existence d’Israël d’une part, et la reconnaissance américaine et israélienne de la souveraineté marocaine sur ses provinces sahariennes d’autre part, tend à rendre analogue deux situations qui ne le sont pas.

Libéré par l’Espagne, le Sahara ex-espagnol a été occupé par l’armée royale marocaine. Il est passé sous souveraineté espagnole par expédition militaire. Les partisans sahraouis de l’indépendance saharienne ont perdu. Le conflit est pendant.

Ce n’est pas le cas d’Israël qui n’a pas été créé par expédition coloniale mais par décisions des Nations-Unies légitimant la présence hébraïque et les textes antérieurs sur les autonomies ottomanes et britanniques.

C’est donc par pragmatisme et non par nature que le dossier de la souveraineté marocaine sur le Sahara ex-espagnol et celui de l’existence de l’Etat d’Israël ont été réunis à l’occasion diplomatiques des accords tripartites. Ils ne sauraient constituer des analogies de Droit. Il est important de le signaler, tant les dérives juridiques sont dressées contre Israël.

« In fine », les développements diplomatiques de ces accords sont positifs, rapides, bénéfiques pour Israël comme pour le Maroc. Jerusalem présente une fois de plus son courage diplomatique et sa bravoure effective. Rabat montre l’exemple d’une diplomatie ouverte et publique. Nul doute que le récent réchauffement diplomatique entre Le Caire et Jérusalem en soit l’un des effets. Tout ceci est l’œuvre du président américain Donald Trump, du premier ministre israélien Binyamin Netanyahu et du roi du Maroc.

Pierre Saba

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