Michèle Chabelski. Chroniques. 8/1 et 9/1

Bon

Vendredi

Chabbat

Chabes

Résumé des épisodes précédents

Michele a fêté en grandes pompes le cinquantième anniversaire de Paul.

Il pensait partager cette soirée en amoureux avec sa maîtresse, raté.

Il s’est retrouvé au milieu d’une joyeuse troupe d’invités largement irrigués qui lui adressait des vœux bruyants et des félicitations pour sa réconciliation conjugale

Prenant le train en marche, il manifesta sa grande joie d’apercevoir tant de visages aimés , partagea la liesse de ses amis et de sa famille immortalisée par des clichés, avant d’aller honorer sa concubine puis de rentrer proposer un troisième enfant à son épouse..

De la logique et du rationnel..

La suite

Cette offre de troisième enfant exhalait les relents de frustration de belle maman.

Il était bien étrange que dans le tango qu’il dansait dans sa vie conjugale se glissât un couffin braillard..

C’était d’autant plus fou que rien – je dis bien rien – ne garantissait l’arrivée d’un petit mâle..

Il me sembla donc futé de penser que cet hypothétique bébé ajoutait une épaisseur sécurisante au bouclier qu’il dressait devant les pressions de sa copine à qui il avait inconsidérément promis le mariage pour services rendus en terre libidineuse..

Un câlin un peu chaud, un sourire enjôleur, une promesse est vite arrivée..

Trop vite parfois..

Heureusement que j’étais là..

Ma – femme – refuse – de – divorcer est une antienne[1] planétairement reconnue pour sa vertu d’imprédictible ajournement..

Elle veut pas, elle veut pas.

Remplacé quelquefois par ma femme est très malade, je ne peux pas la quitter elle va bientôt mourir..

Il existe néanmoins des maîtresses que cette tragique affirmation ne désarme pas..

Il arrive aussi qu’une impitoyable corde s’enroule autour du cou du mari volage, redevenu souvent époux infidèle.

Mais la philosophie de l’adultère n’est pas l’objectif premier de cette longue confidence..

Au petit matin, saturée de mensonges et de cruelles manigances, malgré une incompressible fidélité à la parole donnée, je regardai la pendule et décidai qu’il était l’heure..

L’heure de se sentir exister..

L’heure de se sentir aimée.

L’heure de faire émerger du néant conjugal une peau douce et avide…

L’heure de faire battre un cœur écrasé d’indifférence …

L’heure de réparer une jeunesse broyée..

L’heure de libérer les papillons séquestrés..

Allo!!!

C’est moi..

Un c’est moi qui pèsera lourd dans la balance à l’heure des choix.,

Jacques n’hésitera pas très longtemps..

Seule la distance justifiera le temps passé entre l’appel et son arrivée..

Un temps arachnéen[2], allégé des pesanteurs endurées dents serrées et mâchoire endolorie, délivré des vœux d’une couventine aveugle, libéré des mortifications d’une mère malmenée, égarée dans le dédale de ses promesses et de ses outrages, un temps de lumière verte, un temps d’amour..

Il enfourcha son vif destrier qu’il éperonna d’un talon impatient, pour venir déclarer à sa belle la pérennité de son indéfectible amour..

La belle tutoya les étoiles ..

Puis s’abîma en repentirs incantatoires, battant sa coulpe dans un déchirement qui lui griffait la peau..

Puis re tutoya les étoiles , après avoir décodé le secret qui scellait les portes du Paradis..

Puis se frappa du buisson d’épines de la culpabilité, s’accusant de pratiquer les mêmes turpitudes que le couple adultère honni..

En fait de couple adultère, je n’eus de leçons à recevoir de personne..

Car contrairement à la fois précédente où la séparation autorisait une liaison libérée des artifices et des arguments apocryphes, la déloyauté présente, cultivée sur une terre prétendument conjugale, requérait une stratégie fine essentiellement constituée de mensonges éhontés..

Car je me considérais toujours en territoire matrimonial..

Tout en suppliant Paul de m’accorder un divorce légitime eu égard aux embardées des époux conduisant sous l’emprise de la passion sur une route accidentée..

Je demandais une collaboration de scission administrative propre à épargner les enfants, un divorce consenti, une séparation lavée des miasmes de la jalousie et de la rancœur..

Il refusait..

Je ne veux pas divorcer..

La liaison que j’entretenais avec Jacques, pour clandestine qu’elle fût, m’accordait une forme de sérénité que j’offrais à ma prière devenue quasi quotidienne.

J’avais enfin arraché de mon cœur l’écharde de l’espérance d’une vraie réconciliation, il était manifestement envoûté et je n’avais jamais trouvé le moyen d’exorciser le sortilège..

Ni les enfants ni moi ne portions la puissance d’un rejet de la blonde personne qui avait abandonné ses enfants, prestement récupérés par un Paul Cohen ravi du cadeau qu’un Père Noël inattendu avait déposé au pied du lit luxurieux du couple maudit..

A ma gauche, une débauchée qui lui entrouvrait les portes d’un stupre extatique et deux garçons qu’il offrirait à sa mère en ex-voto filial reconnaissant..

De l’autre, une épouse incapable de cacher les stigmates d’une lutte de dix années pour arracher une petite fille au destin, mais collaboratrice productive dans les dîners professionnels ou les réunions polyglottes où son anglais soutenait l’impéritie linguistique d’un mari qui écrivait l’arabe comme personne..

Il aurait pu engager une interprète, mais elle n’aurait peut-être pas élevé les enfants, mijoté des tajines aux pruneaux et diverti une tablée d’austères hommes d’affaires..

Infidèle? Il était waterproof aux racontars, et une mère juive est génétiquement programmée pour être prioritairement une mère, secondairement une juive, et troisièmement pas très érotiquement aguichante..

Ce que ne corroborait pas l’amour partagé avec Jacques sur le nuage dérivant d’une irrésistible passion..

Les papillons bramaient continument, la peau devenue exigeante réclamait régulièrement son dû, et un jour où Paul me refusait encore le divorce, j’appelai Jacques dans un dérapage incontrôlé, exigeant qu’il décline son identité en précisant qu’il était mon amant..

Ce qu’il fit.

Paul reposa le combiné et repartit tranquillement pour le bureau ..

Papa guettait la chute, la peur au ventre..

Les vacances approchaient et il faudrait bientôt..

Ben demain c’est samedi, non?

On aura plein de temps pour se retrouver, non ?

D’autant que… l’autopsie.. enfin je me comprends..

Mais non , je ne vais pas déflorer une histoire qui.,

Enfin, vous verrez bien, si vous revenez..

Alors on dit…

Demain?

Même heure?

Même endroit ?

Que cette journée vous offre la force de continuer à ramper dans ce tunnel creusé par un virus dont on ignorait le pouvoir délétère ..

Ça continue.,

Chabbat Chalom

Git chabes

Je vous embrasse


[1] Chose que l’on répète, que l’on ressasse.

[2] Qui a la légèreté de la toile d’araignée.


Bon

Samedi

Résumé des épisodes précédents

Michele a célébré en grandes pompes l’anniversaire de son mari, croyant aux vertus de cet hommage pour le reconquérir..

C’est raté..

Il entretient sans coup férir sa liaison adultère tout en refusant à sa femme un divorce qui le précipiterait dans un second mariage inopinément promis.

Michèle a renoué avec Jacques, avouant la liaison pour obtenir la séparation espérée..

C’est raté.

Les Cohen cohabitent dans un désamour compact qui griffe les enfants témoins de la guérilla conjugale..

La suite

Une vie d’apparences et de mensonges rythme notre temps .

Des apparences de plus en plus fines…

Des mensonges de plus en plus lourds..

Nous partageons des diners d’affaires, où une main posée sur mon épaule, Paul affirme sans rire ma femme est le moteur de ma vie..

Un moteur qui s’essouffle, ahane, peine, dans des râles annonciateurs de panne grave.

Mais un moteur qui repart parfois, pétarade, grésille, crépite un instant, puis crachote avant de pleurer sa pénurie de carburant..

Un moteur sans amour est une machine en panne, un dispositif à l’arrêt, auquel il suffirait parfois d’un plein de super pour redémarrer..

Mais le pompiste est comme la plus belle fille du monde: il ne peut donner que ce qu’il a ..

C’est-à-dire rien.

Ou plutôt si : un large confort, une aisance financière précieuse, qui allège le quotidien des pesanteurs matérielles..

C’est beaucoup, certes..

Mais même l’insouciance pécuniaire finit par parasiter la soif d’amour et de reconnaissance ..

Se faire piétiner pendant des années donne des bleus au corps et à l’âme..

Je suis dépourvue de cette légèreté cynique qui consiste à jouer avec deux pioches.

L’une pour l’argent

L’autre pour l’amour

D’autant que ces cachoteries incessantes râpent un peu la patience de Jacques qui aimerait bien partager des heures nocturnes, des week-ends, des voyages, en plus de ces morceaux de temps grapillés dans un univers dédié aux enfants et à la façade sociale à laquelle je suis la dernière à croire..

A faire semblant de croire, bien sûr..

Et au fond, tout au fond, ensevelie dans l’éboulis des illusions englouties, crachote encore dans un ultime râle la lueur verdâtre qui n’arrive pas à mourir..

Jacques ne parvient pas à me désintoxiquer complètement.

Une lutte aussi commune qu’acharnée m’a soudée au père de mes enfants dans une aléatoire course à la maternité, mais j’ai occulté cette part d’ombre faisant désormais horreur à Paul qui l’oublie dans les bras de sa maîtresse..

Nous avons mené une guerre qui n’était pas si commune que ça et qui s’est soldée par une éclatante consécration pour moi et une coûteuse victoire pour lui.

Et cette vénale débauchée s’est infiltrée dans les rais d’un conjugo balafré , portant le conflit sur le théâtre de la concupiscence et des egos inscrits sur l’oriflamme des bataillons en présence..

Je ne rêve plus que de paix.

Dans une bouffée d’autonomie brutale, j’ai repris mon nom de jeune fille et effacé de mes papiers mon nom d’épouse.

Je suis si peu épouse que ce nom me paraît désormais usurpé..

Les employés de mairie ignorent cette loi qu’ils mettront un certain temps à débusquer..

Corollaire négatif: je ne porte plus le même nom que mes enfants..

Ce qui me vaudra une triste mésaventure.

Lena, qui se plaint de violents maux de tête est hospitalisée d’urgence..

Un jeune médecin vient l’examiner, regarde le dossier, et m’interdit l’entrée de la salle d’examen d’où j’entends au bout de quelques minutes un sonore:

Maman!!!!!!

Maman!!!!!!

Je me précipite à l’intérieur où je trouve Lena en pleurs.

J’apprends de la bouche de l’interne qu’il souhaitait simplement savoir si elle n’avait pas subi de sévices provoquant la céphalée qui l’avait conduite à l’hôpital.

La marâtre aurait pu…vous comprenez…

La marâtre, c’est moi, puisque je ne porte plus le même nom que ma fille.

On diagnostiquera une intolérance au glutamate, et la marâtre repartira avec sa fille qui a appris un nouveau mot qu’elle fera partager à ses copines d’école dès le lendemain dans un scénario de drame ..

Arrivent les vacances..

Paul sera très occupé en juillet que je passerai seule au Club Med de Vittel avec les enfants.

Je partage cette parenthèse avec des amis dont les fils sont en classe avec mes filles, j’y retrouve des copains, des copines..

Les journées passent vite entre vélo, sport et babillages au bord de la piscine où s’ébroue une meute d’enfants heureux..

Verdure et montagne, balades dans un parc émeraude en observant les joueurs de tennis et les joggeurs, retrouvailles bruyantes avec les golfeurs qui pleurent un trou raté ou une balle égarée..

J’ai épousé mon vélo dans une union fusionnelle, les enfants partagent une forme d’indépendance inhabituelle dans cette citadelle plantée près du village, ils n’ont d’obligation qu’à l’heure des repas qu’ils prennent ensemble comme dans une cantine ou aucun d’eux n’accepterait de mettre les pieds..

On aime leurs rires, leurs cris, leur joie de vivre.

Votre mari n’est pas là ?

Il travaille..

Ah bon..

Plusieurs années dans cette parenthèse herbue m’ont familiarisée avec les gentils organisateurs et les gentils membres qui investissent fidèlement les lieux, je connais presque tout le monde, la vie est très gaie, l’absence de Paul ne me pèse pas, je ne suis pas ici le pauvre chiffon que tout le monde plaint..

Retour vers Paris, on entend des cris, Paul est venu nous chercher et hurle parce qu’on exige qu’il laisse son véhicule au parking..

Les estivants, railleurs, le regardent vociférer..

On n’interdit rien à un tycoon prospère..

L’accès devant l’hôtel est prohibé pour les voitures privées ..

Interdit

Prohibé

Cohen

Sont des mots qui n’vont pas bien ensemble.

Il aura néanmoins gain de cause après d’âpres négociations que nous suivons, muettes, les filles et moi..

Melissa est triste, sa sœur la console, le retour sera morne et silencieux ..

Puis août arrive, que Paul partagera avec nous en Italie, Jacques me manque, les papillons grondent leur frustration dans une disette affective urticante, des amis nous ont rejoints, invités par Paul que terrorise un tête-à-tête avec son épouse, loin de sa blonde et des tapis verts de la Riviera..

Il nous quittera plusieurs jours pour affaire urgente, un copain calmera mes inquiétudes en m’expliquant qu’il a passé la soirée avec lui à Monte-Carlo.

Je suis rassurée sur l’aspect urgentissime et gravissime de l’affaire qui le rappelait en France..

Nous rentrons, il est déjà reparti,

j’ouvre le courrier amoncelé sur le bureau..

Une enveloppe attire mon attention.

Je la déchire..

L’enveloppe déchirée, blanche et banale, ouvrira un cratère sous mes pieds, comme une mitraille lâchée d’une kalache en furie.

Et je lis…

Bon.

Je ne vais certainement pas abuser de votre temps ce matin..

Demain dimanche nous aurons le temps d’en parler plus longuement, si vous le voulez bien.

Alors on dit:

Demain ?

Même heure ?

Même endroit ?

Que cette journée signe un réchauffement climatique espéré, la planète est bien froide en ce moment, mes enfants prétendent que c’est une irrecevable demande..

Question de génération sans doute..

Je vous embrasse

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