Charles Rojzman. Crise démocratique : l’urgente thérapie sociale et sociétale

Le débat démocratique est devenu presque impossible. Le pays est fragmenté. Il n’existe pas de débats féroces mais honnêtes qui permettraient d’éclairer la complexité du temps. Il va falloir recréer une unité en favorisant la rencontre et la confrontation entre tous les habitants d’un pays déchiré, qui n’ont pas encore choisi l’extrémisme.

Face à ce nouveau danger totalitaire que représente l’islamisme et ses tentatives de créer une nation dans la nation ou même de remplacer la nation, il n’est plus temps d’être doux, pacifique et tolérant. Pourtant, il ne faut pas oublier que la majorité de nos concitoyens de confession musulmane n’a pas encore basculé dans la radicalisation et l’extrémisme, même si la tentation existe chez un grand nombre d’entre eux d’une conception de la vie en société plus communautaire que républicaine, même si le risque de partition est de plus en plus présent.

On doit comprendre cette attirance pour un mouvement totalitaire, pour une utopie qui, dans une époque chaotique, donne la possibilité de savoir ce qui est bien et ce qui est mal, qui est ami et qui est ennemi, une utopie qui permet de redevenir un enfant qui ne risque de se perdre et de se tromper parce qu’il est guidé et dirigé par l’adulte qui sait à sa place.

Face à cette nouvelle menace totalitaire, nos démocraties sont faibles et malades. Une partie de nos élites pratique le déni ou la collaboration. Les gouvernements, ballottés par la crise multiforme, dont la pandémie est un symptôme, sont eux aussi tentés par des réponses à caractère totalitaire. Notre démocratie ne représente plus un modèle suffisamment attractif. La devise républicaine de liberté, égalité, fraternité est trop souvent bafouée par la réalité d’un monde de plus en globalisé et d’une vie collective de plus en plus soumise à la marchandise et au profit sans loi. Les démocraties n’ont plus de démocratique que le mot et les formes : le débat démocratique est devenu quasiment impossible entre des idéologies qui se diabolisent réciproquement. Le pays est déchiré, divisé, fragmenté et il n’existe pas de débats féroces mais honnêtes qui permettraient d’éclairer la complexité du temps.

Les réponses à tous ces dangers prévisibles sont évidentes, même si elles sont difficiles à mettre en pratique : combattre fermement, concrètement, opiniâtrement toute tentation totalitaire et renforcer la vie démocratique dans un cadre national qui la rende possible. Recréer une unité en favorisant la rencontre et la confrontation entre tous les habitants d’un pays déchiré, qui n’ont pas encore choisi l’extrémisme.

“Si les élites ne font que se parler à elles-mêmes, une des raisons en est qu’il n’existe pas d’institutions qui promeuvent une conversation générale, transcendant les frontières des classes. La vie civique demande des cadres dans lesquels les gens se rencontrent en égaux, sans égard à leurs origines raciales, sociales ou nationales. Du fait du déclin des institutions civiques, depuis les partis jusqu’aux parcs publics et aux lieux de réunion informels, la conversation est presque devenue aussi spécialisée que la production du savoir. Les classes sociales se parlant à elles-mêmes, dans un dialecte qui est propre à chacune, et inaccessible à ceux qui n’en font pas partie. ” Christopher Lasch.

C’est cette conversation que la Thérapie sociale que j’ai inventée il y a maintenant trente ans et qui a été pratiquée un peu partout dans le monde, tente de ressusciter, en faisant se rencontrer les milieux les plus divers et parfois même des adversaires et des ennemis qui ont cependant besoin de résoudre ensemble des problèmes complexes. Ces rencontres pour être efficaces et ne pas se résumer à de simples confrontations violentes, nécessitent un processus particulier qui crée les conditions d’un vrai dialogue, même parfois conflictuel si c’est nécessaire.

Il y a urgence. La voix démocratique se fait de moins en moins entendre ou alors elle devient tonitruante et manichéenne, ressuscitant le vieux tribalisme humain au travers d’idéologies imperméables les unes aux autres. Pendant le temps de cette pandémie et des restrictions qui l’accompagnent, il serait alors possible d’organiser une grande partie de ces dialogues en ligne et au moyen d’une application digitale que nous mettons au point et qui permettrait la protection de l’expression individuelle, dégagée des pressions communautaires. Les ressources de la technologie pourraient-elles ainsi, et peut-être aussi en partie à l’avenir, contribuer à la libération de toutes les paroles et à la construction d’une intelligence réellement collective ?

Source: Front Populaire. 29 décembre 2020

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