Charles Meyer. Dévoiler le voile

Petit message à tous ceux qui font mine de se scandaliser de l’attitude des députés qui ont quitté cette séance de commission d’enquête : vous pouvez être fiers, vous travaillez contre nos libertés, en dévoyant l’essence même de nos droits fondamentaux. Que le principe de laïcité soit convoqué à tort ne doit certainement pas vous servir à occulter lâchement le problème principal. La liberté d’avoir des convictions et des croyances est reconnue en tant que liberté fondamentale absolue.

Penser, croire, prier, relève d’un noyau de liberté inexpugnable.

Aux côtés de cette liberté fondamentale absolue, le droit consacre une liberté distincte et complémentaire, qui est celle de manifester ses convictions ou ses croyances. Cette seconde liberté est dite relative, en ce sens qu’elle est susceptible de faire l’objet de limitations. Au sens du droit européen, un Etat peut restreindre l’exercice de cette liberté garantie par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme sous trois conditions, qui doivent être cumulativement réunies : l’ingérence dans cette liberté doit tout d’abord être prévue par la loi.

Elle doit ensuite poursuivre un but légitime et être enfin nécessaire dans une société démocratique. Il peut par exemple s’agir d’équilibrer les droits et libertés entre eux, dès lors que l’usage du droit de manifester sa conscience est susceptible de porter une atteinte disproportionnée à un autre droit fondamental. Tel est par exemple le cas du droit de propriété qui protège l’image de l’entreprise, garantie par le premier protocole additionnel de la CESDH. Il en va de même de la vie privée.

C’est cette liberté de manifester sa conscience qui permet à Mayriam Pougetou de porter un hijab dans l’espace public, de déposer à l’Assemblée nationale en hijab et même, de porter cet étendard de l’islam politique dans la plupart des circonstances de sa vie personnelle ou publique.

L’indignation – parfois médiocrement surjouée – de ceux qui ont réagi au départ de quelques députés d’une séance de commission parlementaire est très révélatrice du dévoiement intellectuel des libertés.

Ces députés n’ont à aucun moment demandé à Maryam Pougetoux de renoncer à son droit et d’enlever son voile, pas plus qu’ils ont tenté d’entraver l’exercice de sa liberté. Ils ont juste manifesté la leur, en marquant leur réprobation par leur départ. En d’autres termes, ils ont eux aussi exercé le droit fondamental de manifester leur opinion et leur conscience, en réprouvant publiquement un dogme soutenu tout aussi publiquement par cette jeune femme. Il est donc pour le moins inquiétant que des commentateurs, journalistes, politiques et intellectuels s’émeuvent de l’exercice du même droit qui est unanimement reconnu à Maryam Pougetoux.

A les suivre, il existerait désormais des consciences et des croyances qui mériteraient d’être mieux protégés que d’autres. Ce qui traduit une dérive préoccupante mais que nos concitoyens connaissent bien et subissent depuis longtemps sur le terrain: en filigrane, se dessine une liberté à deux vitesses. Une liberté- tartuffe qui déciderait du bon ou du mal.

On ne peut pas empêcher ces gens de tomber dans cette surenchère de lâchetés. Ce qui est en revanche regrettable, c’est qu’ils le fassent en invoquant le droit et en déformant à leur guise la Loi commune qu’ils façonnent en creu de leur lâcheté, sans même que les islamistes ne le leur demandent. Peu importe si la laïcité dans cette affaire a été invoquée à tort. La liberté l’a été aussi. Car exercer sa liberté de manifester un dogme, ce n’est en aucun cas brimer celle de ceux qui le réprouvent. De quoi parlons-nous en l’espèce ? D’un attribut qui n’est pas neutre et de sa signification. Celle d’être un des éléments d’une panoplie qui n’est pas au service de celle qui le porte. Nous ne parlons pas de Mayriam Pougetou, ni à vrai dire de son hijab, mais de ce que signigie la banalisation du hijab. Ce qui change radicalement la perpective, car parler de banalisation, c’est évoquer la société dans son ensemble et un phénomène collectif, de masse. La question n’est donc pas de s’interroger à l’occasion de chaque polémique sur le point de savoir si une femme portant le hijab est un ange ou un démon. Ces débats lunaires ne mènent qu’à déshumaniser, là où il faut combattre une idéologie qui nous piège par le jeu de notre propre individualisme. Là où le plus important est de se demander, en conscience et même si cela peut crisper, si lorsque le voile devient la norme, nous accepterions le reste de la panoplie.

La question est de déterminer, en conscience, dans quelle société où la majeure partie des femmes se voilent, il n’existerait pas de manière anormalement prégnante, une homophobie délirante, un antisémitisme au grand jour, une inégalité entre les hommes et les femmes, une haine mortelle de l’apostasie.
Ce n’est certainement du côté de la liberté de Maryam Pougetoux ou de son identité que se trouvent les réponses. Laissons les individualités en paix. Répondre à cette question, c’est dévoiler le voile. C’est faite preuve de liberté.

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