Des militants, des Résistants se réunissent pour débattre. Ecoutons-les. Par Sarah Cattan

Alors qu’on nous rabat les oreilles avec les propos d’un Yann Moix, l’héritage de notre rockeur national et que ça part dans tous les sens pour mal nous parler de ces muets qui ont retrouvé la parole, rien, pas un mot sur des événements d’importance qui se déroulent parallèlement. J’emploie volontairement le terme événement concernant ces temps forts qui réunissent un jour de congé des citoyens mus par la volonté d’interroger des notions telles L’Universel. Lorsqu’il est en danger.

Vous n’étiez pas là ? Alors voilà ce qui samedi s’est passé et s’est dit.

Le 9 janvier, Roger Hillel, dont le blog est abrité chez les rigolos de Mediapart, crut devoir revenir sur l’Appel des 113, Tribune publiée[1] dans Marianne et qualifiée par le sieur de pétition piégée. Nul ne saisit où tentait d’arriver le raisonnement du sieur, sinon de dénoncer les signataires de la dite Tribune comme focalisés sur les dérives intégristes de l’islamisme politique qui affaibliraient la société française, obsédés que tous nous étions donc par notre vindicte anti islam et/ou notre phantasme complotiste.

3 jours plus tard, le 12 janvier précisément, de 11h30 à 20 heures, se tenait à la Bourse du Travail de Saint-Denis, un colloque pour défendre… encore et encore la laïcité.

De nombreuses personnalités, toutes mues par le désir de défendre notre modèle social républicain en danger, devaient intervenir, offrant une nouvelle Tribune au débat public et permettant à leurs idées de circuler. Hors blog. 

De circuler. Se faire entendre. Au moment-même où l’islam sunnite contemporain donnait des coups de boutoir partout dans le monde pour s’imposer, et où notre Président cherchait à modifier la loi de 1905.

L’Observatoire de la Laïcité de Saint Denis proposa donc de débattre sur L’Universalisme : Comment l’Universel s’était-il vu peu à peu dépossédé de ses vertus sous prétexte qu’il aurait été l’apanage de l’Occident.

Tous nous savons que l’écart entre les Lumières et les anti-Lumières ne cesse de se creuser et qu’à l’échelle nationale et internationale une surenchère des clivages ethniques et religieux ne cesse de profiter aux discours communautaristes, racistes, antisémites, identitaires, xénophobes qui ont principalement en commun d’avoir élu comme cible principale ce que nous avons de commun : la République et son idéal d’universalisme.

Flore Zebir résume fort justement la problématique : pour contrer les discours racistes, antisémites, identitaires, xénophobes, fondamentalistes, il faut comprendre comment ce consensus universaliste a été mis à mal et déconstruit. Comment l’Universel s’est-il vu dépossédé de ses vertus sous prétexte qu’il serait l’apanage de l’Occident ?

Après les mots d’ouverture d’André Gomar, président de l’Observatoire de la Laïcité de Saint-Denis et de Sémira Tlili, présidente de #Reseau1905, devaient se tenir deux rencontres animées par l’essayiste Djemila Benhabib, auteur de Ma vie à contre Coran et des Soldats d’Allah à l’assaut de l’Occident, Prix de la Laïcité 2012, venue du Québec pour l’occasion.

De l’universalisme à l’universalité des droits fondamentaux, quels défis ?

L’universalisme en action : comment agir dans son environnement ?

Tels furent les problématiques des deux tables rondes auxquelles participèrent, entre autres, Yves Mamou, journaliste au Monde et auteur du Grand abandon, les élites françaises et l’islamisme, Jérôme Maucourant, économiste et essayiste et Samuel Mayol, directeur de l’IUT de Saint-Denis.

Djemila Benhabib, marraine de l’Observatoire, exprima sa gratitude à chacun et notamment au #Réseau1905 qui co-organisait l’événement. Ecoutez-là interviewée sur Sud Radio, lorsqu’elle décrit l’Universalisme comme le projet que l’on partageait tous ensemble, d’où qu’on vînt et quelles que fussent nos origines. L’Universalisme comme ce qui mettait donc l’accent sur ce qu’on voulait devenir et non sur ce qu’on était à la naissance.

Zineb El Rhazoui, journaliste menacée de mort pour avoir déclaré que l’islam devait se soumette à la critique, à l’humour, aux lois de la République, au droit français, fut l’invitée surprise de l’événement. Elle évoqua d’abord le nom de Charb. Pour elle, les combattants pour la laïcité étaient des résistants, tant les coups venant de partout tentaient d’attaquer le pacte républicain. Après qu’elle eût évoqué cette camelote indigéniste décoloniale racisée qu’elle qualifia de poison anti-universaliste, elle affirma que la réforme de la loi de 1905 était en train de se profiler de façon inexorable. Expliquant ce qu’elle ressentit, au matin des commémorations, en apprenant qu’au moment même où elle déposait une gerbe de fleurs au pied des anciens locaux de la rédaction de Charlie , notre Président recevait les représentants du Conseil français du culte musulman, elle refusa d’y voir un hasard du calendrier : Ce jour-là, je me suis sentie comme une Gilet jaune s’il y a une section ès laïcité. J’ai peut-être un peu compris ce que certains Français veulent dire lorsqu’ils évoquent le mépris du président de la République.

Quelques phrases pêle-mêle furent relevées par nombre d’entre nous :

J’ai pu m’affranchir du communautarisme grâce à la francophonie, à la France des Lumières, à la laïcité, dit la gynécologue-obstétricienne franco-libanaise Ghada Hatem-Gantzer, invitée d’honneur de l’événement, fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis, Prix Simone Veil 2018.

Défendre l’universel c’est défendre le respect de chaque être humain et non de sa communauté, rappela le Président du Comité Laïcité République, Jean-Pierre Sakoun.

Guylain Chevrier, Docteur en histoire, membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration, alerta sur cette grave dérive qui faisait que sous l’influence anglo-saxonne, le droit à la différence avait abouti à la différence des droits.

Le féminisme relativiste est un contre-féminisme qui freine l’émancipation de toutes les femmes, fut-il rappelé.

Khaled Slougui, lui, intervint pour rappeler qu’on ne badinait avec la laïcité. L’auteur d’Eloge de la déradicalisation, une approche politique confronta radicalisation, laïcité et universalisme de ses principes.

Il appuya là où ça faisait mal : la guerre d’usure menée contre la laïcité par les islamistes et les bigots de tout poil qui les soutenaient. Rappela combien aujourd’hui, plus que jamais par le passé, la laïcité était partout menacée par des intégrismes, des intolérances, des replis identitaires, sur fond de communautarisme, et dénonça cet Etat qui faisait fausse route en stimulant le communautarisme : n’était-ce pas là une démarche contraire à l’esprit de la révolution française dont le but était d’émanciper l’individu du groupe.

Il expliqua que quel que soit l’angle sous lequel on analysât un processus de radicalisation, le discours sous-jacent était toujours lié peu ou prou à la défiance de la laïcité et conclut que c’était donc ce qui rendait indispensable une éducation à la laïcité : n’était-ce pas l’axe majeur de la prévention de la radicalisation…

Il proposa des pistes pour œuvrer à la déradicalisation : Semer le doute. Déconstruire le discours islamiste relayé par des jeunes anesthésiés et quasiment sous tutelle. Construire une critique du discours sur le discours, celui des bien pensants de tous bords.

Il rappela que la laïcité n’était pas synonyme de reniement de quelque culture que ce fût, et que c’était en cela que résidait son souci de l’Universel. Il redit que l’Universalisme consacrait l’idée que la laïcité traversait toutes les frontières et que se réfugier dans le communautarisme revenait à nier la concorde laïque comme facteur d’union des hommes par ce qui les émancipait de leurs particularismes.

Il conclut magistralement que tout cela signifiait que si l’islam était vérité pour ceux qui y croyaient, il était une autre vérité qui le surplombait : elle se nommait la République.

Vous aurez compris que le choix de la ville de Saint-Denis ne devait rien au hasard : le salafisme et nos lâchetés successives en ont fait depuis longtemps déjà un Territoire perdu : allez vous y promener et vous comprendrez vite la grosse arnaque parisienne qui essaie encore de vous vendre cette ville comme la ville du vivre-ensemble : vivre ensemble, oui, mais en musulmanie.

Les tables rondes de L’Universalisme en questions qui s’y tinrent réunirent donc ce jour-là quelques-unes des plus belles voix résistantes. Elles dénoncèrent à l’unisson ceux qui s’agenouillaient devant tant de concessions et encore ceux qui persistaient dans un déni ignoble, les appelant à se ressaisir. A se redresser.

Sarah Cattan 

[1] 1er janvier 2019.

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