Les Haredim : fardeau ou pilier invisible ? Par David Germon

Enquête sur une réalité bien plus complexe qu’on ne le dit

Dans le débat public israélien, les Haredim sont souvent décrits à travers un prisme binaire :
« Ils ne travaillent pas »,
« Ils refusent l’armée »,
« Ils vivent aux dépens de l’État ».

Ces affirmations frappent fort.
Elles frappent surtout à côté.

Dès qu’on examine les données économiques, sociales et sécuritaires, on découvre une réalité bien plus nuancée — et un enjeu national d’une ampleur rarement discutée avec honnêteté.


🟦 1. Emploi : une société plus active qu’on ne le croit

Les chiffres officiels contredisent le cliché du “Haredi qui ne travaille pas”.

Selon le CBS et des analyses socio-économiques récentes :

  • 54 % des hommes haredim travaillent,
  • plus de 80 % des femmes harediot sont actives, un taux comparable aux pays de l’OCDE.

Derrière la caricature d’une société fermée, on trouve une mosaïque de professions :
développeurs, comptables, enseignants, agents immobiliers, infirmières, entrepreneurs, avocats, graphistes.

Les défis restent réels — salaires plus bas, productivité masculine limitée — mais la tendance est claire: l’intégration professionnelle progresse.


🟦 2. Contribution fiscale : un angle mort du débat

Même les familles modestes contribuent massivement via :

  • TVA 18 %, première source de revenus de l’État,
  • arnona,
  • taxes automobiles,
  • taxes immobilières,
  • impôts indirects.

Les familles nombreuses haredies — très consommatrices — alimentent de fait une part significative des recettes nationales, même lorsque leur revenu imposable est faible.


🟦 3. Aides de l’État : bien moins que ce que l’on imagine

✔️ Allocations familiales

Montants identiques pour tous les citoyens israéliens, sans distinction de secteur.
Une famille nombreuse touche environ 1 150 ₪ par mois.

✔️ Subventions de garderie

Uniquement pour les couples où les deux parents travaillent ou étudient dans un cadre reconnu.

✔️ Bourses de kollel

La part étatique directe tourne autour de 750 ₪ par étudiant, le reste provenant de dons privés.

La réalité est donc éloignée du narratif selon lequel “l’État finance massivement les Haredim”.


🟦 4. Éducation et culture : un coût renversé

Les données du Taub Center révèlent un fait peu discuté :

  • Le coût par élève est plus élevé dans le système étatique et étatique religieux que dans le réseau haredi reconnu mais non officiel.

Le public haredi profite également très peu des budgets universitaires et culturels, alors même qu’il les finance via la TVA.

Ce paradoxe interroge :
👉 les Haredim financent aussi des secteurs qu’ils n’utilisent presque pas, du cinéma aux universités, en passant par les festivals, les infrastructures culturelles et même la Gay Pride.


🟦 5. Responsabilité du leadership : des critiques venues de l’intérieur

Une dimension rarement rapportée concerne les critiques internes exprimées par des responsables communautaires, éducateurs et acteurs sociaux du secteur haredi.

Selon eux :

  • Les dirigeants politiques et religieux entretiennent des “chaînes du cloisonnement communautaire”, empêchant les jeunes d’être pleinement partie prenante de la société.
  • Ils imposent un “embargo de soldats”, décourageant même ceux qui ne sont pas réellement en étude de Torah de s’enrôler.
  • Une voix interne résume la frustration :« Si les dirigeants disaient clairement : ceux qui n’étudient pas vraiment doivent s’enrôler, un compromis national serait possible. Mais cette volonté n’existe pas aujourd’hui. »

Ce débat interne, bien réel, est souvent invisible pour le grand public.


🟦 6. Sécurité nationale : la démographie change tout

La croissance du public haredi n’est pas perçue comme une menace par ces acteurs — au contraire :

« C’est une berakha. Mais une berakha qui oblige. »

À mesure qu’une part croissante de la jeunesse juive devient haredie, Israël ne peut plus se permettre que ce segment reste en marge de la défense nationale.

Les enjeux concernent :

  • la Judée-Samarie,
  • la frontière nord,
  • la frontière de Gaza,
  • les forces d’infanterie, de renseignement et de sécurité territoriale.

Ce n’est plus seulement une question “d’égalité”.
👉 C’est une question de survie sécuritaire.


🟦 7. Tsahal : une participation discrète mais réelle

Contrairement au mythe du “zéro engagement”, plusieurs cadres militaires existent pour accueillir des jeunes haredim :

  • Netzah Yehuda (נח״ל חרדי),
  • Hashmonaïm (יחידת החשמונאים),
  • Tomar (תומר),
  • Hetz (ח »ץ – חרדים ציונים).

Parallèlement, de plus en plus de Haredim servent dans :

  • le renseignement,
  • la cyberdéfense,
  • la logistique,
  • la sécurité territoriale.

Les critiques internes reconnaissent que l’armée n’est pas “parfaite” pour un public religieux strict :
pression sociale, défis halakhiques, manque de cadres adaptés.
Mais elles ajoutent :

« Personne n’a le luxe de dire : ce n’est pas confortable. Tout le monde paye un prix dans Tsahal. »


🟦 8. Un changement silencieux : l’émergence des “Haredim modernes”

Un grand sondage national mené entre février et mai 2024 révèle un phénomène majeur :

✔️ l’apparition d’un groupe de “Haredim modernes”, issus de tous les courants (lituaniens, hassidiques, sépharades).
✔️ Ils comprennent l’enjeu national du service.
✔️ Ils expriment un sentiment croissant de responsabilité citoyenne.
✔️ La guerre a créé un rapprochement inédit : aides volontaires aux soldats, assistance aux familles évacuées, solidarité civique.

L’équipe du sondage conclut :

« Le changement durable ne viendra pas seulement de la loi. Il nécessite un travail social, éducatif et culturel profond. »


🟦 Conclusion

Les Haredim ne sont pas un fardeau

Ils sont un acteur central de l’avenir d’Israël.

Les caricatures collapsent face aux faits :

  • Ils travaillent plus qu’on ne le croit.
  • Ils paient massivement les taxes que l’État collecte le plus.
  • Ils reçoivent moins d’aides que les mythes ne le prétendent.
  • Ils financent des services qu’ils n’utilisent presque pas.
  • Ils sont essentiels à la démographie juive.
  • Ils disposent déjà de cadres militaires dédiés.
  • Une partie d’entre eux veut contribuer davantage.
  • Et un changement interne, silencieux mais réel, est en marche.

La question n’est donc plus :
“Les Haredim sont-ils un fardeau ?”

Mais plutôt :
👉 Comment Israël peut-il construire un partenariat national durable avec un public qui deviendra bientôt un quart de la population juive ?

© David Germon 
Jerusalem

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