Les Apartés de Félie. Sens : Aristote qui mal y pense ?

Il y a ce souvenir, des images que je n’ai pas vécues et sont cependant inscrites dans ma mémoire.

Le bouquet de mariée de ma mère composée d’œillets et qu’elle a renvoyé furieuse.

Une mariée sans bouquet est rarissime, je ne me souviens plus des détails exacts de l’histoire, mais je vois sur les photos que le bouquet est composé de roses blanches.

Est-ce en raison de cette histoire que je déteste les œillets jusqu’à en avoir un réel malaise quand j’en reçois dans un bouquet ?

Peut-être. Mon inconscient bavarde beaucoup en ces heures troubles, troublées, troublantes.

Je voulais écrire sur la semaine politique, sur les crimes, sur la mort de Soulages et j’ai songé un instant, ” noir c’est noir, il n’y as plus d’espoir.”

Est-ce pour autant avoir de l’espoir que de parler du sexe des oeillets ?

Savez-vous pourquoi on n’offre pas ces derniers : parce qu’ils évoquent la tromperie et la passion aveugle, et ce n’est pas d’hier.

Au XIXème siècle, dit-on, c’est par un bouquet d’oeillets envoyé en guise de consolation que les comédiennes apprenaient qu’elles venaient de perdre leur rôle.

Pas très joyeux vu par ce prisme.

Aujourd’hui des roses rouges sans oeillets.

Mesdames, Messieurs qui me lisez, envoyez toujours des roses rouges afin de déclarer votre amour. Valeur sûre, aucun signe de dérapage. Les fleurs remplacent un temps, donnent l’illusion de la présence de l’autre. Mais, j’ai mal à l’autre.

C’est terrible le manque. Cela ne prévient pas. Cela ressemble à une poussée de fièvre ou une allergie. Cela vous prend, vous éprend, laisse ses marques. De cette bouffée, on sort hagard, quasi défait. Le manque. Le manque de l’autre, le manque du nécessaire. Peut-on manquer du contingent ? Peut-on manquer du futile ? Sans doute, mais est-ce le même manque ? Ne pourrions-nous pas imaginer une échelle de valeur du manque ? Comme pour le tenir à distance ? Il me manque pour mon petit déjeuner du café, je vais aller en acheter. C’est un raisonnement logique. Mais, perturbons cette logique. Il me manque du café, je suis comme perdue par le vide. Énervée sans nul doute. Poussons l’hypothèse plus loin encore. Il me manque du café et je n’ai plus d’argent pour en acheter ou je suis dans un lieu où il m’est impossible d’en trouver. Vais-je en devenir  folle ? Le manque va-t-il me mettre hors de moi ? Faire chavirer ma raison ? Ce n’est pas invraisemblable. Comme s’il n’y avait pas de substitut. Je perds pied parce que je n’ai plus de café, de cigarettes, de sucre, de ce qui m’est indispensable, de ce qui relève des addictions.
Suis-je dans le même état s’il me manque du sel, du pain ? Oui, sans doute, tout ce qui touche à l’alimentation quand nous ne l’avons plus à disposition s’apparente à privations.
Et si j’ai perdu mon stylo, mes lunettes, mon écharpe ?

On pourrait réfléchir à l’infini sur le manque, la souffrance engendrée par celui-ci.
Je voudrais pousser mon raisonnement jusqu’à l’absurde mais je manque de temps (ce fameux manque de temps, cette course en avant, ce besoin d’aller plus loin, plus vite, n’est-ce pas cela l’absurde par excellence ?).

Soyons imaginatifs, mais le manque crée le vide ou le vide crée le manque et il semble bien difficile à combler.

Les cinq sens d’Aristote reposent sur les faits qui s’enchaînent sur des causalités et cette théorie empirique est en totale opposition à Platon.

Si nous cheminions avec lui ?

Si le manque a une couleur c’est le noir de Soulages et cette phrase qui m’a toujours marquée : “Je ne représente pas, je présente. Je ne dépeins pas, je peins.”

Si le manque a une odeur c’est celle de l’aimé.

Si le manque a un goût c’est celui du Lapsang Souchong avec sa tranche de citron.

Si le manque a une ouïe c’est ton cri dans le silence de la chambre.

Si le manque a un toucher c’est la peau douce évidemment sortie du film de Truffaut.

Entrée dans l’automne définitivement actée avec ce changement d’heure.

Changement de cap. De péninsule ? Peut-être, à suivre.

Aujourd’hui, je me livre à vous. Je m’ouvre à de nouveaux horizons, aux changements qui se profilent et que j’accueille avec une sérénité qui était loin de m’être familière il y a encore quelques mois.

Dois-je dire merci au chagrin de l’irréversible ? A l’amour ? Je vous laisse y répondre à ma place.

Il vaut mieux “en rire de peur d’être obligée d’en pleurer.”

© Felicia-France Doumayrenc

Felicia-France Doumayrenc est autrice, critique littéraire, éditrice et peintre.

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