Stratégies et alliances LFI et islamisme : l’exemple de Bagnolet. Témoignage de Marie-Laure Brossier

Marie-Laure Brossier, élue à Bagnolet (Seine-Saint-Denis, 93) de 2014 à 2020, a été auditionnée en tant que témoin par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les liens entre mouvements politiques et islamisme. Un rapport de plus de 600 pages, publié le 18 décembre 2025, restitue les travaux de cette commission. Marie-Laure Brossier a diffusé ce témoignage sur son compte LinkedIn. Caroline Yadan, députée de la huitième circonscription, a permis l’intégration et la publication du témoignage de Marie-Laure Brossier dans ce rapport.

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Témoignage Marie-Laure Brossier. Élue en Seine-Saint-Denis (93) à Bagnolet de 2014 à 2020.

Bagnolet : une décennie de conquête par les mouvances islamo-décoloniales en lien avec les mouvements politiques.

En 2005, j’achète un appartement à Bagnolet. Après plus de dix ans passés dans le 20ᵉ arrondissement de Paris, je franchis le périphérique comme tant de familles en quête d’espace et d’un cadre de vie plus agréable. Je suis alors entrepreneuse dans le digital et dénuée d’ambition politique. Rien ne laissait présager que je m’engagerai un jour sur un parcours, aussi escarpé que violent, pour la défense de nos principes républicains.

À partir de 2010, mon quotidien bascule. Effarée par l’installation d’une école coranique illégale dans des locaux de la ville, je rejoins une association citoyenne. Puis, de 2014 à 2020, j’exerce un mandat de conseillère municipale (société civile jusqu’en 2018 puis au sein d’En Marche/Renaissance) au cours duquel j’engage deux procédures judiciaires – que je remporte. La première pour diffamation face à Youcef Brakni, activiste islamo-décolonial, la deuxième face à la ville de Bagnolet pour atteinte à la loi de 1905. Par ailleurs, je me suis employée à documenter et dénoncer les agissements de responsables politiques et d’activistes islamo-décoloniaux dont les actions, selon moi, contribuent à fragiliser nos principes républicains.

Toutes ces années m’ont permis d’observer de près les mécanismes de pouvoir, les stratégies et les alliances qui structurent le paysage politique local. Ce territoire, qui s’étend de l’est parisien à la Seine-Saint-Denis, constitue aujourd’hui un point névralgique de la France Insoumise et des mouvances islamo-décoloniales. Entre ces deux univers, il ne s’agit plus seulement d’une convergence ponctuelle : c’est une alliance, je dirais même un pacte, désormais assumé. La LFI y trouve, pense-t-elle, un moyen d’assurer sa pérennité politique ; les mouvances islamo-décoloniales y voient un levier puissant pour déployer leur agenda idéologique.

Note 1 – Dans le cadre de cette enquête, il m’a été demandé de mettre en lumière les liens entre mouvements politiques et organisations diffusant l’idéologie islamiste. J’ai volontairement élargi ce périmètre au champ « décolonial » lorsqu’il est politisé, car ces mouvances participent pleinement, selon moi, à la diffusion de l’idéologie islamiste. Elles en sont même des alliées stratégiques : elles offrent l’habillage politique nécessaire pour investir les partis, au nom de la lutte contre le racisme.

Note 2 – Tout ce qui est rapporté dans ce témoignage est documenté. Si je m’exprime ici en tant que témoin, chacun des faits évoqués peut être étayé par des éléments tangibles.

Préambule : un contexte historique, idéologique et économique propice

Pour comprendre comment se sont tissées, au fil du temps, les convergences entre la France insoumise et les mouvances islamo-décoloniales — particulièrement visibles à Bagnolet — il est indispensable de revenir sur quelques repères clés. Car ces alliances ne surgissent pas de nulle part : elles s’inscrivent dans un terreau historique, idéologique et économique qui a favorisé leur rapprochement et leur installation durable dans le paysage politique local.

La ceinture rouge, le PCF et Bagnolet face aux appétits grandissants des mouvances islamo-décoloniales et de la La France Insoumise

A bout de souffle et abîmés par une gestion municipale catastrophique, les communistes cèdent la ville de Bagnolet au PS lors des municipales de 2014. C’est la fin d’un règne ininterrompu de 82 années. La ceinture rouge se fragilise dans tout le département de la Seine-Saint-Denis et pour les islamo-décoloniaux qui œuvrent déjà sur le territoire mais à l’échelle associative militante, c’est le signal et le début de la charge pour la conquête des postes et des opportunités. 

A Bagnolet, ils profiteront des calculs électoraux du PS pour rentrer au sein de la majorité en 2020. Un premier pas décisif qu’ils comptent bien transformer en prise de guerre totale lors des prochaines municipales et grâce au profil très problématique d’Edouard Denouel. Haut fonctionnaire au Sénat la journée, il est le premier allié des mouvances islamo-décoloniales le reste du temps à Bagnolet. Adjoint au maire, il a officialisé sa candidature pour 2026 avec « Bagnolet Collectif » et il bénéficie du logo LFI qu’il a récupéré suite à l’éviction providentielle de Corbière. Il bénéficie également du logo Les Ecologistes dont il a expurgé, avec la complicité de Mme de Rugy, les profils qui ne lui étaient pas acquis. Les instances Les Écologistes resteront sourdes aux protestations des militants lésés.

Le Parti des Indigènes de la République, la matrice intellectuelle et idéologique des mouvances islamo-décoloniale

« La France a été un État colonial… La France reste un État colonial » En janvier 2005, l’Appel des Indigènes de la République était lancé et signé par de nombreux militants politiques et associatifs ainsi que des intellectuels. Fondé par Houria Bouteldja et Youssef Boussoumah, sans oublier Saïd Bouamama, cet appel dénonce également la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises de 2004, qui, pour les auteurs « fait partie d’une démarche colonialiste » rejoignant ainsi les revendications des frères musulmans.

Il est fondamental de bien comprendre le rôle et l’implication intellectuelle du PIR qui a infusé jusque dans les rangs des dirigeants LFI. Le 29 novembre 2021, lors de l’émission Paroles d’honneur, Houria Bouteldja dit : « Dans ce magma, il y a un butin de guerre qui s’appelle Mélenchon, qui a des défauts mais il revient quand même de loin … le laïcard de dingue ne dirait pas aujourd’hui les mêmes choses qu’il y a quinze ans ». C’est la mutation d’une gauche qui passe de la lutte des classes à la lutte des races.

Les fondateurs du PIR et leurs contributeurs ont élaboré le « logiciel décolonial» qui sert de référence encore aujourd’hui ; même après sa dissolution « révolutionnaire » de 2020. C’est le canal historique qui s’enrichit d’une nébuleuse de militants compatibles comme Françoise Vergès, Alain Gresh ou encore Michèle Sibony (UJFP).  Ils ont tous nourri une deuxième génération militante qui a intégré et digéré le discours du PIR et dans le même temps, ils s’en sont émancipé en épousant volontairement une stratégie de convergence au cœur du « système blanc colonial ». Le Comité Adama Traore en est l’exemple le plus lumineux avec son entrée au sein des sphères people, intellos et médiatiques parisiennes mais aussi syndicales, universitaires ou même les gilets jaunes.

La cause palestinienne : l’outil de convergence par excellence.

Les municipalités de la Seine-Saint-Denis rivalisent d’initiatives pour brandir leur soutien à la cause palestinienne. Discuter et apporter une opinion différente du narratif ambiant est un impensé. Tout est parfaitement rôdé et rabâché depuis des années, et à toutes occasions. La cause palestinienne est un liant immuable qui traverse et anime la vie politique locale. Les saillies anti-impérialistes, anti-capitalistes, anti-racistes et décoloniales inhérentes à la cause sont totalement compatibles avec le logiciel des mouvances de l’ultra gauche. Il n’y a donc aucune surprise à ce que La France Insoumise se soit emparée de la cause palestinienne pour en faire la pierre angulaire de sa stratégie de rayonnement politique.

La personnification doit aussi jouer son rôle. Bien qu’il y ait des figures importantes de prisonniers telles que Barghouti ou Salah Hamouri, Georges Ibrahim Abdallah est sans conteste LA figure emblématique qui fut héroïsée et utilisée pour nourrir la propagande palestiniste, notamment auprès de la jeunesse des quartiers. Un bon militant islamo-décolonial doit avoir participé au moins une fois à un rassemblement pour sa libération. Cette dernière est intervenue il y a quelques semaines après plus de quatre décennies d’emprisonnement. La ville de Bagnolet a fait de Salah Amouri et de Georges Ibrahim Abdallah des citoyens d’honneur. Le 3 février 2014, saisie par le Préfet, le Tribunal Administratif fit annuler la délibération concernant Georges Ibrahim Abdallah. Un acte vécu comme une persécution par les protagonistes.

Les violences policières, le comité Adama Traore et Youcef Brakni : Marketing sur mesure pour de nouvelles conquêtes médiatiques et politiques (LFI).

Bagnolet a un privilège rare : elle accueille sur son territoire, Youcef Brakni, un militant majeur des mouvances islamo-décoloniales. En 2018, ce dernier a été officiellement recruté avec son camarade Taha Bouhafs (journaliste et proche de Révolution Permanente) par la France Insoumise pour aller chercher les voix des quartiers qui ont manqué à Jean-Luc Mélenchon lors de la présidentielle de 2017. Ils vont contribuer à organiser Les Rencontres Nationales des Quartiers qui se sont tenues à Villepinte. En réalité, Brakni a gagné en notoriété depuis qu’il est porte-parole du comité Adama Traore et il est désormais « bankable ». Le comité Adama Traoré déploie une stratégie de communication très efficace et parfaitement marketée pour conquérir ses nouveaux alliés. La visibilité est au rendez-vous. Le cocktail « violences policières, racisme systémique, État colonial » et la mise en scène d’Assa Traore fait mouche et le plan média est redoutable. Intellectuels, écrivains, artistes, journalistes, responsables politiques, ils deviennent tous les courroies de transmission d’une sphère idéologique qui occupe les médias comme jamais. Les représentants de partis politiques de gauche sont fascinés par cette efficacité et souhaitent évidemment profiter de cette dynamique. Eric Coquerel invite Youcef Brakni à l’AMFIS 2017 à Marseille. Brakni déclare à la tribune, et sans que personne ne bouge « Cela fait 40 ans que policiers et gendarmes tuent des noirs et des arabes » (25:52). Le ton est donné. La France Insoumise approuve.

Bagnolet. Municipales 2020 : le PS cède et fait sauter le verrou. Municipales 2026 : Les islamos-décoloniaux et LFI en passe de mettre la main sur la ville.

Le maire PS sortant, pour garder la ville lors des municipales de 2020, fait alliance et partage sa majorité avec la liste « Bagnolet en Commun », pilotée par Edouard Denouel, administrateur adjoint au Sénat. Il est très activement soutenu par Youcef Brakni que l’on surnomme « le dir de campagne de Denouel ». Denouel lui rend un hommage vibrant à l’issue de la campagne “ Au militant, ami, soutien et visionnaire Youcef Brakni ” illustré d’une photo d’Assa Traore et de Youcef Brakni. Le maire Tony di Martino, aura par cet accord électoral, permis l’intégration de profils militants islamo-décoloniaux au cœur même de la majorité municipale et au sein de l’administration : Shawqui Haddad, adjoint à la jeunesse et à la vie sociale des quartiers et Neiman Amraoui, directeur du service jeunesse de la ville. Deux compagnons de route de Youcef Brakni et du réseau islamo-décolonial de la Seine-Saint-Denis.

Témoignage : les faits

2014. Je fais partie de l’équipe fraîchement élue aux municipales. Je suis élue société civile au sein de la majorité municipale PS. Le débarquement des communistes a été le fruit d’un ras le bol général à l’échelle de toute la ville. Le dernier mandat, sous la houlette de Marc Everbecq, est un désastre. Le narco-trafic a prospéré de manière inédite et en toute impunité. Et pour cause, Mustapha Ait-Cheick, le caïd du deal local est embauché à la tête du garage municipal et fait office, à ses heures, de gros bras pour le maire quand il faut corriger ou menacer des agents municipaux récalcitrants. A la tête de la direction générale de la ville, Hassen Allouache œuvre au clientélisme à coup d’embauche et d’octroi de logements sociaux. 

Le premier sera cueilli au printemps 2014 après une perquisition dans les locaux techniques de la ville où l’on retrouvera 15 kilos de cocaïne, des dizaines de milliers d’euros en cash et quelques kalashnikovs. Il sera condamné à cinq ans de prison et sera abattu en juillet 2024 à Livry-gargan par la mafia du narco-trafic. Le deuxième sera contraint de partir après une longue procédure initiée par la CGT locale. 

Clientélisme, drogue, naufrage financier, promoteurs immobiliers douteux, c’est aussi durant ce mandat que l’on voit émerger les relations avec les islamos-décoloniaux. Ces derniers ont trouvé en Bagnolet un nid providentiel et très accueillant puisque qu’en 2012 se tient le lancement du « Printemps des quartiers 2012 » au cinéma et au gymnase municipal. Saïd Bouamama, Tariq Ramadan, Alain Gresh, Houria Bouteldja, Neiman Amraoui, Nabil Ennasri, Youcef Brakni, Omar Slaouti et tant d’autres, c’est un casting fourni de militants décoloniaux qui déroulent des heures de discours devant une salle comble. C’est d’ailleurs à cette occasion que Houria Bouteldja dira quelques jours après les massacres de Mohamed Mehra : « Mohamed Merah c’est moi, et moi je suis lui. Nous sommes de la même origine mais surtout de la même condition. Nous sommes des sujets postcoloniaux. Nous sommes des indigènes de la république ».

Notons que le Printemps des quartiers qui s’est tenu le 31 mars 2012 est un  évènement organisé par Youcef Brakni et Neiman Amraoui, alors jeunes militants bagnoletais qui prennent ainsi du galon.

Quelques mois plus tard, début 2013, c’est l’apparition d’une école coranique illégale dans le quartier des Malassis qui me propulse définitivement dans l’action citoyenne. Chaque matin, un cortège de mini-bus déposent des dizaines d’enfants, déscolarisés de l’école de la République et accompagnés par des mères voilées de la tête aux pieds. Une fois rentrés, le volet de fer se referme et personne ne sait ce qui se trame à l’intérieur des locaux municipaux. 

Alertés par les riverains, je fais partie d’une poignée d’habitants qui décident de saisir les autorités pour que la puissance publique agisse. Ministères, préfecture, mairie, rectorat, député, nous agitons le chiffon de l’illégalité à tous les niveaux : aucun agrément, installation dans des locaux publics, enfance en danger. Malgré nos relances, le déni est total et personne ne veut se mouiller. 

C’est grâce à la pugnacité des habitants et par le déclenchement d’une visite de sécurité du CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité des conditions de travail) que l’école disparaîtra du jour au lendemain. Elle réouvrira quelques semaines plus tard à Bobigny, un autre territoire gangrené qui fera bientôt parler de lui avec l’affaire Lagarde, parfaitement décryptée par Eve Szeftfel dans son livre-enquête « le Maire et les Barbares ».

C’est à ce moment, et parce que je dénonce cette école coranique, que les militants islamo-décoloniaux commencent à s’intéresser de plus près à moi. Youcef Brakni s’active de toutes ses forces et partout pour que la nouvelle élue que je suis soit salie le plus vite possible. 

L’objectif ? décrédibiliser et réduire au silence tous ceux qui se lèveraient pour dénoncer les mouvances islamiques. Précisons que Youcef Brakni fut membre du Mouvement islamique de Libération. Je l’ai appris lors d’un communiqué de soutien du M.I.L. (Un communiqué qui se termine par une sourate du Coran). « Islamophobe, facho, suprémaciste » : rien ne me sera épargné. La charge est extrêmement violente et se répand sur les réseaux sociaux. Cela ira même jusqu’aux insultes publiques hurlées en plein conseil municipal. J’ai eu la présence d’esprit de filmer cette charge odieuse. Il profère également des menaces à l’encontre de tous ceux qui oseraient me soutenir. 

Sortie sous escorte du conseil municipal, j’ai très vite compris qu’il allait falloir se battre pour continuer à avancer debout. Je pense que si j’avais eu la vingtaine, j’aurais été laminée et écrasée sous tant de brutalité et j’aurais très certainement abandonné et déménagé.

Début 2015, sur les conseils d’un avocat, je demande la protection fonctionnelle des élus et j’attaque en justice Youcef Brakni pour diffamation suite à un article paru sur son blog du GAB (Groupement des associations de Bagnolet). Il affirme que je compare les musulmans à des nazis. Rien de moins. C’est parti pour trois années de procédure : il sera condamné en appel pour propos diffamatoire et écopera de 3000 euros de dommages et intérêts. 

Cette victoire me conforte mais je comprends aussi que, même si je suis dans mon bon droit, je n’aurai aucune solidarité, ni soutien de la part de mes collègues élus, à l’exception de quelques personnalités qui me le feront savoir de manière confidentielle. En fait, je réalise que le travail psychologique de soumission a déjà fait son travail. Ce qui deviendra la vague d’autoritarisme idéologique, telle que LFI la pratique aujourd’hui et qui révulse l’immense majorité des français, imbibe déjà les territoires où la gauche radicale règne.

Cette emprise et ces injonctions à servir l’agenda de la gauche radicale est réelle et elle est, avec la lâcheté politique, l’une des raisons de la fragilisation de notre édifice républicain. Parallèlement aux grandes gesticulations politiciennes, dont les narratifs sont parfaitement rôdés (Palestine, le méchant capital, Les « riches »), il existe les signaux faibles ; ces initiatives, inaudibles pour les français qui n’appartiennent pas au sérail des instances. 

C’est là que se loge le véritable poison qui se déverse lentement dans les veines de notre République. Il y a si peu de profils présents et prêts à agir pour dénoncer la multitude de « ballons d’essai » et de tentatives d’infiltration que les dommages sont, quelques années plus tard, installés et très inquiétants. Dans le sport, à l’école, au sein de nos institutions, cette lente montée des eaux obscures agit partout. 

Comme le dit très justement Fatiha Boudhjalat, c’est l’effet cliquet. Tout ce qui est gagné est acquis et il n’y a pas de retour en arrière. On m’a souvent dit « Pourquoi tu es si pointilleuse pour des petits trucs ? », je réponds systématiquement « parce que une fois que tu as autorisé une initiative borderline en imaginant que c’est anodin, c’est la porte ouverte pour d’autres assauts ». C’est une consumation à petit feu qui se transforme aujourd’hui en incendie.

Parmi les nombreux coups de canif portés à notre pacte républicain, je peux rapporter trois faits assez révélateurs du délitement de « l’intérieur ». 

Après quelques mois de mandat, j’apprends qu’une disposition a été mise en place pour que les élus, qui ne souhaitent pas marier des citoyens de même sexe pour raisons religieuses, soient épargnés de le faire. J’engage la discussion en bureau municipal, les échanges deviennent très vite houleux. « On ne voit pas le problème ». Le maire qui était au courant mais qui est désormais embarrassé, veut absolument savoir qui m’a donné l’info, que je ne donnerai pas, bien évidemment. Il prend une décision de contournement assez lâche : au lieu d’exiger d’élus de la République qu’ils remplissent leur mission et donc respectent la loi, il préfère les interdire de mariage. Cela est très révélateur sur l’absence de volonté d‘exiger l’application de la loi. Ne pas heurter les sensibilités religieuses et donc demander à la République de faire la variable d’ajustement.

L’un des élus de la majorité délégué à la voirie, Jimmy Parat, converti et proche de Youcef Brakni, nous aura gratifié d’un festival de propos obscurantistes, islamistes, antisémites et sexistes. Il compare les femmes qui avortent à des meurtrières lors d’une cession de l’agglo Est Ensemble concernant un vœu pour soutenir la Maternité des Lilas. Face aux protestations d’associations féministes, le maire finira par lui retirer sa délégation. Sans surprise, Brakni lui apporte son soutien « Jimmy Parat est victime du fait qu’il est musulman ». 

Lorsque Myriam Tibi, bagnoletaise du Quartier du Plateau, m’alerte sur un post antisémite posté par Jimmy parat, c’est l’effroi « Tout rentrera dans l’ordre quand ces sauterelles d’Israéliens seront brûlés. Et ca arrivera, fait confiance en Dieu l’unique comme les musulmans le font ». Avec du recul, je ne peux m’empêcher de faire le lien avec les massacres du 7 octobre dont, j’imagine, il a dû se réjouir.

Début 2017, Jimmy Parat annonce sa candidature aux législatives avec ce post « Wa alikoum Salam. Pour la présidentielle, je prendrai ma décision une fois les professions de foi reçues. Pour les législatives, je voterai pour moi Inch Allah » et il organise une rencontre à la Mosquée Islah de Montreuil en compagnie de Youcef Brakni et du prédicateur imam Noureddine Assouat. Sur le flyer est précisé « à 16h (après la prière Asr) ». On retrouve également le logo du parti politique Français et Musulmans. Cela constitue une infraction à la loi 1905, article 26, il ne peut se tenir de rencontre politique dans un lieu de culte. J’informe et j’alerte mes collègues élus. Sans surprise, c’est l’indifférence totale. Je pourrais néanmoins compter sur le soutien de Laurence Marchand de Forces Laïques qui interviendra avec l’envoi d’un courrier au préfet de la Seine-Saint-Denis. A ma connaissance, le préfet n’a engagé aucune poursuite.

En 2018, sur un désaccord avec Mahamadou Sylla, un autre élu de la majorité délégué à l’Enfance, Jimmy Parat en vient aux mains et se fait fracasser la mâchoire au beau milieu des familles et des poussettes présentes pour la fête de la ville,. Ce sera la fin de son engagement politique à Bagnolet. Quant à Mahamadou Sylla, il est actuellement conseiller municipal chargé du logement au sein de la majorité PS/ Bagnolet en Commun.

Avril 2019. Le maire Tony di Martino fait voter une délibération pour la vente du terrain de la grande mosquée de Bagnolet. Sorti du chapeau au dernier moment et présenté au vote du conseil municipal, le dossier est opaque, incomplet et comporte une atteinte à loi de 1905 avec une facilité de paiement à hauteur de 250 000 euros qui peut s’apparenter à un financement de lieux de culte. 

À un an des élections municipales, la ficelle est grosse, le maire voulait faire passer ce dossier le plus vite possible. Bagnolet n’a pas le monopole du clientélisme religieux mais il y a ici une illégalité manifeste. Je saisis le Tribunal Administratif de Montreuil. Je gagne sur le fond et sur la forme. La ville fait appel. Grâce à l’association AD3L, maître Frédéric Thiriez me fait l’honneur de me défendre en appel pour ce dernier round. Deuxième victoire. Après plus de trois années de procédure, la Ville de Bagnolet est condamnée. 

Les procédures judiciaires sont les dossiers les plus techniques, longs, onéreux et d’une certaine manière ingrats. Ce sont les initiatives les plus utiles et pourtant elles restent victimes d’une immense indifférence. Par ce témoignage, j’aimerais faire passer le message que se saisir de l’état de droit est primordial. Exiger que la loi soit appliquée est une nécessité impérieuse, même pour une délibération que l’on penserait pouvoir ranger au rang des « pertes et profits de la République ».  Pour cette procédure très technique, j’ai eu la chance de bénéficier de l’accompagnement de Michel Bouleau, magistrat administratif honoraire. Je tiens à le remercier chaleureusement.

Au cours de mon mandat, j’ai vu émerger une nouvelle entité sur Bagnolet : Le « Front de mères », un syndicat de parents d’élèves fondé par Fatima Ouassak, conjointe de Youcef Brakni. Je prends connaissance du texte fondateur. La portée racialiste et l’appel à sécession des propos sont d’une violence inouïs :

« L’école c’est la guerre. La société française est hiérarchisée racialement, les Blancs font en sorte d’être privilégiés dans l’accès à la propriété, au pouvoir, aux soins, à la reconnaissance ou au confort, au détriment des non-blancs qui voient leur accès à ces ressources constamment entravés »

Ou encore

« Nos enfants comprennent très tôt que l’école a un problème avec leurs cheveux quand ils sont crépus, avec leur langue maternelle si elle est africaine, avec leur religion quand c’est l’Islam. »

Ce narratif diffuse l’idée que l’État et ses services œuvrent consciemment à l’humiliation et au racisme systémique, avec en agents zélés les enseignants de nos écoles. Quoi de plus efficace et cynique que d’utiliser les enfants pour manipuler les parents issus de l’immigration et ériger l’État français au rang d’ennemi ?

Parallèlement, Fatima Ouassak s’appuie sur une autre association, EEB, Ensemble pour les Enfants de Bagnolet, pour organiser des rencontres-débats et capter une nouvelle population parisienne qui s’installe à Bagnolet. Malbouffe, nuisances des écrans, il n’y a rien de mieux que ces sujets ultra-consensuels pour attirer les nouveaux habitants. 

Le 4 avril 2018, j’envoie un email d’alerte à tous les élus de la municipalité où je reproduis le texte fondateur dans son intégralité. Sans surprise, personne ne réagit… sauf Jimmy Parat, membre du parti Français & Musulmans, qui m’écrit « Vous êtes à l’image d’un Manuel Valls qui envoie sa propagande à tous les députés de l’assemblée nationale: polluante.». Silence et compromission. Fatima Ouassak n’a pas à s’inquiéter, la lâcheté politique est son meilleur allié.

En 2019, Elle participe au Muslim Think Tank. La charge contre la société française est phénoménale :  raciste, discriminante et oppressive. On se demande comment elle peut survivre à cette dictature qu’est la France. Le clou de ses propos restera ce moment où elle compare les quartiers populaires à des camps de concentration nazis. Elle prend comme exemple le film « la Vie est belle » et ce papa qui invente un quotidien ludique pour effacer l’innommable et préserver son fils de six ans. Elle poursuit « bin, c’est un peu pareil en fait pour nos enfants ». Au-delà de l’abjection des propos, on touche ici à un objectif stratégique majeur des islamo-décoloniaux : se hisser au rang du malheur sacralisé des juifs en construisant une « shoah » propre aux musulmans. Nous l’avons vu ces deux dernières années avec la guerre post 7 octobre et l’instrumentalisation de l’information très largement relayée par les responsables politiques LFI.

Fatima Ouassak pourra compter sur la nouvelle majorité municipale de 2020 pour lui ouvrir une voie royale. Une voie sous le signe de l’écologie car Fatima Ouassak a élargi son spectre de convergence des luttes à la défense de l’environnement où pullulent un paquet d’ONG et d’associations qui seront les heureux destinataires de son narratif décolonial. Avoir le sens de l’opportunité quand on est militant c’est important et Fatima Ouassak n’en est pas dépourvue. Les élections municipales de 2020 porteront les Écologistes à la tête des plus grandes villes françaises : Lyon, Bordeaux, Poitiers, Grenoble, Strasbourg, Annecy . C’est un carton plein auprès des trentenaires citadins.

Fatima Ouassak, qui bénéficie de la proximité médiatique du clan Traoré, est aussi largement relayée pour son « écologie pour les quartiers populaires ». Entre 2019 et 2020, elle sera invitée aux meetings d’EELV à Montreuil, Rennes et Toulouse. Sandrine Rousseau, dont les thèses sur l’écoféminisme font convergences, l’adore et exprime son souhait qu’elle puisse être investie pour les législatives. La diffusion du sulfureux texte fondateur du « front de mères » finira de doucher les espoirs d’EELV qui renonce.

Retour à Bagnolet. Edouard Denouel et son équipe sont désormais aux commandes et le maire cède sur toutes les demandes. Ce sera l’octroi d’un local de 900M2 pour le nouveau projet de Mme Ouassak : Verdragon. Inauguration en grande pompe avec l’association Alternatiba, qui sert de caution écolo et charrie une jeunesse exaltée qui ne se rend pas compte de l’instrumentalisation idéologique qui est à l’œuvre.

Je ne suis plus élue mais à l’occasion de ce nouvel épisode fâcheux qu’est Verdragon, je découvre avec satisfaction qu’une poignée d’habitants se lèvent et dénoncent publiquement l’attribution du local. Le Collectif “ Front citoyen Bagnolet ” adresse une lettre ouverte aux élus de la ville avec pour titre « Le soutien d’élus de la République aux mouvances indigénistes et racialistes n’est pas compatible avec les valeurs républicaines universalistes et émancipatrices ». La presse s’en empare dont le Figaro avec un article qui fera le tour de la ville. Une pétition récolte plus de 600 signatures.

Le maire Tony Di Martino, ficelé par les arrangements politiciens qu’il a scellé ne lâche rien à part un « c’est un non-événement » lors d’un conseil municipal où il est interrogé. Les socialistes font bloc derrière le maire, l’équipe de Denouel savoure. A ce moment, je comprends que la ville de Bagnolet est tombée aux mains des islamo-décoloniaux. Quelques mois plus tard, l’adjoint aux finances, Olivier Taravella, démissionne face à un budget ,exigé par la nouvelle majorité, qu’il ne peut cautionner.

Quant à Alexis Corbière, député de la circo, il est quasi inexistant. En arrivant à Bagnolet, en 2017, il avait frayé avec les islamo-décoloniaux, notamment Brakni, Bouhafs et Edouard Denouel, laissant même le groupe local LFI à ce dernier. Il n’aura pas fallu longtemps pour que le couple Garrido-Corbière se rende compte de l’OPA qui était en cours. Le torchon brûle, les comptes se règlent publiquement sur les réseaux sociaux. On sait maintenant quel camp Mélenchon a choisi. On pensait être servi par le couple Corbière-Garrido et leurs outrances ? Nous aurons bien pire avec le front islamo-decolonial qui vient d’être adoubé par Mélenchon. A ce titre, Bagnolet est un exemple très éclairant de la compromission assumée de LFI avec les islamo-décoloniaux. Dans son plan de conquête avec sa liste « Bagnolet Collectif », Edouard Denouel œuvre également pour mettre le groupe Les écologistes sous sa coupe. Adhésion en masse de proches, refus d’adhésion pour les profils non compatibles. Le tour est joué.

Dernièrement, c’est le projet Muftah avec l’iReMMO (Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient) qui a fait polémique dans les médias. Ce projet a emmené 30 jeunes de la ville dans des camps palestiniens en Jordanie gérés par l’UNRWA. C’est sans surprise que l’on apprend que le pilote du projet est Chawqui Haddad, adjoint chargé de la jeunesse aux côtés d’Edouard Denouel qui siège au conseil d’administration de l’iReMMO, initiateur du projet. La boucle est bouclée.

J’aurai pu noircir encore de nombreuses pages pour mon témoignage et peut-être que cela fera partie d’un autre projet, encore plus complet. En attendant, j’espère avoir restitué le plus clairement et fidèlement possible une décennie de conquête de ma ville, Bagnolet, par la gauche radicale, notamment LFI, et les islamo-décoloniaux. J’ai fait ma part en tant que citoyenne et élue. La situation est grave à Bagnolet, mais elle l’est dans la France entière. Nous devons faire preuve de responsabilité et de courage politique pour notre avenir. Nous le devons à nos enfants. Nous le devons à notre République.

© Marie-Laure Brossier

Marie-Laure Brossier interviendra dans une prochaine conférence de Dhimmi Watch, en janvier 2026.

  

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