Sur ces « extrémistes israéliens » qui ne veulent plus avoir comme voisins des Gazaouis innocents. Par Charles Rojzman

Comment ne pas comprendre — oui, comment — ceux d’Israël qui, après le 7 octobre, ne veulent plus jamais voir Gaza, ni ses habitants, ni ses rires, ni ses pleurs ? Ces voisins qui, depuis des décennies, rêvent d’un monde sans Juifs, d’une disparition ou d’un exil — « qu’ils retournent d’où ils viennent », disent-ils, des États-Unis ou de Pologne —contre toute réalité, comme si l’histoire d’Israël était une parenthèse illégitime. Et certains radicaux, en retour, se demandent : les Gazaouis sont-ils vraiment des habitants de Gaza, ou les héritiers d’un exil qu’ils entretiennent comme une arme contre nous ?

Qu’on me pardonne d’écrire sans détour : comment ne pas éprouver une forme de tendresse tragique pour ces Israéliens devenus intraitables, pour ces hommes et ces femmes qui, après avoir vu leurs enfants déchiquetés, leurs femmes violées, leurs vieillards massacrés, ne veulent plus de « voisins » qui dansent sur les ruines de leurs maisons ? Comment leur demander d’aimer ceux qui égorgent et se filment en riant ? Ceux qui, depuis vingt ans, votent massivement pour une organisation islamiste qui rêve d’anéantir le peuple juif ? Ceux qui enseignent à leurs enfants que mourir en tuant un Juif, c’est gagner le paradis ? Comment leur dire qu’ils manquent d’humanité quand ce sont leurs morts qui sont encore chauds, leurs maisons encore ensanglantées ?

On peut, certes, regretter — comme l’a fait une célèbre rabbine — leur manque d’empathie pour ces civils déchiquetés par les bombes, pour ces familles prises au piège dans les ruines de Gaza, victimes d’une guerre qu’elles n’ont pas choisie. Mais ce reproche, si humain soit-il, ne saurait effacer la vérité de la peur, ni l’épaisseur du deuil. Car on ne demande pas à ceux qui survivent de compatir aussitôt à la souffrance de ceux parmi lesquels se cachent leurs assassins. Il y a dans la bouche des moralistes occidentaux une obscénité tranquille : celle d’un monde qui ne connaît plus la peur, ni la guerre, ni la survie. Ils parlent d’empathie comme on parle d’une vertu décorative. Ils oublient que l’empathie ne se décrète pas ; elle se conquiert dans la paix. Et la paix, là-bas, n’existe plus depuis longtemps. Depuis qu’un peuple tout entier — celui de Gaza — a préféré se donner au Hamas, à la mort, à la haine, à l’illusion du djihad.

Depuis que le rêve d’un État palestinien s’est confondu avec le projet d’un califat sans Juifs. Depuis que la compassion elle-même a été prise en otage par la propagande.

Alors, oui, comment ne pas comprendre ces Israéliens fatigués de tendre la main ? Fatigués d’entendre des voix étrangères leur dicter ce qu’ils devraient ressentir. Fatigués de devoir prouver qu’ils ne sont pas les monstres qu’on fabrique à Paris ou à New York. La vengeance n’est pas belle, certes, mais elle a ses raisons dans le cœur de ceux qu’on a voulu exterminer. On peut leur reprocher leur dureté, mais pas leur lucidité. Ils savent, eux, que ceux d’en face ne veulent pas seulement la liberté, mais la disparition. Que pour le Hamas, et pour une partie du monde musulman, la guerre ne prendra fin que lorsque le dernier Juif sera mort. C’est écrit noir sur blanc dans leur charte, celle que personne ne lit, celle que nos journalistes feignent d’ignorer.

L’Occident pleure à heure fixe. Il distribue larmes et sermons avec la bonne conscience des peuples repus. Il demande aux Israéliens d’être exemplaires — comme on demanderait à un rescapé de camp d’aimer son bourreau. Il leur parle de modération, de proportionnalité, de droit international — mots magnifiques qui n’ont aucun sens quand on enterre ses enfants. Il leur parle de « population civile », comme si le Hamas n’était pas sorti de cette population, nourri, élu, sanctifié par elle. Il leur parle de paix alors que l’autre côté célèbre la mort.

Que reste-t-il à dire, sinon que l’empathie, ici, est devenue un luxe de nantis, une posture morale sans courage ? Il faut avoir vu, ne serait-ce qu’une fois, les images du 7 octobre : les cris d’une mère avant d’être brûlée vive, le visage d’un enfant qu’on arrache à ses parents, les cadavres mutilés traînés dans les rues de Gaza sous les applaudissements. Il faut les voir, non pas pour haïr, mais pour comprendre ce que signifie, dans la chair, la perte de confiance en l’homme.

Alors, peut-être, cessera-t-on de juger ceux qui ne veulent plus « dialoguer ». Peut-être comprendra-t-on que le cœur a ses limites, et que l’amour du prochain meurt avec le sang des siens. L’erreur des belles âmes d’Occident, c’est de croire que la morale peut tenir lieu de géopolitique. Elles parlent comme si l’Histoire était un séminaire de sciences humaines, où la victime et le bourreau se confondraient dans un même pathos.

Mais la réalité, elle, ne connaît ni neutralité ni symétrie. Elle tranche, elle saigne, elle ne s’excuse pas. Et dans cette réalité, Israël n’a pas affaire à des opposants, mais à des ennemis. À une religion politique qui rêve d’effacer son existence même. À un culte de la mort que l’on confond ici avec la résistance. Ce n’est pas un conflit territorial : c’est un combat métaphysique. Alors oui, je comprends un peu ceux qui ne veulent plus d’empathie. Qui ont cessé de croire que la paix se signe avec ceux qui veulent votre disparition. Qui n’attendent plus rien du monde, sinon le droit de se défendre. Ils sont les derniers à savoir que la civilisation est une digue fragile contre la barbarie, et qu’elle ne tient debout que si l’on accepte parfois d’être injuste pour survivre.

L’Occident, lui, a désappris cela. Il croit encore qu’on peut désarmer la haine par des résolutions et des tweets. Il ne comprend pas qu’on ne raisonne pas le djihad : on le combat ou on disparaît. Ceux qui demandent aux Israéliens d’aimer leurs assassins oublient que c’est déjà un miracle qu’ils ne soient pas devenus fous. Ils ne cherchent pas la perfection morale : seulement le droit de vivre sans craindre d’être égorgés dans leur lit.

Et si, dans ce désir nu, brut, animal, il y a un manque d’empathie — alors que ceux qui les jugent regardent d’abord leurs propres cœurs : ils y trouveront, non pas la compassion, mais le confort, la lâcheté, et la peur d’appeler les choses par leur nom. Car au fond, c’est cela : l’Occident ne comprend plus la guerre, parce qu’il ne comprend plus le mal. Il le recouvre de discours, il le relativise, il le transforme en « souffrance partagée ». Israël, lui, le connaît. Il le regarde en face. Et c’est peut-être pour cela qu’il nous dérange autant : il nous rappelle que, derrière nos morales de papier, il existe encore des peuples qui doivent choisir entre la survie et la disparition. Entre la lumière et la nuit.

© Charles Rojzman

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1 Comment

  1. J’ai vu des images – sans doute pas les pires – du 7 octobre, j’ai vu la vidéo de Evyatar David, obligé de creuser sa tombe, j’ai en mémoire les visages de Kfir et Ariel Bibas et de leur maman, j’ai vu des vidéos tournées dans les kibuzzim… vu, seulement vu, pas vécu. Je comprends les Israéliens qui ne veulent pas entendre parler de la souffrance des « civils innocents » de Gaza.Je les comprends et je les soutiens et tant pis si certains bien-pensants de mon entourage ne m’adressent plus la parole. Je sais que je suis du bon côté, du côté d’Israël et du peuple juif. Merci pour votre article que exprime mes pensées tellement mieux que je le pourrais. I stand with you.

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