Quand la Cour suprême prépare la désobéissance… du peuple. Par David Germon

Pourquoi l’alerte d’Amit révèle surtout la peur de perdre le pouvoir

À écouter certains juges de la Cour suprême israélienne, le danger majeur qui planerait aujourd’hui sur la démocratie serait la désobéissance du gouvernement à leurs décisions.
Mais à lire attentivement la fin du jugement du juge Yitzhak Amit, analysée dans l’épisode 105 du podcast Moshéva de Moshé Cohen Elia, une autre lecture s’impose : ce que la Cour redoute réellement, ce n’est pas l’anarchie — c’est la perte de son contrôle effectif sur l’État.

Une inquiétude révélatrice

Qu’un juge suprême ressente le besoin d’écrire que le gouvernement doit obéir à la Cour n’est pas un signe de force. C’est un aveu de fragilité.

Comme le souligne Moshé Cohen Elia, la mention explicite de la peur de la désobéissance n’est pas une défense de l’État de droit, mais le symptôme d’un système qui sent que son autorité n’est plus évidente, plus consensuelle, plus naturelle.

Or, dans une démocratie saine, la légitimité ne se décrète pas — elle se mérite.

Le vrai pouvoir n’est pas dans les arrêts, mais dans leur exécution

Contrairement au discours dominant, la Cour suprême ne règne pas seule.
Elle dépend d’un bras exécutif essentiel : la conseillère juridique du gouvernement, aujourd’hui Gali Baharav-Miara.

C’est elle — et non les juges — qui contrôle réellement :

  • les conseillers juridiques des ministères,
  • l’action administrative quotidienne,
  • et la transformation d’un arrêt judiciaire en réalité concrète.

Moshé Cohen Elia le dit sans détour :
sans la conseillère juridique, la Cour suprême est institutionnellement désarmée.

C’est précisément pour cette raison que la bataille autour de ce poste est devenue si violente.

La “désobéissance” comme épouvantail politique

Ce que le camp judiciaire appelle aujourd’hui « désobéissance » ressemble, vu autrement, à une tentative de rééquilibrage démocratique.

Lorsqu’un pouvoir judiciaire s’arroge le droit :

  • de bloquer des décisions gouvernementales élues,
  • d’imposer sa lecture du raisonnable,
  • et de neutraliser l’exécutif par l’intermédiaire d’une bureaucratie juridique non élue,

alors la question n’est plus : pourquoi le gouvernement désobéirait-il ?
mais : jusqu’où le peuple doit-il obéir à des juges non élus ?

La juristocratie face à sa limite

Le podcast Moshéva assume une critique de fond : Israël ne vit plus dans une démocratie classique, mais dans une juristocratie, où le droit est devenu un instrument de domination politique.

Les figures historiques de la Cour suprême — Aharon BarakEsther Hayut, et aujourd’hui Yitzhak Amit — ont bâti un système où la Cour ne se contente plus d’arbitrer, mais gouverne indirectement.

Et lorsque ce système sent qu’il peut perdre son levier principal — la conseillère juridique — il brandit la menace ultime : la crise constitutionnelle.

Une crise fabriquée ?

Moshé Cohen Elia le rappelle : Israël a déjà connu des cas où le gouvernement n’a pas appliqué des décisions judiciaires, sans que la démocratie ne s’effondre.

La différence aujourd’hui est ailleurs :
le public ne fait plus confiance à un système judiciaire perçu comme idéologique, fermé et autoréférentiel.

Un tribunal qui perd la confiance du peuple ne peut plus se cacher derrière la rhétorique de l’État de droit pour imposer son pouvoir.

La vraie question

Le débat actuel n’oppose pas l’ordre au chaos.
Il oppose un pouvoir judiciaire qui refuse de lâcher prise à une société qui réclame que la souveraineté revienne à ses représentants élus.

Si la Cour suprême craint aujourd’hui la désobéissance, c’est peut-être parce qu’elle commence à comprendre que son pouvoir ne tient plus que par une seule personne — la conseillère juridique du gouvernement.

Et qu’un pouvoir qui dépend d’un tel verrou institutionnel n’est déjà plus un pouvoir démocratique.


Source

Tribune rédigée à partir  du podcast
« Moshéva | Épisode 105 – אי ציות (Désobéissance), animé par Moshé Cohen Elia, diffusé le 19 décembre 2025.
Cette tribune assume explicitement la lecture politique et juridique développée par l’auteur du podcast.–

© David Germon

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