Le Feuilleton de l’été. « Le Conte d’Ermenegilda Saldata » Par Paul Germon

(Ou comment une femme médiocre devint utile à ceux qui haïssent)

Il était une fois, dans une république qui aimait se dire éclairée, une professeure nommée Ermenegilda Saldata.
Elle enseignait le français et l’italien dans un lycée fatigué, où les murs transpiraient l’ennui et les copies sentaient l’abandon.
Elle corrigeait sans lire, notait sans comprendre, et citait souvent Sartre pour dire l’inverse de ce qu’il écrivait.

Elle n’était ni brillante, ni charismatique, ni même cultivée.
Mais elle avait une qualité devenue précieuse pour certains : une haine froide, stable, sourde… dirigée contre les Juifs.

Quand le Parti Humaniste Européen chercha une candidate dans une circonscription ingagnable, on hésita.
Fallait-il un nom connu ? Une militante éloquente ? Une figure des luttes sociales ?

Non.
On choisit Ermenegilda Saldata.

Pourquoi ?
Parce qu’elle ne doutait jamais.
Parce qu’elle parlait de Gaza même quand on lui demandait son avis sur le plan vélo.
Parce qu’elle disait « les sionistes » avec un petit sourire d’habitude.
Parce qu’elle savait glisser « Shoah-business » entre deux citations de Pasolini.

Elle fut élue à la surprise générale.
Non pas grâce à son programme — elle n’en avait pas — mais grâce à un buzz viral sur une vidéo où elle affirmait :

« Il serait peut-être temps de libérer la République de sa soumission à certaines mémoires communautaires ».

Les réseaux s’enflammèrent.
Les militants d’extrême gauche applaudissaient par réflexe, ceux d’extrême droite par jubilation.
Le Parti Humaniste se félicita d’avoir su « ouvrir un vrai débat ».
Elle, elle y crut.

Et dans son ombre, une autre silhouette gagna du terrain : Prune Modeste, petite blonde aux yeux clairs, toujours impeccable, toujours souriante.
Jolie, certes. Mais d’un genre de beauté glacée, raide, presque génétiquement docile.

Un vieux militant glissa un jour à voix basse, en la voyant traverser l’Assemblée, tailleur bleu nuit et regard fixe :

« En d’autres temps, elle aurait porté le brassard… et le titre d’Obersturmbannführerin ».

Prune, elle, ne disait presque rien.
Mais elle validait tout.
Un hochement de tête. Un « hmm » approbateur.
Et parfois, un mot. Tranchant :

« Il faut quand même pouvoir dire certaines vérités ».

À l’Assemblée, Ermenegilda fit ce que l’on attendait d’elle :
• Elle parlait d’ »apartheid israélien » tous les trois amendements.
• Elle accusait les écoles juives d’endoctrinement.
• Et quand on évoquait les otages du 7 octobre, elle répondait :
« Toute violence a une racine. Parfois très ancienne ».

Ses collègues la regardaient avec gêne.
Mais elle avait l’immunité, et une fonction : celle d’incarner ce que d’autres n’osaient plus dire eux-mêmes.

Jusqu’au jour où elle alla trop loin.

Dans une interview donnée à un micro militant en ligne, elle déclara :

« Les Juifs ont fait de leur douleur une rente éternelle. Et aujourd’hui, ils dictent à l’Europe ce qu’elle a le droit de penser ».

Elle ajouta même, en italien, comme pour donner un vernis savant :

« La memoria ebraica è diventata un’arma politica ».

Cette fois, le scandale fut total.
Pas pour ses propos.
Mais parce qu’elle avait dévoilé à haute voix le sous-texte de tout un courant.

On lui demanda de s’expliquer.
Elle tenta une défense confuse, citant Hannah Arendt sans l’avoir lue.
Puis elle déclara :

« Je suis soudée à la vérité ».

Un vieux député répondit, calmement :

— Non, madame. Vous êtes juste utile à ceux qui haïssent mieux que vous.

Aujourd’hui, Ermenegilda Saldata a disparu des radars.
Elle enseigne encore — mal — dans un lycée de province.
Elle continue à dire que le sionisme est un dogme d’État, que la presse est verrouillée, et que les antisémites sont les nouveaux résistants.

Mais quand on parle d’elle à l’Assemblée, on sourit avec gêne.
Et on murmure, entre collègues :

— « Tu nous fais une petite Ermenegilda, là… fais gaffe ».

Et ça suffit.

© Paul Germon

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3 Comments

  1. Les contes de fées sont épouvantables, la femme qui est décrite sous le pseudo d’Ermen….etc, nous l’avons evidemment reconnue, nous en avons souvent parlé, une horrible antisémite, la haine dans le coeur. Sans âme,comme le groupe dont elle fait parti.

  2. ermenegildo est aussi le prénom masculin d’un grand couturier. Vous dites qu’elle a fait référence à Pasolini. Celui-ci n’aurait jamais admis être associé à une antisémite. Je suis décidément de plus en plus écœuré par certaines italiennes. Mogherini pour l’Europe, Albanese pour l’o.n.u et cette femme que je ne connaissais pas. Mais il y a aussi un journaliste Italien, souvent présent sur les plateaux télé français qui  » crache sur Israël  » .Son nom est… Paolo Levi. Et là, je ne comprends plus rien. J’espère qu’il est simplement un homonyme de Primo Levi.

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