« Crise de foi » de Sylvie B.H., un roman « feel good » à glisser dans sa valise


Prune, jeune apprentie-comédienne, tombe amoureuse d’un acteur déjà fort célèbre, Jean-François de Sainte Forge, icône du cinéma. Un amour étonnant qui aboutit, contre toute attente, à une demande en mariage et… à la présentation des familles. Or, les deux tourtereaux sont issus de communautés religieuses et de milieux sociaux très différents.  Ce qui devait être une soirée de présentation classique des familles se transforme en théâtre de conflits sociaux, familiaux et de règlements de comptes… 

Tel est en substance le pitch du roman de Sylvie BH, amusant pseudonyme pour une Française depuis longtemps établie en Israël. Un roman aux accents d’une pièce de boulevard et dans la veine « feel good » qui n’est pas toujours, Sylvie en est consciente, en haut de la liste des priorités éditoriales. « Pourtant, dit-elle, à une époque aussi tendue que la nôtre, ce type de littérature peut jouer un rôle apaisant, offrir des respirations, des sourires, une légèreté bienvenue, et simplement, de quoi penser à autre chose sans fuir pour autant le réel ». 

Quoi de mieux que l’été en effet, et l’arrivée des vacances, pour se détourner de l’actualité anxiogène, des essais « prises de tête » et des romans qui se veulent – pas toujours pour de bonnes raisons – élitistes, par leur style ou par leur sujet. 

Ce roman n’a absolument aucune autre prétention que d’offrir ce moment d’évasion, son ton frais et amusant, ses références culturelles tout de même et ses citations de débuts de chapitres. D’offrir aussi (surtout ?) du décalage, de la cocasserie et de l’humour sans pour autant négliger de transmettre, l’air de rien, des messages. 

Nous avons pu interroger Sylvie, libérée là où elle habite en Israël de cette chape de plomb de douze jours dans laquelle elle et les Israéliens s’étaient retrouvés piégés contre leur gré par la riposte iranienne.

Voici ses réponses (suivies d’un petit passage du roman). 

Tribune Juive – Chère Sylvie B.H., vous vivez en Israël depuis de longues années, mais vous êtes restée fidèle à la langue française dans laquelle vous écrivez… Ecrire en français reste une source de joie pour vous ? 

Sylvie BH – Absolument. Tout au long de mon parcours, j’ai navigué entre les langages et les registres. Je suis enseignante, auteure, metteuse en scène de pièces de théâtre dont une comédie musicale, et j’ai également écrit et réalisé un long métrage. Le français est ma langue maternelle, ma langue de Cœur, de pensée et de création. Même après tant d’années en Israël, cette langue reste pour moi une source inépuisable d’inspiration, les mots portant leur charge de nuances, d’élégance… et parfois de douce provocation. 

C’est une langue qui me permet d’exprimer les émotions avec précision, de glisser des clins d’œil, de faire rire ou de toucher, de dire des choses profondes sans se prendre au sérieux.

TJ- Vous avez sorti il y a quelques semaines aux éditions Hugo Stern, ce roman joliment titré « Crise de Foi ». Un roman qui, sur un ton léger et frais, parle de la différence dans le couple et des différences tout court à travers une intrigue digne d’une comédie légère au cinéma. Le roman était selon vous le meilleur vecteur pour aborder un tel thème ?

SBH – Oui, sans hésiter. Le roman me semblait le support idéal, à la fois vivant et flexible, pour aborder cette question de la différence, qu’elle soit religieuse, culturelle, identitaire ou simplement liée aux regards que l’on porte sur le monde… ou sur l’autre, avec humour, sans pour autant exclure qu’elle puisse aussi prendre vie à l’écran, car elle a déjà trouvé sa place sur scène. Je voulais éviter le ton démonstratif, les discours trop balisés. Ce qui m’intéressait, c’était le trouble, les maladresses, les contradictions, tout ce que seul un personnage de fiction peut incarner avec grâce.

TJ – Le titre est bien trouvé…
SBH – Oui, avec Crise de Foi…, j’ai joué sur le double sens du titre : la foi religieuse, bien sûr, mais aussi la foi en l’autre, en soi, en l’amour… en ce que l’on croyait solide et qui vacille soudain. Et puis, raconter sur un ton léger n’enlève rien à la profondeur du propos, bien au contraire. L’humour, l’ironie douce, la légèreté apparente permettent souvent de poser les questions les plus sérieuses sans froncer les sourcils. Le roman permet cela : d’avancer masqué, de faire sourire, puis mine de rien de… toucher juste !

TJ – Vous inscrivez « Crise de Foi » dans la veine de la littérature « feel good ». C’est important dans cette période anxiogène de proposer une telle littérature ? 

SBH – Je le revendique, oui ! Dans une époque saturée d’inquiétude, de tensions, de discours crispés, j’avais envie d’offrir un souffle, une parenthèse lumineuse, drôle et toujours positive.
La littérature « feel good », quand elle ne verse pas dans la mièvrerie, peut toucher juste, précisément parce qu’elle remet de l’humanité là où l’actualité tend à l’effacer. 

Et puis, mon vœu le plus sincère est de pouvoir, par mon travail, parsemer de petits instants de bien-être la route de ceux qui me croisent. Alors, si Crise de Foi… parvient à faire sourire un lecteur entre deux vagues, à l’émouvoir peut-être, sans crier gare… j’aurais atteint mon objectif.

TJ – Quels sont vos projets pour la suite ?

SBH – Je travaille actuellement sur l’écriture de mon deuxième roman, Phil ou Passe, qui fait suite à Crise de Foi… C’est un prolongement naturel du premier tome, dans la même veine : une écriture vive, légère, rythmée de rebondissements, pour garder les lectrices (et pourquoi pas les lecteurs) en haleine, BH ! Cette fois, je les emmène vers un autre questionnement, tout aussi délicat : l’hypocrisie dans l’amitié qui s’embourbe dans le « je » de l’ego !
Si Crise de Foi… vous fait sourire tout en vous titillant l’esprit, alors attendez de découvrir Phil ou Passe : c’est un peu comme une bonne série, on n’a jamais vraiment envie que ça s’arrête ! 

Extrait (page 26) : 

« Un délicieux parfum, mélange d’épices et de plats gourmands préparés avec brio par ma mère, se diffuse dans la pièce. Je me sens transportée dans ma jeunesse où lors des fêtes de famille, ces mêmes parfums m’emplissaient de bonheur et enveloppaient tout mon être d’une délicieuse chaleur que je retrouve aujourd’hui. En fait, ma définition du bonheur a toujours été de pair avec les bons petits plats de ma mère ou ma grand-mère, j’en souris de plaisir à m’en décrocher la mâchoire. À ce moment d’extrême béatitude, ma mère entre vêtue d’une djellaba bleue avec des liserés dorés pas vraiment gracieux dessinant des arabesques et un turban sur la tête dans les mêmes tons que sa tenue. Il y a tout de même une recherche au niveau vestimentaire mais c’est tout simplement horrible ! Si ce n’était que ça… Elle porte fièrement un vase, comme on porte une coupe de championnat, contenant des fleurs et le pose au centre de la table basse. Ça aurait pu ajouter une agréable touche décorative seulement, elles sont complètement défraîchies ! Je saute littéralement du canapé, entraînant avec moi l’assiette d’amuse-bouche posée sur la table. Je suis partagée entre l’envie de crier, de hurler ou de m’enfuir ! Seulement, ma mère a un tempérament impulsif, voire colérique, dans ses meilleurs moments, donc j’évite d’envenimer la situation ; malgré tout, je nous embarque dans un échange houleux à quelques instants de la venue de Caroline de Sainte Forge… C’est plus fort que moi ! 

— Maman ? Tu peux m’expliquer pourquoi ce bouquet est si défraîchi, enfin plutôt fané ou peut-être est-ce un nouveau style ? Et pourquoi tu ne mettrais pas celui que je t’ai envoyé ce matin pour ton anniversaire ? 

— Ton bouquet est dans ma chambre et celui-là, je l’ai pris sur la tombe de pépé ce matin ! Les fleurs seront de circonstance ce soir, tu ne trouves pas ? 

— La tombe de pépé ? Maman, tu ne peux pas me faire ça aujourd’hui ! 

Je respire un grand coup, je reste zen. Je ramasse l’assiette et son contenu que je mets de côté pour le jeter… Je prends ma mère par les épaules, l’éloignant de la table basse en la ménageant au maximum puis je me précipite pour prendre le vase et le pose derrière le canapé afin qu’on ne l’aperçoive pas ». 

  • Crise de Foi de Sylvie B.H. aux éditions Hugo Stern, 270 pages, 19,80€. 

Article et propos recueillis par Gérard Kleczewski.

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