Croix chrétienne, Étoile de David, levons le voile islamique sur ces symboles et dévoilons le voile. Par David Duquesne

À travers ce triple regard — croix, étoile, voile — il est temps de lever le voile sur l’inversion des rôles : quand l’humilié d’hier affirmait sa foi en secret, l’identitaire d’aujourd’hui exige la reconnaissance publique de sa différence — parfois au détriment du commun.

Paradoxalement, la croix chrétienne et le vêtement jaune, jadis imposées par l’islam comme marques d’humiliation, sont aujourd’hui arborées avec fierté. Le vêtement imposé aux Juifs devenant l’étoile de David par un continuum historique particulier. Le voile islamique, lui, est devenu en Occident un outil d’auto-stigmatisation victimaire, dans des sociétés où les musulmans jouissent des mêmes droits que tous.

Il est frappant de constater que deux des symboles religieux les plus puissants du monde contemporain — la croix chrétienne en pendentif et l’étoile de David — ont pour origine non pas une revendication libre et joyeuse de foi, mais une mesure d’humiliation imposée par des dominations hostiles.

Dans les califats islamiques du Moyen Âge, les chrétiens dits dhimmis devaient porter une croix visible autour du cou, en plomb ou en bois, pour bien signaler leur infériorité religieuse dans l’espace public. Les juifs, eux, étaient affublés de turbans ou de ceintures jaunes, parfois de marques visibles cousues sur leurs vêtements — bien avant la rouelle médiévale ou l’étoile jaune nazie.

Ces signes visaient à exclure, rabaisser, contenir, dans un ordre social hiérarchisé par la loi islamique, où seuls les musulmans étaient pleinement citoyens.

Mais l’histoire a ses ironies. La croix imposée aux chrétiens orientaux est devenue pendentif de foi, de mémoire et de dignité. L’étoile que les antisémites voulaient infamante est aujourd’hui le cœur du drapeau d’Israël, symbole de fierté nationale et spirituelle.

L’humiliation a été retournée en identité. Le stigmate est devenu bannière.

Et voici que le phénomène s’inverse.

Dans les sociétés occidentales sécularisées, la croix n’est imposée à personne. L’étoile jaune est un traumatisme historique condamné unanimement. Et pourtant, un autre symbole religieux revient sans cesse au centre du débat public : le voile islamique.

Contrairement aux croix ou étoiles jadis imposées, le voile n’est aujourd’hui exigé par aucun État occidental. Il est porté volontairement, parfois avec insistance, dans des contextes où aucune discrimination religieuse institutionnelle n’existe.

En France, en Belgique, en Allemagne, les femmes musulmanes ont les mêmes droits que toutes les autres : voter, travailler, étudier, choisir leur mari, pratiquer leur foi ou non.

Mais une partie d’entre elles — ou de leur entourage — choisit délibérément d’adopter un signe vestimentaire qui les désigne comme différentes, séparées, pures, dans une société jugée impure, impie ou sexuellement dissolue.

Et dans le même mouvement, accuse cette société de stigmatisation.

Là où la croix et l’étoile étaient imposées par le pouvoir dominant, le voile devient instrument d’auto-stigmatisation stratégique, outil victimaire, parfois levier pour obtenir des droits spécifiques ou des accommodements communautaires.

Ce paradoxe n’est pas anodin : il reflète deux visions du monde.

Dans la tradition occidentale, héritée du Moyen Âge puis des Lumières, le vêtement est un marqueur de statut, puis un espace de liberté individuelle. À l’exception des périodes de persécution (comme avec la rouelle), il ne doit pas signaler une appartenance religieuse dans l’espace public commun.

Dans l’univers musulman classique, au contraire, le vêtement est religieux par essence : il sépare, ordonne, hiérarchise. Le corps de la femme musulmane devient un champ de bataille identitaire et spirituel, dont le voile est l’étendard. Non porter le voile dans un pays musulman, c’est se marginaliser. Le porter dans un pays occidental, c’est affirmer une altérité.

La laïcité devient l’ennemie à abattre, non parce qu’elle persécute, mais parce qu’elle ne reconnaît pas d’exception.

Dans cette dynamique, le voile n’est pas seulement un bout de tissu. Il est l’outil volontaire d’une stigmatisation inversée, qui vise à :

• dénoncer une société d’accueil pourtant non discriminante,

• refuser l’assimilation tout en réclamant des protections spécifiques,

• et parfois retourner l’égalité en privilège communautaire.

Le combat pour la liberté religieuse ne doit pas être confondu avec le droit de s’imposer comme victime dans un espace égalitaire.

La croix et l’étoile ont appris à se redresser face à l’oppression.

Le voile, dans certains discours, se penche pour mieux accuser.

Ce renversement du stigmate en stratégie n’est pas une libération : c’est un jeu de pouvoir masqué, qui transforme des sociétés tolérantes en coupables imaginaires, et des refus d’intégration en prétextes à domination symbolique.

Conclusion : le retour du vêtement comme outil de pouvoir ?

L’histoire nous enseigne que les civilisations dominantes imposent leurs codes aux dominés, et le vêtement fut l’un des instruments les plus visibles de cette hiérarchie. Sous les grands califats, les non-musulmans devaient porter des signes distinctifs, vivre à part, se soumettre — par leur apparence même — à l’ordre islamique. La croix au cou, les chaussures jaunes, les ceintures infamantes étaient les symboles d’un pouvoir religieux qui ne tolérait la différence que sous conditions.

Aujourd’hui, dans les sociétés occidentales ouvertes, les règles sont inversées : plus personne n’impose de marque, chacun est libre. Et pourtant, certains utilisent cette liberté pour affirmer une singularité intransigeante, qui ne réclame plus seulement la tolérance mais la reconnaissance de droits différenciés — jusqu’à parfois exiger l’adaptation de la société à leurs codes religieux.

Si cette dynamique n’est pas freinée, l’avenir pourrait bien ressembler au passé.

Ce qui commence par le voile revendiqué peut conduire, demain, à une société à deux vitesses : les musulmans affichés, dominants culturellement, et les autres, relégués au statut de « tolérés » dans leur propre pays.

Car l’étape suivante, si l’on suit la logique historique islamique, ce n’est pas la coexistence. C’est l’assujettissement, y compris vestimentaire, des non-musulmans à l’ordre moral, spatial et symbolique du groupe dominant.

Alors que la croix et l’étoile furent arrachées au mépris, il ne faudrait pas que la société occidentale, par naïveté ou lâcheté, se laisse réimposer les codes mêmes qu’elle avait rejetés.

Non plus pour humilier les croyants — mais pour soumettre les incroyants ou les croyants « non conformes ».

Ce serait là le retour du stigmate, mais cette fois, au nom de la tolérance.‌‌

© David Duquesne

Infirmier, David Duquesne est l’auteur de « Ne fais pas ton Français! Itinéraire d’un bâtard de la République », paru chez Grasset en 2024, récit de sa douloureuse assimilation en tant que fils d’une musulmane d’origine algérienne et d’un français.

« Je suis né dans le Nord, à Lens, au coeur d’un quartier populaire. Ma mère Houria, d’origine kabyle, dut se battre pour s’arracher au traditionalisme familial. Elle rencontra mon père à l’usine, à la fin des années 1960. Je suis le fils d’une musulmane d’origine algérienne et d’un Français.

J’ai grandi avec ce double héritage, voyant mon quartier changer, les positions identitaires se crisper, le désir d’intégration se désintégrer, le communautarisme s’emparer des familles, la défiance et la violence s’installer, l’islamisme gagner du terrain…

Éduqué par la République, je partageais et défendais farouchement ses valeurs universalistes. Aux yeux de la communauté d’origine de ma mère, j’étais un traître ; aux yeux de certains Français, soit un métèque à jamais incarcéré dans ses origines, soit un provocateur « islamophobe ».

Pour sortir de cet étau, j’ai décidé de raconter l’histoire de ma douloureuse assimilation, qui témoigne du déchirement vécu par tant de « transfuges identitaires » dans une France en mutation ». 
David Duquesne

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2 Comments

  1. Vous avez raison de souligner un aspecte du voile souvent négligé par les médias et les bonnes âmes : en plus d’un signe de soumission de la femme à l’homme, c’est un signe de la (prétendue) supériorité de la femme musulmane par rapport à toutes les autres femmes – y compris les musulmanes qui ne le portent pas – qui sont de ce fait stigmatisées comme impures, et bonnes à être violées. En ça aussi, le voile se distingue de la croix ou de l’étoile portées en bijou, de la kippa ou du col romain du prêtre.

  2. La laïcité n’est qu’un mot _ quatre syllabes vides de sens, du mot. Cela fait plus de quarante ans que la laïcité, la République, la démocratie et l’Etat de droit ont disparu en France pour faire place à un immense territoire perdu de la République. La laïcité a été conçue pour lutter contre l’emprise de l’église catholique. Face aux enjeux modernes (suprémacisme islamiste et racisme des « racisés », haine des Chrétiens, des Juifs, des Blancs, des apostats et des femmes) la laïcité n’a jamais eu la moindre utilité. Je ne dirais pas que la laïcité a accéléré notre chute : il suffit de regarder l’horreur de l’Irlande et du Royaume-Uni (les pays anglo-saxons sont anti-laics) pour se rendre compte que ce n’est pas le cas…Mais la laïcité n’est qu’un assemblage de quatre syllabes aussi vides d’intérêt qu’un slogan publicitaire pour dentifrice. Je pense que le cas du monde occidental est déjà plié. En Europe de l’ouest, seule l’Italie et la Corse (si elle quitte le giron de la France qui n’est plus française) pourraient peut-être s’en sortir. Aux États-Unis, seuls les États du sud (à condition qu’ils fassent sécession) pourraient échapper a la même déchéance que celle touchant l’Europe de l’Ouest et le Canada.

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