Daniel Sarfati. « Pierre Nora »

Grand intellectuel, historien, promoteur des sciences sociales en France, académicien, Pierre Nora s’est éteint à l’âge de 93 ans. 

Il alliait érudition et élégance. 

Son obsession, la mémoire et le débat. 

Son meilleur ami au lycée Carnot fut le futur historien Pierre Vidal-Naquet dont la famille avait été déportée pendant la Shoah. 

La famille de Pierre Nora avait été, miraculeusement préservée. 

Vidal-Naquet devint l’intime de cette grande famille de la bourgeoisie juive, rue de la Boétie, fasciné par le père de Pierre Nora, éminent urologue évoquant à table les « verges qu’il avait taté le matin à l’hôpital ». 

Entre les deux amis, des hauts et des bas, des rapports chien et chat, de frères ennemis que Pierre Nora explique par cette « brisure » de la Shoah qui hantait Vidal-Naquet et que lui n’avait pas connu. 

Pierre Nora ne comprend , au départ, sa judéité qu’à travers l’œil de l’antisémite, il a lu « Réflexions sur la question juive » de Sartre. 

Ce n’est qu’après sa rencontre avec Emmanuel Levinas qu’il découvre la « positivité » de la culture juive. Mais, il ne poursuit pas plus loin, « trop paresseux pour apprendre l’hébreu ».

Il refuse de visiter Auschwitz « par crainte de me laisser engloutir dans ce trou noir, dont je ne saurais pas remonter ».

Mais, le matin du 5 juin 1967, entendant à la radio qu’Israël était attaqué, il passe chez lui prendre un petit bagage et se retrouve à faire la queue devant l’ambassade d’Israël, afin de s’engager, « le fantasme d’un second holocauste m’était insupportable ».

Il fera plusieurs fois le voyage en Israël, rencontrera Shimon Peres, et s’engage dans le camp de la paix. 

Il explique cette solidarité par le sentiment « d’un héritage commun et d’une évidente proximité existentielle ».

Il va conclure en se définissant, malgré tout, comme un homme libre de toute contrainte et assignation identitaire : 

« Si il fallait, en définitive, caractériser d’un mot ce que représente pour moi la dimension juive de ma propre histoire, je serais tenté de dire, avec cette éternelle habitude de fuir une identification par une autre, et de n’être nulle part où l’on m’attend : rien et tout ; tout et rien ».

Pierre Nora me donne envie de poursuivre le débat. Avec intelligence et nuance. 

Qu’il repose en paix au cimetière des mentsch.

© Daniel Sarfati
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2 Comments

  1. Oui
    D’accord
    Mais ce qui est fichtrement intéressant c’est le parcours de pierre nora ,son père et ses frères pendant la guerre jusqu’a ce que les allemands prennent le contrôle de la zone libre .car c’est seulement à partir de ce moment là que pierre nora a été inquiété car traqué par la gestapo.

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