Verbatim
Je voudrais dire un mot du dernier bombardement infligé au Hezbollah, qui a eu lieu au petit matin du samedi 25 août et où 7000 roquettes et missiles, tous modèles confondus, ont été détruits. Cette action avait réussi grâce à un excellent travail du Renseignement, qui a fourni des informations précises sur où attaquer et comment.
Ce succès du Renseignement a été possible grâce à la coopération de deux organismes responsables du recueil des données au Liban, à savoir le Mossad et Aman (le Renseignement militaire) et comme il y a une saine émulation entre ces deux services, les renseignements fournis à l’aviation se sont avérés d’excellente qualité.
Par ailleurs, concernant des cibles au Liban, il n’y a pas de notion de « classement de cibles ». Cette notion introduisant de sévères critères d’ouverture de feu, elle est en conséquence soumise à l’autorisation d’une instance non opérationnelle, qui se trouve être le représentant du Corps Juridique Militairedonc, un… juriste, qui peut interdire l’ouverture du feu, car il peut estimer, que des civils sont susceptibles d’être touchés.
Le Liban a une particularité par rapport à Gaza: c’est l’absence presque totale des ONG occidentales, car le Hezbollah ne les tolère pas. À Gaza, il y a des ONG, présentes également en Israël et qui s’avèrent être des antennes pro-Hamas qu’Israël, sous les pressions internationales, est obligé d’accueillir. À leur tour, ces ONG exercent des pressions sur les instances israéliennes et notamment sur le système juridique israélien civil et militaire.
Il y a quelques jours, nous avons eu une illustration de ces pressions :
La Cour Suprême d’Israël a émis, à l’adresse du gouvernement israélien, une injonction comminatoire de laisser la Croix Rouge visiter les terroristes du Hamas, pour vérifier si les conditions de détention de ces dégénérés sont en accord avec les conventions des droits de l’Homme.
Au Liban cette problématique n’existe pas, car l’absence d’ONG au Liban permet à l’armée d’avoir une plus large liberté d’action et ce sont des officiers de terrain qui décident des règles d’ouverture de feu. Par conséquent, le travail de l’armée est plus efficace et plus précis, donc moins porteur de “dégâts collatéraux”.
Je reviens à Gaza. C’est la branche du shabak (la sécurité intérieure), l’unité 8200, qui est responsable du recueil des renseignements, principalement à l’aide des technologies high-tech, et une autre branche du shabak est chargée de l’analyse et de l’interprétation des résultats. Or, lors de la tragique nuit du 6 au 7 octobre, une grande partie de moyens sophistiqués de 8200 se sont avérés inefficaces, car neutralisés pas les terroristes ou en panne par manque d’entretien, qui incombe au shabak.
Revenons à la matinée du 7 octobre 2023. Dans un des kibboutzim, un membre de la défense citoyenne du kibboutz voit arriver un groupe de plusieurs dizaines de terroristes. Il contacte le commandement militaire dont dépend son kibboutz. Il demande d’envoyer un hélicoptère “Apache” pour contrer les terroristes. On lui répond: “Nous n’avons pas d’hélicoptères”. Il demande une liaison directe avec le commandement général de l’aviation militaire et l’obtient. Et là on lui donne cette réponse ahurissante : “La représentante de la conseillère juridique militaire, présente avec nous, interdit toute ouverture de feu dans des agglomérations civiles”.
(C’est cette règle, édictée par la juridiction militaire, qui obligeait, préalablement au bombardement d’un immeuble que l’on savait truffé de terroristes, de lancer sur le toit de cet immeuble une faible charge pour prévenir les habitants d’une prochaine destruction du bâtiment et leur laisser le temps de fuir.
NdT : Or, les conventions de Genève stipulent que “toute cible civile utilisée à des fins miliaires, sous certaines conditions, devient une cible légitime”.1
Le soir à 20h30 de cette horrible journée, Ouzi Dayan, général en retraite qui a toujours des contacts avec des officiers supérieurs, est interviewé par la chaîne 14, qui diffuse en continu depuis le matin. Le journaliste pose la question: “Où est l’aviation ?”. Ouzi Dayan, probablement au courant de l’interdiction d’ouverture de feu par la représentante de la conseillère juridique militaire, répond: ” Absente, à cause des problèmes juridiques”.
Du fait de l’absence d’armée autour de la bande Gaza, s’est produite une autre conséquence terrible : les véhicules des terroristes, chargés d’otages, ont pu tranquillement faire plusieurs allers-retours entre les kibboutzim attaqués et Gaza.
À 11h30 on commence à se rendre compte que la situation sur le terrain est catastrophique. Netanyahou déclare l’état de guerre à la télé. Mais là encore, on fait remarquer au premier ministre, que seul le gouvernement est habilité à déclarer “l’état de guerre” et qu’en conséquence sa déclaration est illégale. Par conséquent, aussi aberrant que cela puisse être, l’aviation obéit aux juristes et non au premier ministre.
D’ailleurs, il est probable, mais cela reste à prouver, que personne ne met au courant Netanyahou que les juristes interdisent à l’aviation d’intervenir. Depuis des années, l’armée israélienne fonctionne de façon indépendante. Donc, tous les échanges avec les juristes militaires sont considérés comme internes à l’armée et confidentiels: il est par conséquent inutile de tenir les politiques au courant.
Il y a même un dicton concernant l’armée israélienne :
“Ce n’est pas Israël qui possède une armée, mais c’est l’armée qui possède un pays, Israël…“
Pire, la juridiction militaire est inféodée à là la Cour suprême civile. Résultat de fait : Israël se trouve en “dictature juridique”, où la Cour Suprême s’érige en pouvoir suprême au-dessus du législateur et d’autres corps constitués, comme l’armée.
Netanyahou convoque le gouvernement à une réunion extraordinaire, qui sera très houleuse et finalement, vers 20 heures, l’état de guerre est déclaré, toute la procédure juridique s’enclenchant à partir de là et l’armée passant à l’action, car “l’état de guerre” l’autorise à utiliser ses moyens.
On peut se poser la question : pourquoi aujourd’hui, Netanyahou ne rend-il pas toute cette histoire publique ?
La réponse est toute simple : Il n’en a pas le droit :
– s’il divulgue ce qui s’est réellement passé, il viole la sacro sainte règle de séparation des pouvoirs, (politique vs juridique), d’autant plus que la justice en Israël, de par la loi, est indépendante et souveraine ;
– Comme tous les événements se sont déroulés au sein de l’armée, ils sont couverts par le secret défense. Donc, s’il rend les événements publics, il risque une condamnation pour divulgation des secrets militaires.
Ehoud Barak, le meneur principal des manifestations violentes contre la loi qui devait encadrer le pouvoir de la Cour suprême, a dit : “Pour conserver la démocratie, qui est incarnée par la Cour suprême, nous devons être prêts à verser des fleuves de sang dans le Yarkon2 ».
Et voila que tous les idiots utiles, qui naïvement ont suivi les appels d’Ehoud Barak à manifester violemment dans les rues israéliennes, n’auraient pas pu voir, même dans leurs pires cauchemars, que les ignobles déclarations de Barak deviendraient réalité par milliers de morts et blessés et centaines d’otages.
Avi Weiss
Édouard Gris pour la Traduction
Notes
1 L’article 52 du 12 août 1949 des Conventions de Genève précise : “En ce qui concerne les biens, les objectifs militaires sont limités aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l’action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l’occurrence un avantage militaire précis”
2 Yarkon : rivière qui coule au nord de Tel-Aviv.
Avi Weiss, ancien officier de police de Saint-Jean d’Acre, est rédacteur en chef adjoint du site Internet The Comet .
Beaucoup d incoherence dans ce récit
On est bien d’accord. Mais alors qu’il est publié et republié, je ne lis aucun “démenti”.