Merci, les Houthis ! Par Raphaël Jerusalmy

Ces actes de piraterie ont pluieurs effets bénéfiques. Par exemple un rapprochement de l’Arabie saoudite et des pays du golfe persique avec Israël, pour des motifs purement commerciaux

Des houthis se réjouissent à leur arrivée à l’aéroport de SanaaAP Photo/Hani Mohammed

Ces derniers jours, les Houthis du Yémen ont intensifié leur campagne de plusieurs manières. Ils ont étendu leur théâtre d’opérations à l’océan Indien, en sus de la mer Rouge. Ils ont tenu un “sommet” de concertation avec le Hamas et plusieurs factions terroristes palestiniennes, à l’encontre de l’injonction iranienne qu’ils avaient reçu de calmer le jeu. Et ils ont annoncé qu’ils allaient s’équiper de missiles hypersoniques. Cette série de mesures s’avère particulièrement avantageuse pour Israël

Il est à noter que les Houthis s’investissent actuellement dans une entreprise qui n’a rien à voir avec leur raison d’être, laquelle est indépendantiste et nationale. Opposés au gouvernement yéménite central internationalement reconnu, les Houthis ont pour objectif d’établir un état islamique chiite. Depuis 2015, ils ont combattu l’Arabie saoudite et ses alliés qui étaient intervenus militairement au Yémen pour maintenir ce gouvernement officiel, aujourd’hui exilé.

La récente intervention des Houthis en mer Rouge, posant une menace sérieuse pour le commerce maritime mondial, a eu pour effet de forcer la communauté internationale à ce qu’elle tenait à éviter à tout prix : s’impliquer militairement dans le maintien de la sécurité et de la stabilité au Proche-Orient. L’arrivée d’une coalition navale en mer Rouge est une aubaine pour Israël, soulageant Tsahal du fardeau de ce front supplémentaire. En étendant leurs opérations vers l’océan Indien, les Houthis rendent nécessaire un renforcement de cette coalition et son déploiement jusque dans des zones maritimes dont la Chine et l’Iran tiennent à s’assurer le contrôle. Pékin et Téhéran ne voient pas cette dernière initiative houthie d’un bon œil.

Ces actes de piraterie ont un autre effet bénéfique. Celui d’un rapprochement de l’Arabie saoudite et des pays du golfe persique avec Israël, pour des motifs purement commerciaux qui s’ajoutent aux desseins géopolitiques existants. De fait, de grandes quantités de marchandises à destination d’Israël passent aujourd’hui par ces pays arabes, à bord de convois routiers, ressuscitant en quelque sorte les caravanes de la route de la soie qui traversaient la région jusqu’aux ports de la côte méditerranéenne. Le Hamas et les Houthis, plutôt que de saboter les tentatives de normalisation des pays arabes avec Israël, en facilitent l’implémentation sur le terrain. Elles instituent une communauté d’intérêts à défendre.

En s’associant au Hamas, les Houthis s’isolent du reste de la région qui se tient plutôt sur la touche. Cette alliance de fortune montre à quel point le Hamas est désespéré, quêtant au sud, loin de la zone des combats, un soutien sur lequel il comptait au nord et à l’est. Les deux factions, tant à Gaza qu’au Yémen, mènent un combat contre des ennemis similaires. Qui ne sont pas les Israéliens, mais l’OLP et le pouvoir en place à Ramallah, en ce qui concerne le Hamas. Les Houthis, eux, sont en guerre contre Al-Qaïda, Daech et plusieurs autres mouvements salafistes. Là aussi, ils liguent leurs rivaux de façon inattendue. Le Hamas est un mouvement djihadiste pur et dur. Il ne représente pas l’aspiration nationale palestinienne. Il en va de même pour les Houthis dont le nom est celui de la tribu dont ils sont issus pour la plupart. Leur organisation, elle, se nomme Ansar Allah, ou « Armée de dieu ». Qu’on se le dise…

L’ultime bourde que commettent les Houthis, ces jours-ci, enhardis par la timidité opérationnelle de la coalition internationale, et houspillés par Moscou, c’est de se targuer d’avoir bientôt des missiles hypersoniques à leur disposition. Ce qui ferait d’eux la première organisation terroriste au monde à atteindre ce type d’armement. La menace houthie n’est pas à négliger. Les chiffres conservateurs parlent d’au moins 250.000 soldats et d’un lourd arsenal de missiles balistiques et de croisière ainsi que de drones d’attaque. Sûrement, le passage à l’hypersonique est une ligne rouge qu’on ne peut permettre à des terroristes de franchir. L’annoncer publiquement va entraîner un durcissement des positions de la coalition internationale et pourrait même l’inciter à mener un assaut préventif.

L’alliance Houthis-Hamas remet en évidence la globalité du problème. Et donc de la solution. Ce qu’il se passe à Gaza a des répercussions planétaires. N’oublions pas que, en sus du détriment économique, les attaques des Houthis causent d’énormes dommages écologiques à la vie marine. A l’instar, de la protection de la nature, ce sont toutes les valeurs du progrès qui sont mises ici au défi. Par celles de l’obscurantisme. L’entrée dans la danse des Houthis est bénéfique à Israël à plus d’un titre. Alors d’ici, à Tel-Aviv, je leur lance ce message de gratitude. Merci, les Houthis !

© Raphaël Jerusalmy


Ancien officier du renseignement militaire israélien, Raphaël Jerusalmy, auteur notamment d'”Evacuation” chez Acte Sud ou “Des Sex Pistols à l’intifada” chez Balland, est analyste politique sur i24News

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