Comme Julien Bahloul, nous savons que ce ne sera plus jamais “comme avant”

Julien ­Bahloul. Julien Daniel / MYOP pour Le Figaro Magazine

Né en France d’où il est parti pour fuir l’antisémitisme, cet ancien porte-parole de Tsahal lutte contre la désinformation anti-israélienne dans les médias, notamment français, sans épargner les dirigeants de l’État hébreu.

“Lorsque la guerre se terminera. Lorsque les bébés et les mamies otages retrouveront la liberté. Lorsque nous retournerons au café à l’angle de la rue. Lorsque nos enfants retrouveront le chemin de l’école. Lorsque les sirènes ne retentiront plus la nuit. Lorsque les éclairs d’orages remplaceront les lumières d’explosions dans le ciel. Lorsque la pluie d’automne effacera le sang coulé sur le sol. Lorsque nos amis troqueront leur uniforme pour une tenue de sport. Lorsque nous les retrouverons. Lorsque nous retournerons danser ensemble. Serons-nous vraiment les mêmes qu’avant ? Aurons-nous la même insouciance qu’avant ? Arriverons-nous à reprendre nos vies où elles se sont arrêtées ? “Je danse avec dans mon cœur des soldats morts”, chante Shlomo Artzi. La vie reprendra son cours. Mais le pays ne sera peut-être jamais le même qu’avant le 7 octobre. Les ombres des familles assassinées sauvagement accompagneront chacun de nos pas au quotidien. Les visages des jeunes tués au festival nous hanteront à vie chaque fois que nous ferons la fête. Les images des enfants massacrés seront dans nos esprits chaque fois que nous regarderons les nôtres. La blessure ne saignera plus. Mais la cicatrice restera. Une cicatrice de plus de notre histoire qui vient s’ajouter à tant d’autres. Je glisse ici des paroles d’une chanson israélienne que j’aime beaucoup. “Et peut-être, peut-être, lorsque tout sera fini. Nous pourrons bâtir une vie avec tout ce qu’il restera”. 19 octobre 2023. Julien Bahloul

Non, nous n’allons pas bien. En apparence la vie d’avant semble être revenue un peu partout en #Israel. Mais ce n’est qu’en apparence. Rien n’est comme avant. Au calendrier les dates défilent, mais dans nos têtes nous sommes toujours le #7Octobre. Des images nous hantent. L’image de la famille Bibas nous hante lorsque l’on croise dans la rue une femme rousse avec un bébé dans les bras. L’image de Keshet, un jeune de 21 ans tué à Nova, nous hante lorsque l’on voit un adolescent aux cheveux blonds danser en boîte de nuit. Des images nous traversent l’esprit lorsque l’on retrouve un proche ami rentré du front, mais qui parfois ne semble pas tout à fait avec nous. Un bruit de moto fait sursauter nos enfants, persuadés qu’une sirène d’alerte se déclenche. Des témoignages de survivants, que l’on tente parfois d’éviter pour se préserver, finissent toujours par nous rattraper. Des nuits blanches passées à imaginer le calvaire que vivent les otages. Des nuits blanches à tenter d’imaginer comment nous pourrions continuer à vivre si notre enfants étaient retenu otage aujourd’hui. À tenter d’imaginer ce que ces parents et enfants massacrés lors du pogrom ont vécu dans leurs derniers instants. À se rappeler ces innombrables fois où l’on a porté nos enfants en pleine nuit pour descendre aux abris lorsque la sirène retentissait, en espérant arriver à temps avant le son de l’explosion. En se souvenant de cette sensation que la vie de tes enfants est littéralement entre tes mains. Je ne cherche pas à entrer dans une course à l’empathie entre nous et Gaza. Ce n’est pas le sujet. J’habite à Tel Aviv, pas à Gaza. Je témoigne de ce que je vois, de ce que nous vivons. Il y a quelques semaines je suis tombé sur les paroles de la chanson “Quelques mots d’amour”, de Michel Berger. Plus de 40 ans après, les mots résonnent comme un hommage aux 364 jeunes massacrés à Nova le 7 octobre : “Il manque quelqu’un près de moi Je me retourne, tout le monde est là D’où vient ce sentiment bizarre Que je suis seul? (…) Et dans ces boîtes pour danser Les nuits passent inhabitées J’écoute les battements de mon cœur me répéter Qu’aucune musique au monde ne saura remplacer Quelque mots d’amour Je t’envoie comme un papillon À une étoile Quelques mots d’amour”. 11 mars 2024. Julien Bahloul

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3 Comments

  1. En France nous ignorons ce que c’est de devoir se précipiter dans un abri avec nos enfants dans les bras, au son des sirènes d’alarme. Mais les absents nous hantent. Et nous sommes seuls sous un déluge de stupidité, de mensonges antisémites. En pensée avec vous, et avec ces absents 🙁

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