Lettre ouverte à Emmanuel Macron, Président de la République française. Par Jérôme Enez Vriad

Stéphane Cardinale/ Corbis/ Getty Images
 Monsieur le Président,

 Je crains hélas ! que cette humble missive ne vous parvienne pas. Son signataire est un pauvre plébéien dont les patriciens qui vous entourent font d’ordinaire peu de cas. 
 Je vous écris toutefois avec amour. Pas la moindre ombre de haine ni de rancœur. Soyez certain de mon incapacité à l’ironie facile et la goguenardise raffinée ; je n’ai pas cette maestria aristocratique. Avec amour de la France, donc, raison suffisante pour m’adresser à l’homme qui lui aura causé les plus grands maux depuis la dernière Guerre mondiale. Certains s’en étaient chargés avant vous avec application, mais il faut reconnaître votre persévérance autrement plus zélée que la leur : vous les surpassez haut la main. Chapeau bas !  

 J’ai pour vous une compassion infinie. J’insiste. Car vous devez beaucoup souffrir. Oui ! Vous souffrez, c’est indéniable, sinon comment imposer autant de douleur aux Français sans en subir soi-même les pires affres ? Attention ! Je ne souhaite nullement votre démission. Non pas. Mais une autre forme que celle du cynisme dont vous faites preuve en permanence me satisferait. Comment dire ? Je ne suis pas de ceux qui votent pour les extrêmes. Je préfère m’abstenir. Oh ! Pas par morale – j’ai passé l’âge de la bonne conscience des urnes – mais par orgueil à me sentir davantage aimer la France que vous-même, ce qui ne semble guère difficile. Face au cynisme, on se doit d’opposer un minimum de réalité : impossible de soûler avec un verre supplémentaire celui qui vient de s’enfiler la bouteille entière.

 Ma lettre illustre une vérité dont nombre de femmes et d’hommes de ce pays aimeraient vous faire part si votre politique ne les avait pas anesthésiés. Certains ne s’expriment plus faute de croire en un meilleur avenir : anesthésie de l’espoir… D’autres risquent la censure journalistique ou celle des réseaux sociaux : anesthésie sociale… D’autres encore ont perdu la foi : anesthésie de résistance… Le peuple n’a désormais plus la force de dire que votre magistère politique est un maillon supplémentaire dans la chaîne de destruction du pays engagée depuis… ouh là ! déjà trop longtemps. 

 Pour comprendre, remontons à ce que fut la France de la Renaissance – retour de la pensée gréco-romaine et de l’avènement des Lumières – époque où s’épanouirent moult esprits parmi les plus brillants d’Occident, et peut-être du monde. Remémorons-nous également quelques noms. Ceux de nos rois universellement célèbres. François 1er… Louis XIV… Louis XVI… Ceux de nos Empereurs fascinent encore à des siècles de distance ; ils portèrent le titre de Napoléon, et l’héritier du trône celui fort élégant d’Aiglon… Puis ceux de nos Présidents, car une république bien menée accomplit de merveilleuses choses ; citons Patrice de Mac-Mahon, duc de Magenta et maréchal de France, l’un des plus grands militaires que le pays ait connu… Raymond Poincaré qui signera dix volumes de ses mémoires Au service de la France… Georges Pompidou citait Éluard dans le texte… Charles de Gaulle, Président « gréco-romain », excellent latiniste et exceptionnel helléniste… François Mitterrand et son immense culture littéraire…  Ça avait de l’allure ! n’est-ce pas ? Certes. Mais c’était hier.     

 Êtes-vous toujours là, monsieur le Président ?
 Je vous en remercie, car j’insiste, de ce que vous lisez rien n’est écrit avec rancune. Je dis simplement ce que je crois être la vérité. Objective. Sincère. Pourquoi Dieu ! en serait-il autrement puisque vous n’êtes qu’un tigre de papier : seul le peuple est puissant.

 J’écris cela parce que chacun doit être conscient d’où il vient, et un Président de la République française vient des urnes. De nulle part ailleurs. Seulement voilà ! Lorsque plus personne (à tout le moins plus grand monde) n’a vocation à faire son devoir d’électeur, il est alors essentiel d’envisager le mal que vous avez fait et continuez de faire à la démocratie, puisque depuis 2017 les Français votent moins à chaque élection. Vous les en avez dégouté. 

 En ces temps difficiles où la classe moyenne redevient pauvre, et où la misère est plus grande aujourd’hui que lorsque vous avez pris les rênes de ce pays, il est de moins en moins rare de voir dormir des gens dans la rue. Oh ! Pas les immigrés dont vos services sociaux se chargent à merveille aux frais du contribuable… Que nenni ! Ceux-là sont bien au chaud l’hiver et rafraîchis l’été. J’évoque ici les réels nouveaux pauvres, gentleman du RSA à qui vous imposez quinze heures de travail hebdomadaire afin de satisfaire votre électorat peau de chagrin. Ce n’est plus la banale taxation de la misère par les nantis, plutôt l’assujettissement seigneurial du monarque sur ses sujets.  

 A propos. Vous qui avez toujours rêvé d’une couronne, la République vous a fait prince en partage du titre avec l’évêque d'Urgell. Situation difficile, j’en conviens,  pour un homme qui aime diriger seul, d’autant qu’un (demi) titre andorran ne fait pas un véritable prince, à peine un roitelet. 

 Nombreux sont ceux à me dire qu’il est inutile de vous écrire. Sans doute ont-ils raison. Mais je suis dans une salle d’attente d’hôpital et le délai pour être soigné aux Urgences a considérablement augmenté ces dernières années, ainsi ai-je du temps pour mettre en forme cet échange et je le souhaite constructif ; vous savoir me lire serait la satisfaction de la générosité avec laquelle je pose ces mots sur le papier, et qui me font tout entier à vous dans ce qu’ils expriment de sincère. 

 D’autres me disent que vous êtes rancunier. On tentera d’intercepter mon propos… Volonté de me faire taire… Il y aura des représailles…. Qu’importe. Personne ne m’empêchera de publier cette lettre. Peut-être restera-t-elle un billet perdu dans le flot des bafouilles destinées à vos services. J’aime toutefois l’envisager entre vos mains pour savoir ce qui se passe lorsque l’on vient grossir l’afflux des opposants à votre politique. 

 Écrivant cela, me vient une question. 
 Que fait-on lorsque les meilleurs politiciens ne souhaitent plus faire de politique ? … Lorsque les plus brillants élèves des grandes écoles quittent le pays ? …  Lorsque d’immenses artistes n’ont plus le goût de la France ? … Voulez-vous des noms, monsieur le Président ? Cela n’est guère utile, vos conseillers les connaissent. Ah j’oubliais ! Et que se passe-il quand les électeurs souhaitent offrir un mandat aux extrêmes, de gauche comme de droite – pour l’extrême centre, nous vous avons, monsieur le Président, et à nul autre pareil vous êtes le meilleur – ; que se passe-t-il, disais-je, lorsque les partis radicaux chauffent les urnes face à votre politique clivante ? 

 Vos amis… vos soutiens… vos électeurs… disent que la situation n’est pas aussi dramatique qu’il y paraît. Soit ! Tout ne va pas si mal. Même si la violence est exponentielle à chaque coin de rue… Même si l’antisémitisme et l’homophobie se répandent de manière tentaculaire sur tout le territoire… Et même si l’absence d’objectivité de votre entourage ressemble au pire de ce que la monarchie absolue a connu dans ce pays. 

 J’en suis d’ailleurs à me demander si le retour d’un roi – préférons les Bourbon en mémoire de Louis XVI vendu par les Orléans – un roi prêtant serment sur une monarchie constitutionnelle ne serait pas préférable à votre présence élyséenne. Après tout ! Nos élus savent ce que les Français pensent mais aucun gouvernement n’en tient compte, et quand on organise un référendum, il a lieu dans de telles conditions qu’Exécutif et Législatif s’accordent afin de n’en pas respecter le moindre mot ni la plus petite promesse. 

 Vive le roi ! 
 Pourquoi pas, s’il nous débarrasse des Présidents mal élus.  

 Vous dire également ceci au sujet de la France d’aujourd’hui. Non pas la vôtre, elle ne vous appartient pas, mais ce que vous en avez fait. Elle périclite de toute part – je vous ferai grâce d’une rébarbative énumération qui allongerait substantiellement ce courrier jusqu’à la fatigue – de toute part et en tout lieu. Par exemple. Charlemagne, père fondateur de l’école moderne, serait aux effrois d’apprendre ce qu’elle est devenue. Ce pays n’instruit plus ses écoliers, pas davantage ses collégiens ni lycéens, pire ! l’enseignement actuel abrutit ceux qu’il devrait enrichir ; raison pour laquelle vous me permettrez d’emprunter le format de cette lettre à celle qu’écrivit Fernando Arrabal au général Franco en 1971. L’Éducation nationale n’est plus qu’un copié-collé anamorphosé de ce que furent les Humanités de mes grands-parents, je m’adapte à la situation en vous copiant-collant le travail de señor Arrabal dont je n’ai ni le talent et moins encore le génie ; exactement comme vous, je recycle : moi un poète espagnol, vous la loi Veil d’une femme qui doit se retourner dans sa tombe. Bref, nous sommes dans l’époque, monsieur le Président, votre époque, celle qui marquera l’histoire du néologisme macronisme : copié-collé des belles choses en déliquescence. 

 Vous avez mis des menottes au printemps, monsieur le Président, personne ne croit désormais plus en un avenir radieux. Dernière lubie en date ! Déclarer la guerre à une Russie millénaire dont même le communisme triomphant n’a pas réussi à avoir la peau. Que de haine ! Oui. D’inconséquence aussi. Vous voyez des Russes là où il n’y en a pas, sans considérer les antisémites et les coupeurs de têtes là où ils sont : chez nous.  Dommage… Triste… Effrayant… Mais nous sommes habitués puisque vous préférez les armes au référendum. Il me souvient à ce propos de Goethe affirmant que « rien n’est plus inconséquent qu’une logique conséquente. » Le problème est que la logique de votre politique n’est conséquente « en rien » ni de « rien ». Ou l’inverse. On ne sait plus. Avec vous tout est possible. Y compris le pire. 

 Les inquisiteurs imposent toujours l’intolérance. La vôtre à l’égard des Français n’est plus à démontrer. Votre France empeste. Elle ressemble à un funérarium. Tout y brûle. Rien n’y prend vie. Cette France du « en même temps » souille l’avenir. Alors…

 … Vive la révolution ! Même pas. Vous ne méritez aucun soulèvement populaire qui satisfasse de vous faire entrer dans les livres, monsieur le Président. Personne ne souhaite voir Emmanuel Macron, fût-ce à titre posthume, au côté des visages les plus illustres de ce pays. En tout cas pas moi.   

 Amicus Plato sed major amicus veritas.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Mars 2024 – Tribune Juive & J.E.-V. Publishing

Jérôme ENEZ-VRIAD 

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6 Comments

  1. Bravo Mr , mais je ne suis pas certain qu un homme qui prend la Guyane pour une ile et qui ignore l existence d une culture française soit capable de une phrase de votre joli texte .
    Malheur au pays qui subit un tel assaut de mediocrité , et ……qui semble s en contenter .
    La France aura vecu et donné au monde , mais tout cela c est dans les livres d histoire .

  2. Una carta escrita con una gran sensibilidad y sentido de estado, entendiendo éste como lo que es, es decir, como un medio de organizarse para alcanzar el bienestar general del pueblo y eso parece que se les olvida a quienes hacen política actualmente sea en el país que sea…sin duda un grito de libertad que espero suene alto y claro y llegue lo más lejos posible, Jérôme Enez-Vriad!!! Enhorabuena una vez más por tu valentía…

  3. Bof, alors que la France brûle, ça blablate encore (avec style, ok) au lieu d’agir ? Donc en résumé, on torche un texte d’analyse politico-économique-tendance psy à propos d’un psychopathe qui ruine le pays et on prévoit de répèter les scénarii 2017 et 2022 qui ont permis son élection grâce aux “dégoutés” dont la priorité absolue est qu’il ne faut surtout pas donner sa voix “aux extrêmes” LOL. Clarifions cette appellation utilisée comme bouclier magique par la macronie pour se faire réélire les doigts dans le nez : Reconquête, Les Patriotes, RN, NDA, De Villiers, Messiha et même Cnews ! On sait depuis longtemps, le bruit des pantoufles amènele bruit des bottes, alors en clair, sans action politique concertée, ce blabla vertueux est totalement inefficace. Il faut voter aux élection européennes, le 9 Juin (un seul tour) pour élire des eurodéputés efficaces. Car qui ne dit mot consent.

  4. @Novak D’où l’importance essentielle de la sémantique car c’est en tronquant les étiquettes et en falsifiant les pots que les extrêmes véritables sont parvenus au pouvoir dans tout le “monde libre”. La Bête Immonde, l’extrême droite et le nazisme modernes sont l’islamisme et les indigénistes pro Hamas. La FI est un parti nazi et le pouvoir français coche également toutes les cases du fascisme. Si cela était su et compris, si l’on parvenait à rompre la newspeak en place, alors la majorité des électeurs comprendraient que faire barrage au fascisme et à l’extrême droite dans les urnes c’est voter contre la FI, la NUPES et LREM. Et il serait alors possible de se débarrasser du fascisme au pouvoir. Pour pouvoir combattre ses ennemis,il faut d’abord comprendre leur nature et les nommer par leur nom : voilà d’ailleurs pourquoi le terme “islamogauchisme” me semble totalement contre-productif : les Mélenchonistes et les décoloniaux ne sont pas des “islamogauchistes” : ce sont des islamonazis et des nazis tout court.

  5. On peut difficilement faire plus extrémiste que Macron et son allié Mélenchon. Il est d’ailleurs fréquent que le fascisme prenne le pouvoir par la voie électorale : les exemples ne manquent pas. Seul un peuple complètement dégénéré, déculturé et déshumanisé, peut voter massivement Macron ou Mélenchon. Ce ne sont pas tous les Français, loin de là mais cela représente suffisamment d’individus pour que la société soit irrespirable. On en meurt de vivre dans ce pays, au physique et aussi au moral : (sur)vivre en France est devenu pour moi une agonie spirituelle. A mes yeux, la France a cessé d’exister en 2017.

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