Moi, Guedalia, Gouverneur de Judée, assassiné en -586. Par Joëlle Galimidi

Je m’appelle Guedalia (ce qui signifie “D.ieu est grand”) Ben Ahikam.

Je ne suis pas connu du grand public, et pourtant j’ai un jeûne annuel à mon nom le lendemain de Roch Hachana, je vais vous expliquer pourquoi.

Mon histoire se situe environ 500 ans après les règnes des rois David et Salomon, précisément durant les deux mois suivant la destruction du 1er Temple de Jérusalem par les Babyloniens en -586. 

La destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor (enluminure médiévale)

Le roi Nabuchodonosor avait emmené à Babylone nos leaders, nos élites et la famille royale.

Il m’a nommé moi, obscur descendant de ministres, comme gouverneur de la Judée et de quelques 6000 pauvres paysans qui ne possédaient rien, laissés là pour continuer la production de spécialités locales et nourrir les fonctionnaires babyloniens.

Un sceau à mon nom (ou au nom d’un autre Guedalia)

Il faut dire que le membre de la famille royale que Nabuchodonosor avait mis sur le trône venait de se rebeller, ce qui l’avait conduit à finalement détruire Jérusalem et le Temple.

Ce n’étaient pas des intellos que les Babyloniens m’ont laissés, mais je me suis quand même bien débrouillé : je les ai exhortés à accepter la tutelle babylonienne, j’ai encouragé la reprise des travaux des champs, la reconstruction de villes, le retour de ceux qui avait fui dans les pays environnants, même le prophète Jérémie, à qui on a laissé le choix, a préféré me rejoindre que d’aller à Babylone. C’est lui qui raconte mon histoire dans la Bible.

Mais ô surprise, les peuples alentour ne voyait pas d’un bon œil le retour de Judéens en Judée. Rien de nouveau sous le soleil, comme disait le roi Salomon.

Le roi des Ammonites, capitale Rabbath-Ammon, future capitale de Jordanie sous le nom d’Amman, a fomenté mon assassinat.

Les Ammonites sont de vieux ennemis, le roi David avait déjà vaincu une coalition d’Ammonites et de Syriens.

Le roi d’Ammon donc, s’est allié avec un Judéen jaloux nommé Ishmael ben Netanya, qui estimait que le pouvoir devait lui revenir car il était de lignée royale, contrairement à moi.

Quand mes officiers m’ont prévenu de ce complot, je n’ai pas voulu croire qu’un frère juif  viendrait me tuer, alors que je l’avais invité au banquet de Roch Hachana !

Qu’Itzhak Rabin me jette la première pierre !

Car Ishmael et ses hommes m’ont bel et bien massacré, avec les Juifs présents et les gardes babyloniens laissés par Nabuchodonosor. 

J’aurais dû mieux étudier les lois de Lashon Hara : même si on ne doit pas croire à une calomnie, il faut quand même la prendre au sérieux.

Des Sages du Talmud me jugeront sévèrement, me rendant responsable par ma naïveté et mon imprudence de la mort des autres victimes d’Ishmael. 

Ensuite, une grande partie des Judéens survivants s’enfuira en Égypte, malgré la prophétie de Jérémie selon laquelle D.ieu leur demandait de rester en Israël où il les protègerait, mais ils n’échapperont pas aux représailles babyloniennes.

Ce sera la fin de cette tentative de renouveau et Israël ne sera plus que ruines et désolation. 

Il faudra attendre 70 ans le retour d’une (petite) partie des exilés de Babylone avec Ezra et Néhémie pour voir la reconstruction du pays, de Jérusalem et du Temple.

(CF https://www.tribunejuive.info/2023/02/05/joelle-galimidi-moi-nehemia-jai-rebati-les-murailles-de-jerusalem/)

Nos Sages ont institué un jeûne à mon nom le 3 tichri pour plusieurs raisons :

  1. Commémorer la perte de l’autonomie de la Judée

Ceux qui contesteront notre lien multimillénaire avec Jérusalem et Israël sont soit incultes, soit de mauvaise foi. 

Savent-ils que nous jeunons 4 fois par an depuis des millénaires en raison de ce lien ?

– le 10 téveth : début du siège de Jérusalem par les Babyloniens, 

– le 17 tamouz : première brèche dans la muraille de Jérusalem par les Romains,

– le 9 av : destruction des deux Temples de Jérusalem,

– le 3 tichri : disparition de la dernière braise d’autonomie juive sur la terre d’Israël, comme l’écrira joliment Maimonide.

Nos Sages ont ajouté d’autres commémorations de malheurs à ces jours car, vue notre histoire tourmentée, si on avait institué un jeûne par catastrophe, nous serions morts de faim en plus du reste…

  • Commémorer la mort d’un tsadik (un juste)

D’après le Talmud, les Sages ont établi ce jeûne “pour vous enseigner que la mort du juste équivaut à l’incendie du Temple de notre Seigneur”. 

  • Commémorer mon assassinat par un autre Juif.

Ce jeûne sera conservé malgré la renaissance de l’état d’Israël en 1948 et le retour de l’autonomie juive, pour que vous réfléchissiez aux conséquences de la division et de la trahison au sein de notre peuple.

Hélas, le peuple qui proclame dans le Chéma que l’Eternel est Un a un sérieux problème d’unité.

Des Juifs qui recherchent le soutien de puissances étrangères pour influer sur la politique israélienne, qui sont prêts à détruire le pays parce qu’ils pensent avoir raison ou veulent le pouvoir, on en verra d’autres !

Quelques exemples : 

A la mort en -67 de Salomé Alexandra, reine de Judée, ses fils Hyrcan II et Aristobule II se disputeront la royauté. Ces deux nigauds feront même appel au Romain Pompée… qui assiègera le Temple en -63.

Bar Kamtsa, pour se venger d’avoir été publiquement humilié par un autre Juif, dénoncera son peuple à l’Empereur romain, l’accusant de rébellion contre Rome.

Un membre du mouvement Neturei Karta, une petite faction de juifs ultra-orthodoxes antisionistes qui s’opposent à l’existence d’Israël, brandit un drapeau palestinien

On a beau ne pas être du même avis, nous sommes un seul peuple, nous avons un seul minuscule miraculeux merveilleux pays.

Ah, face au danger nous nous unissons : vous verrez dans deux siècles la belle unité de Pourim devant la perspective de génocide d’Haman, ensemble vous prierez et jeunerez, ceux qui allaient au festin d’Assuérus et ceux qui n’y allaient pas, ceux qui s’agenouillaient devant Haman et ceux qui ne s’agenouillaient pas. 

Mon cœur saigne pour vous, vos tués, vos blessés, vos captifs. (Lisez… ou pas Jérémie 39-6 et 7, ce sont les mêmes méthodes barbares).

Mais votre Etat d’Israël restera fort et autonome et survivra à ce massacre, alors que le mien, même réduit à un petit protectorat babylonien, disparaitra.

Je ne vous donne pas de conseils, je suis un tsadik, un juste, pas un politicien. Si gouverner c’est prévoir, je n’ai rien vu venir.

Essayez juste de ne pas recommencer à vous entredéchirer quand la guerre sera finie.

Et moi, je raconterai sans cesse, je chanterai le Dieu de Jacob. (Téhilim 75-10)

וַאֲנִי אַגִּיד לְעֹלָם אֲזַמְּרָה לֵאלֹהֵי יַעֲקֹב

© Joëlle Galimidi

Sources :

Prophètes – Jérémie chap. 39-6 et 7 et 40 à 46  

Talmud https://www.sefaria.org/Rosh_Hashanah.18b.6?lang=bi&with=all&lang2=en

https://www.sefaria.org/Niddah.61a.15?lang=bi&with=all&lang2=en

https://www.sefaria.org/Mishneh_Torah%2C_Fasts.5.2?ven=Maimonides%27_Mishneh_Torah,_edited_by_Philip_Birnbaum,_New_York,_1967&vhe=Torat_Emet_363&lang=bi&with=Sheets&lang2=en

https://www.torah-box.com/vie-juive/fetes/jeune-guedalia/le-jeune-de-guedalia-pourquoi_5113.html

https://www.jforum.fr/pourquoi-le-jeune-de-guedaliah.html

https://www.academia.edu/648364/Gedaliahs_Seal_Material_Revisited_some_preliminary_notes_on_new_evidence_from_the_City_of_David_in_M_Luketski_ed_New_Seals_and_Inscriptions_Vol_2_2012_published

https://www.i24news.tv/fr/actu/international/1695230346-un-groupe-d-ultra-orthodoxes-antisionistesrencontrent-le-president-iranien-a-l-onu

***

Merci aux groupes Limoudénou et Haverot


Me Joëlle Galimidi, avocate depuis 35 ans, est associée du Cabinet d’avocats HM GALIMIDI, à Paris. Impliquée dans des associations juives (Hilel Campus), sensibilisée par la professeure Liliane Vana au problème des femmes en attente de Guett, Me Joëlle Galimidi participe à des ateliers et conférences sur le Guett. 


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