La colonne de Judith Bat-Or. Journal d’une Invisible -41-

Judith Bat-Or

J’attends avec impatience le jour où les disputes entre nous reprendront, où le ton montera à nouveau, signe que nous aurons vaincu une fois de plus l’adversité, qu’Israël aura survécu

“Le terroriste souriait en nous arrosant de balles”, raconte un des blessés du massacre de la Rave Party, depuis sa chambre d’hôpital. Il s’était caché avec un groupe. Lui seul a survécu. Il se souvient du regard de son amie, les yeux grand ouverts. “Elle était morte”, termine-t-il avant d’éclater en sanglots.

Une jeune femme rapporte, elle, avoir vu un terroriste passer d’une voiture à l’autre, exécuter les gens réfugiés à bout portant à l’intérieur. Certains disent que les assassins “avaient mis de la musique. Ils riaient en tirant”.  Un autre, encore hébété, a conclu : “Ils aiment la mort, nous la vie. C’est pourquoi nous gagnerons”. 

Je l’espère moi aussi, cette victoire. Car ne nous leurrons pas, il s’agit aujourd’hui de l’existence même d’Israël. Les médias et les politiques s’accordent même pour juger la situation pire encore qu’en 1973, lors de la guerre du Kippour, qui a coûté la vie à 3020 Israéliens, en trois semaines de combats.

Une question nous ronge tous : comment a-t-on été surpris ?! Alors qu’au cours de cette année, cinquante ans après le conflit de 1973, les médias n’ont cessé de parler de cette tragédie, d’en rappeler le déroulement, décrivant l’impuissance des soldats, l’angoisse existentielle et le terrible bilan. Alors que journalistes, historiens, analystes en ont rabâché les causes – la suffisance de l’armée et des dirigeants du pays qui, après la guerre des Six Jours, se croyaient invincibles – et la défaillance criminelle des services de renseignements.

Pendant des mois, en écoutant les reportages et interviews des protagonistes d’alors, la peur en moi a monté. Car j’entendais dans les discours des dirigeants actuels, dans leurs menaces aux stéroïdes adressées à nos ennemis, la même dangereuse arrogance. Car je sentais leur surdité face aux avertissements des cadres de l’armée. Car, obnubilés par leurs agendas politiques, ils semblaient avoir oublié la haine farouche que nous vouent les terroristes de Gaza, du Sud Liban et d’Iran. 

J’ai horreur d’avoir eu raison.

Quoi qu’il en soit, maintenant, l’heure n’est ni aux débats internes ni aux règlements de compte, mais à l’union, qui fera notre force dans cet affrontement, vers notre objectif commun : l’éradication du Hamas.

Ainsi, depuis samedi, les Israéliens résilients se serrent les coudes dans un élan formidable de solidarité. Chacun selon ses moyens se mobilise pour soutenir son armée de défense – je souligne : de défense –, et secourir les victimes, leurs proches et leurs amis. En seulement trois jours, trois cent mille réservistes ont rejoint leur unité. Par centaines, ils interrompent leurs vacances à l’étranger pour revenir, pour servir. Des vols ont été spécialement affrétés pour leur permettre de rentrer.

Les initiatives citoyennes en tout genre se multiplient. Des groupes Whatsapp se sont ouverts pour organiser l’accueil des habitants du Sud évacué, de familles souvent amputées par le pogrom de Simhat Torah, toujours traumatisées. D’autres se rassemblent pour collecter habits, denrées alimentaires, médicaments, biberons, équipements électroniques… et les distribuer à ceux qui n’ont plus rien. D’autres encore recrutent des volontaires, femmes et hommes, pour s’occuper des enfants de réservistes appelés. Dans chacun de ses centres, submergée par leur nombre, la Magen David Adom (la Croix-Rouge israélienne) refuse des donneurs de sang et les invite à retenter leur chance le lendemain.

Nul n’évoque plus la division. De gauche ou de droite, laïcs et religieux se retrouvent dans la même peine et la même volonté. C’est l’urgence qui l’impose. C’est la décence qui l’exige.

Et moi qui n’aspire jamais qu’à l’entente et l’harmonie, j’attends avec impatience le jour où les disputes entre nous reprendront, où le ton montera à nouveau, signe que nous aurons vaincu une fois de plus l’adversité, qu’Israël aura survécu.

© Judith Bat-Or

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