“Le thriller de l’été”: “Liquidation à Pôle Emploi”, de Judith Bat-Or. -4-

***

Laurence peut se vanter d’un certain nombre de qualités. La douceur n’est pas de ce nombre. Ce qu’elle accepte sereinement. Elle n’en a jamais eu besoin. La douceur, ça n’avance à rien. Voire pire, ça retient en arrière. Quand ça n’a pas l’effet  inverse  de  celui  escompté.  Les  exemples  sont  légion. Même  si,  à  brûle-­‐ pourpoint, aucun ne lui vient à l’esprit. D’ailleurs comment lutter contre sa nature profonde ? Elle n’a pas hérité du gène de la douceur. C’est comme ça et pas autrement. Chacun ses tares. Basta ! Sauf que maintenant il en va de son amie Zaza. Elle ne veut pas risquer de la reperdre aussitôt après l’avoir retrouvée juste pour une histoire d’ADN. D’autant que l’ADN, c’est pas coulé dansle bronze. Il y a l’inné, l’acquis, et les aléas de la vie. C’est prouvé. Scien-­‐ti-­‐fi-­‐que-­‐ ment. Si les gens peuvent évoluer. Alors les gènes aussi. À moins que ce soit dans l’autre sens. Qu’importe, elledoit tenter le coup. Rien n’est jamais perdu d’avance. Surtout que, par écrit, la douceur, c’est plusfacile. On a le temps de

réfléchir. De bien peser ses mots. Et garder le contrôle de soi. Laurence reprend confiance. La douceur ! Yes, I can. Elle se tope dans la main. Et sourit pour la première fois depuis le lapin de Zaza.

Mercredi 10 avril, 18h17

Coucou Zaza, c’est moi…

Elle se gratte le nez, plisse les yeux, à la recherche de la suite. Finalement, c’est parfait comme ça. Sans question ni reproche. Juste un salut amical. Un rappel simple et discret à son bon souvenir.Pas un mot de leur rendez-­‐vous. Ni du lapin, évidemment. Laurence aime bien aussi la fin en points de suspension. Manière de porte ouverte. À une excuse peut-­‐être. Non, pas besoin d’excuses. Simplement d’une explication. Même pas, une réponse suffira. Elle n’est pas rancunière. Encore un gène manquant.

« Et c’est parti ! dit-­‐elle, en appuyant sur “envoi”. »

Il ne lui reste qu’à attendre. Elle se lève pour marcher en rond, tromper son impatience. Elle fait un tour de l’agence, saute à pieds joints, tourne encore, tend les bras en l’air écartés, inspire profondément.

« Et… Soufflez ! »

Elle se plie en deux. Et expirer ! Le coup de la respiration, théoriquement pour la détente,l’électrise au contraire. Il n’y a rien à faire, elle fonctionne toujours à l’envers. Comme si on l’avaittransplantée depuis un autre hémisphère. Mais que la greffe n’avait pas pris. Peut-­‐être que parmi sesancêtres se cachent des aborigènes. Décidément, les gènes ! C’est dingue, j’y ai jamais pensé.Pourtant, ça expliquerait tout. Ou au moins, pas mal de choses. En attendant, elle s’énerve. On dirait que le zen non plus ne coule pas dans ses veines.

Elle court à l’entrée, tire la porte, l’agite comme un éventail pour se rafraîchir le cerveau et retourne à son téléphone. Pas de réponse de Zaza. En fait, son premier message n’était sans doutepas assez clair. Elle doit en envoyer un

autre. Toujours en douceur, bien sûr. Elle réfléchit, se mord un ongle. Ça y est, elle a trouvé.

« Excellent !  se  réjouit-­‐elle  en  tapant  son  texto.  La  douceur,  ma  seconde nature. »

Mercredi 10 avril, 18h21

Au cas où tu n’aurais pas enregistré mon numéro, c’est moi, ma Zaza, ta Laulau. Plein de kissous. À très vite.

Elle sait que cette hypothèse est improbable, voire impossible : Zaza et elle ont échangé denombreux messages hier soir. Avant le retour de Hugo ! Le fils

« parfait » de Zaza. Elle n’a que son nom à la bouche – Hugo par-­‐ci, Hugo par-­‐là ! Dévoué,généreux, affectueux, à l’écoute. À tel point qu’il a renoncé pour elle à sa carrière. L’abnégation àvingt-­‐cinq ans, Laurence n’y croit pas une minute. Elle aurait plutôt tendance à trouver ça suspect.Malsain aussi. Elle ne s’est pas privée de le dire à Zaza. Ni de se moquer gentiment – et un peu lourdement ? – de   sa   fierté   démesurée.   Elle-­‐même   adore   sa   Luciole   en   toute   lucidité. L’aveuglement maternel, un autre grand absent de son code génétique. En tout cas, avec ce message, Zaza comprendra que Laurence lui laisse le bénéfice du doute. Qu’elle lui propose une amitié adulte et respectueuse. Sans jugements ni comptes à rendre. Un message tout en finesse. De la dentelle ! seflatte Laurence. Zaza finira par répondre. C’est sûr. Vraiment ? Évidemment.

L’inquiétude la rattrape. Et si Zaza ne répond pas ? Et si elle avait tout gâché avec sa précipitation ? Et son approche rentre-­‐dedans ? Elle résiste vaillamment au découragement : Zaza, sa vieillecopine, est en difficulté ; ce n’est pas le moment de se laisser abattre. Elle doit se montrer forte pour deux. Dire à Zaza qu’elle la soutient. Quoi qu’il arrive. Et quoi qu’elle fasse. Ou ne fasse pas.

Mercredi 10 avril, 18h24

J’espère que tu sais, ma Zaza, que tu peux tout me demander. Et tout me dire aussi.

Attendre. Encore attendre ! Elle s’affale dans le fauteuil au dossier queue de paon. Et se relève d’un bond. Elle a besoin d’urgence de passer ses nerfs sur quelqu’un. Ce sera sur ce foutu siège.

« Oh  toi !  tu  vas  dégager »,  lui  promet-­‐elle,  en  agitant  le  doigt  dans  sa direction.

Soudain, un éclair !, une idée, juste une phrase à ajouter, comme une main tendue. Tous lesdétails importent dans ce genre de situations. Sans doute ferait-­‐ elle  mieux  de  ne  pas  insister autant.  Peut-­‐être,  mais  elle  est  lancée.  C’est  son côté Pitbull. Une fois, qu’elle a mordu elle ne peutplus lâcher.

Mercredi 10 avril, 18h25

Fais-­moi signe quand tu veux.

Au moment d’envoyer, elle se ravise et ajoute :

À n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.

Maintenant, ça suffit. Elle se jure d’arrêter. Et de laisser le temps au temps.

Mercredi 10 avril, 18h26

J’espère que tout va bien. Dis-­moi que tout va bien. Si tu as besoin de moi, de quoi que cesoit, n’hésite pas.

Apéro Royal

Il est entré dans la maison avec ses bottes crottées. Rien que pour le plaisir de  braver  sa  mère  outre-­‐tombe.  Il  a  traversé  à  pas  lourds  la  cuisine,  le  salon. Répandant de la boue partout. Il est monté à l’étage jusqu’à la chambre de ses parents. Il n’aurait pas osé y pénétrer de leur vivant. Deleur vivant ! Hier encore ! Si loin ! Une éternité. Il a adoré saloper leur descente de lit à poil long. Yessuyant ses souliers comme sur un paillasson, en pensant aux pieds de sa mère, si petits, délicats, frétillant nus ici même, le matin au réveil. Ensuite, il s’est déchaussé. Puis lentement déshabillé face àl’immense miroir mural devant lequel sa mère vérifiait sa tenue. Ce miroir qui lui renvoyait l’image de ses chairs flasques. Témoin de sa décrépitude. Pourquoi un si grand miroir ? Et juste à côté du lit ?Pour se mater en baisant ?! Choqué, Hugo s’est ébroué pour chasser cette vision obscène. Dégoûtante. Révoltante ! Il est revenu, ensuite, à lui, à son reflet. Comme il était beau, jeune, ferme !Il a suivi des yeux le mouvement de ses épaules, a contemplé sa chute de reins, le rebondi de ses fesses, puis a légèrement pivoté. Son sexe s’est fièrement dressé quand son regard l’a effleuré. Il s’est alors précipité dans la douche de sa mère. Et s’est frotté avec son gant et son savon. Dans son odeur !Enfin, il a crié. Sans retenue. De tout son corps.

En ressortant, satisfait, il a remarqué la saleté, le sol jonché de terre séchée, et   a   soudain   réalisé   qu’il   devrait   nettoyer   lui-­‐même.   Prenant   conscience, douloureusement, que la mort de sa mère n’avait pas que des bons côtés. Tant pis ! Il faut savoir faire des choix dans la vie. Il ne regrettait pas le sien. Il s’était beaucoup amusé à provoquer sa mère en souillant sa maison. À se l’imaginer outrée. Même à titre posthume. À titre posthume, excellent ! Il arrangerait ça demain.N’avait-­‐il pas assez travaillé aujourd’hui ? Et chèrement gagné son droit à la détente ? Largement assez, oui. Surtout qu’il était en deuil. Il ne fallait pas l’oublier. Il n’avait pas un cœur de pierre. Et il n’allait pas retarder le moment de l’apéritif pour une histoire de ménage. Oui, en effet, l’apéritif. Cartoutes

funérailles qui se respectent doivent se conclure par une biture. Il allait se cuiter dans les règles del’art. Et pas plus tard qu’immédiatement.

Il a allumé la réserve. Qui débordait de victuailles. Il y avait de quoi tenir un siège ! Sa mère se ravitaillait de manière compulsive. C’était pathologique : elle qui mangeait moins qu’un oiseau craignait toujours de manquer et achetait de tout en quantités astronomiques.

« Rassure-­‐toi, maman ! Tu ne manqueras plus de rien. »

Grâce à elle, il allait s’offrir un apéro royal. Il a jeté dans un panier des olives, noires et vertes, des pistaches, noix de cajou, amandes et cacahouètes, et un paquet de mini toasts. Il a balancé un instant entre crêpes dentelle au Cheddar, chips au goût paprika, ou bacon ?, et bretzels, avant d’opter pour « la totale ». Brusquement, il s’est rappelé que son père cachait quelque part une bouteille de vieux Whisky « tranchant et charpenté » – le vieux bavait en l’évoquant – qu’il gardait religieusement pourune grande occasion. Ta volonté sera faite, père. Y a-­‐ t-­‐il plus grande occasion que la mort demaman ?

« Dommage que tu sois mort avant. On aurait trinqué entre hommes. »

Il s’est lancé à la recherche de la fameuse bouteille du « meilleur single malt au monde » et a fini par la trouver. Enfin, il est ressorti. Sans éteindre la lumière. Encore un petit défi. Chargé de ses provisions, il est passé par la cuisine pour préparer son festin. Il a chanté en beurrant les mignons petits toasts, qu’il a ensuite décorés d’œufs de lump, de saumon ou de fromage à tartiner. Il a continué à chanter en emportant son plateau et la bouteille de papa pour rendre hommage à maman.

« Ce soir, on sera tous les trois, a-­‐t-­‐il promis solennellement. Pour la dernière fois. Ah, ah ! »

Il est installé au salon et trempe ses lèvres dans le whisky quand le premier message arrive sur letéléphone de sa mère. Il recrache aussitôt. Quel breuvage

dégueulasse ! Pourquoi les hommes doivent-­‐ils aimer des boissons imbuvables ? pense-­‐t-­‐il enallant se servir un verre de Martini. Pas besoin de jouer les mâles quand il n’y a pas de témoins. Le portable vibre une nouvelle fois. Qui peut bien envoyer des messages à sa mère ? Et encore ? Et encore ! Les SMS se succèdent. Ils arrivent en rafale. Elle me fera chier jusqu’au bout !

Il se décide enfin à y jeter un œil. C’est la meilleure de la journée ! Maman textote maintenant ! Du moins, elle textotait… Elle a envoyé des dizaines de SMS hier. À une certaine Laulau. Laulau ?! Il croit rêver. Et la Laulau en question appelle sa mère « Zaza ». C’est pas possible, il est bourré ! Sauf que non, il n’est pas bourré. Il ouvre les messages. Il y en a une masse… Et de nouveaux arrivent encore.Une véritable avalanche.

Mercredi 10 avril, 18h26

Au fait, je suis venue comme prévu tout à l’heure. Tu n’étais pas chez toi. Qu’est-­ce qui se passe ? Écoute Zaza, fais-­moi confiance. Tu peux tout me dire. Je suis là.

Mercredi 10 avril, 18h27

C’est encore moi, ma Zaza. Est-­ce que je peux t’aider ? Tu sais, t’es pas obligée de vendreta maison. Je ne t’en voudrais pas d’avoir changé d’avis. C’était une idée en l’air. On trouvera autre chose. Il y a toujours plusieurs solutions aux problèmes.

Mercredi 10 avril, 18h27

Ma petite Zaza, j’avoue que je ne comprends pas. Mais, si tu m’expliquais, je suis sûre que je comprendrais. Comme en maths. Tu te rappelles.

Mais d’où elle sort, cette Laulau ? Sa mère n’a jamais parlé d’elle. Quel rapport   avec   la  maison ?   Et   de   quel   droit   le   harcèle-­‐t-­‐elle ?   Même   si théoriquement  ce  n’est  pas  à  lui qu’elle  s’adresse.  Doit-­‐il  répondre  pour  la calmer ? Ou continuer à faire le mort… Il ne peutrésister au rire nerveux qui

monte en lui. C’est vrai que c’est marrant quand même. Nouvelle vibration. Il sursaute ! Encore unmessage de cette folle.

Mercredi 10 avril, 18h27

Je n’en peux plus, ma Zaza, de ne pas avoir de nouvelles. Ton silence m’inquiètevraiment. Ne bouge pas. Accroche-­toi. J’arrive.

Il n’a plus le choix. Il doit agir.

Petit bonhomme gris

Laurence se lève d’un bond. Rien ni personne ne l’empêchera de voler au secours de sa Zaza endétresse.

« Personne n’a essayé, je sais, souffle-­‐t-­‐elle en roulant des yeux.

  • Pardon ? » demande une voix timide.

Laurence pousse un cri de surprise. Abîmée dans ses réflexions, elle n’a pas entendu le carillon de l’entrée. Elle se tourne vers l’intrus. Petit et maigrichon, écrasé sous le poids d’un énorme cartable, on dirait une fourmi en retour de mission.

« Je t’en pose des questions ?! gronde Laurence, en réponse. D’abord, qu’est-­‐ ce que tu fous ici ?»

L’enfant la fixe, médusé. Comme s’il s’était réveillé au milieu d’un champ de mines. Devant son air de panique, Laurence se radoucit.

« Accouche ! l’encourage-­‐t-­‐elle.

  • Je vous prie de m’excuser, Madame… avance-­‐t-­‐il, prudemment. Je cherche la mamie.
  • Quelle mamie ? C’est quoi, ces conneries ? dégoupille-­‐t-­‐elle aussitôt. Putain, là, j’ai pas le tempspour des blagues de gamins !
  • Mais non, Madame, se défend-­‐il. Loin de moi l’intention de me moquer de vous. C’est que jecrois m’être fourré dans un sacré pétrin. Or, autrefois, voyez-­‐ vous… »

Laurence est tellement effarée par sa manière de s’exprimer qu’elle en oublie de l’interrompre, derépliquer, d’aboyer.

« … du vivant de ma grand-­‐mère, j’aurais cherché réconfort et conseils auprès d’elle. Le malheura voulu qu’elle nous quitte il y six mois. Ainsi, en découvrant

votre offre de services, alors que j’errais dans les rues, au comble de la confusion… »

Des jours de brainstorming avant d’arrêter son choix sur ce « Mamie Galère » qui devait casser la baraque pour n’attirer dans ses filets qu’un marmot de douze ans maxi qui parle comme un transfuge échappé d’un siècle passé. Un brin précieux, de surcroît. Et la voilà qui se met à penser dans sa langue ! Elle pourrait relativiser en se disant qu’au fond c’est déjà un début. Mais aujourd’huin’est pas un jour à relativiser. D’ailleurs, la relativité, c’est du pipeau, elle n’y croit pas. Relativité,piège à cons ! Elle revendique son droit à l’exagération et à la mauvaise foi. Et selon ses standards à elle et ses priorités, seule Zaza compte à cet instant. Alors, ce morpion, elle s’en fiche et va lerenvoyer presto pomper l’air de sa mère.

Pourtant   quelque   chose   la   retient.   Quoi   encore ? s’échauffe-­‐t-­‐elle.   Ça commence à bien faire ! Rien. Juste une intuition. La politesse de ce gosse, sa diction, son vocabulaire lui donnent uncôté fossile aussi touchant que risible.

« Bon, la Mamie Galère, c’est moi, finit-­‐elle par avouer.

  • Vraiment ?
  • Ben oui ! Qu’est-­‐ce qui t’étonne ?
  • C’est que je me la figurais… plus… comment dire ?… Ou, plutôt, moins…
  • Si ça ne te plaît pas, tant mieux. Salut. Je suis pressée.
  • Oh si, Madame, bien au contraire, vous me plaisez beaucoup. Vous êtes si jeune,   s’enflamme-­‐t-­‐il,   épanouie,   pétulante.   Comme   un   champ   fleuri   au printemps… »

Laurence se retient de rire. La diversion est bienvenue.

« T’as deux minutes, lui concède-­‐t-­‐elle.

  • Merci, Mamie Galère ! Je vous revaudrai ça.
  • Commence par arrêter de m’appeler Mamie Galère. Moi, c’est Laurence. Et toi ?
  • Je m’appelle Arthur, enchanté », répond-­‐il en tendant la main.

Quelle poigne ! apprécie Laurence. Intriguée, elle attend la suite. Mais il reste muet. Le visage agité de mimiques qui se suivent à une vitesse incroyable ! Comme un ciel nuageux filmé en accéléré.

« J’attends ! le relance-­‐t-­‐elle. T’as deux minutes pas cent sept ans.

  • J’y viens, répond Arthur. Et je respecterai vos consignes. C’est la moindre des corrections. Cependant une telle concision requiert clarté et précision. Aussi ne puis-­‐je me permettre de bâcler mon introduction. »

Après un nouveau silence, que Laurence n’ose troubler, il reprend la parole.

« Je suis prêt maintenant à vous exposer mon affaire. Je commencerai en posant deux vérités connues : “l’intention ne fait pas l’action” et “l’essentiel ne tient pas au savoir mais à son usage”.Ainsi…

  • La ferme ! » le coupe Laurence.

Son portable vibre dans son sac. Et lance un bip familier ! Un message !

« Nom de dieu ! enfonce-­‐t-­‐elle la tête dans son barda.

  • Seigneur ! s’inquiète Arthur. Une mauvaise nouvelle ?
  • Ben, j’en sais rien, putain ! Attends. »

Elle réapparaît enfin. Et son téléphone à la main.

« Alors ? insiste Arthur.

  • Ben laisse-­‐moi le temps de lire. »

Elle clique sur son écran. Une réponse de Zaza !

Mercredi 10 avril, 18h30

Désolé, ma Laulau. Je n’ai pas le temps de parler. J’ai encore changé d’avis. Sauf que cette fois je suis sûr que c’est définitif. J’ai décidé de m’offrir un grand voyage autour du monde. C’est une folie. Je sais. Du coup, je suis très occupé. Donc, je ne vends plus lamaison. Je la laisse à mon fils. Ne t’inquiète pas pour moi. Je n’ai jamais été si bien. Jesuis en paix. Kissous. Zaza

Laurence s’écroule dans son fauteuil. Arthur se précipite :

« Hélas ! Un malheur est advenu.

  • Je l’ai cassée, murmure Laurence. Je l’ai vraiment cassée. Elle était si fragile.

Paumée. Elle s’enfuit loin de moi. Et de mes gros sabots.

  • Voyons,  Mamie…  Laurence.  Ne  vous  laissez  donc  pas  abattre.  Dites-­‐moi tout. Je peux vousaider. Sans vouloir me vanter, je suis assez mûr pour mon âge.
  • On s’en serait pas douté », raille Laurence mollement.

Pourtant, et elle s’en étonnera plus tard, elle ouvre aussitôt les vannes. Et déverse en vrac surArthur le flot de ses réflexions. Lui écoute, concentré. Accroupi à ses pieds. Tenant sa main entre lessiennes. Et dodelinant de la tête.

***

© Judith Bat-Or

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