Renée Fregosi. Offensive islamiste : sortir du déni 

© Femme voilée et parent d’élèves a l’entrée du lycée La Xaviere à Lyon. Soudan/ANDBZ/ABACAPRESS.COM 

Les revendications islamistes ne cessent de se multiplier, notamment à l’école, lieu emblématique et stratégique du combat idéologique entre apprentissage à la libre pensée et à l’esprit scientifique, versus emprise dogmatique et prosélytisme de la soumission. La loi de 2004 sur « le port de signes religieux » a finalement prohibé le voilement de la tête des filles dans l’enceinte scolaire. Mais la logique politico-religieuse spécifique au séparatisme islamiste (ségrégation des sexes et des communautés) poursuit son avancée : invisibilisation du corps des filles par tous les moyens dont l’abaya n’est qu’un avatar, négation de nombreuses connaissances scientifiques, refus des disciplines artistiques ou exigence de prescriptions rigoristes (tabous alimentaires, non mixité). Tout récemment encore, des prières ont été organisées dans des écoles primaires.

Et plus inquiétant peut-être : les pouvoirs publics semblent à nouveau pris au dépourvu. Pourtant, subissant la réislamisation intégriste, des intellectuels de pays dits « musulmans » nous mettent en garde depuis longtemps. Daryush Shayegan expliquait clairement dès 1982 (1), qu’une « révolution religieuse » est une synthèse explosive de traditions (orthopraxie, expansionnisme messianique, antijudaïsme et antichristianisme) et de modernité technologique (armement, transport, communication). Du Caire en 1991, Fouad Zakariya analysait pour sa part « l’islamisme contemporain [qui] voit dans tous les phénomènes qu’il combat l’expression d’une conspiration fomentée contre l’islam par les Croisés, l’impérialisme, le sionisme, la franc-maçonnerie ou l’orientalisme, comme si le reste du monde ne vivait que pour régler son contentieux avec l’islam » (2). Il énonçait alors l’alternative qui est devenue patente : « laïcité ou islamisme ».

Dans l’islamisme, les textes de la religion musulmane sont sacralisés, la séparation des sexes et la haine des femmes et des homosexuels sont poussés à l’extrême, de même que les musulmans sont exhortés à se dissocier, à se « désavouer », de leurs « chiens » d’ennemis, les Occidentaux, les « mécréants », les « impies », les Juifs, les chrétiens, les apostats. Kamel Daoud a mis en évidence cette association des deux détestations étroitement articulées de la culture occidentale et du sexe lorsqu’il a analysé les agressions sexuelles contre des dizaines de femmes allemandes par de jeunes immigrés musulmans à Cologne la nuit de la Saint-Sylvestre 2016 (3). Avec un roman de politique-fiction (4) et ses prises de positions réitérées, Boualem Sansal nous dit lui aussi le monde sinistre que devient la terre sous domination islamiste.

En France, les analyses précises de Gilles Kepel et plus récemment de Florence Bergeaud-Blackler exposent la stratégie islamiste, ses antécédents, ses tactiques et ses ramifications internationales. Phénomène politico-religieux polymorphe où convergent les tendances les plus violentes du jihadisme et les plus quiétistes, les courants salafistes (intégristes prônant un retour au rigorisme religieux prétendument originel) et le frérisme (le mouvement des Frères musulmans admettant tactiquement tout autant des entorses au rigorisme que des actes terroristes), l’islamisme travaille sans relâche à l’expansion de l’intégrisme musulman à travers le monde.

Une offensive islamiste “invisibilisée” et “récusée”

Alors, “comment peut-on savoir sans savoir ? Comment une réalité connue mais douloureuse peut-elle faire l’objet d’un enfouissement collectif aboutissant à sa non-reconnaissance publique ? Quelles sont les logiques par lesquelles on nie l’évidence de ce qu’on ne veut pas voir, on discrédite ceux qui tentent de le montrer, on requalifie ce qu’on ne parvient plus à taire, et finalement on justifie l’injustifiable ?” Ces interrogations pourraient parfaitement s’appliquer à l’offensive islamiste “invisibilisée” et “récusée” par les pouvoirs publics et une partie importante de la société française au cours de plus de quatre décennies.

Mais ce n’est pas du tout l’objet de l’analyse de Didier Fassin d’où est tirée cette citation (5). Bien au contraire, concernant “la question raciale”, l’auteur s’échine à voir les traces pourtant de plus en plus ténues de la domination occidentale, considérant même que “certains débats nationaux autour du  ‘voile islamique’ ou des ‘viols collectifs’ se trouvaient de fait saturés de représentations racialisées et souvent racistes du monde social” (6). Hors de propos par conséquent, de prendre au sérieux le poids de la misogynie dans la culture musulmane, le leg (colonial et esclavagiste, expansionniste et oppresseur) des califats et de l’empire ottoman dans l’idéologie islamiste ou l’autoritarisme des gouvernants desdits pays musulmans.

Filons alors la paraphrase facétieuse en retournant la question à tous ceux qui, universitaires et responsables politiques, refusent de voir la menace islamiste. Comment des intellectuels peuvent-ils nier l’existence de l’offensive islamiste alors qu’ils sont censés connaitre la sociologie de l’emprise et les caractéristiques du totalitarisme ? Pourquoi a-t-on banalisé les marques de l’islam politique en les enfouissant dans la catégorie générique des “signes religieux” ? Pourquoi discréditer cette minorité lucide, venue d’une gauche démocratique et sociale en l’accusant d’être passée du côté des “réactionnaires” et de la “fachosphère” parce qu’elle ose dénoncer l’islamisme ? Comment a-t-on pu requalifier l’islamisme en mouvement émancipateur contre “l’islamophobie” ? Comment en sont même venus certains à “comprendre” jusqu’à l’injustifiable des attentats jihadistes ?

Céline Pina a exposé l’islamo-clientélisme politique et Pierre-André Taguieff a défini le phénomène de l’islamo-gauchisme. Assimilant l’islamisme à l’islam, l’islam aux populations immigrées maghrébines et africaines, et les immigrés aux nouveaux “damnés de la terre”, et retrouvant la logique des « avant-gardes » minoritaires qui réalisaient la “jonction avec le peuple” par l’infiltration de mouvements de masse, on considère le mouvement islamiste comme un cheval de Troie pour une stratégie anticapitaliste. L’islamisme devient un allié “objectif” contre l’Occident honni.

Lever le déni ?

Mais comment expliquer l’influence grandissante de cette idéologie « progressiste » dévoyée sur de larges secteurs des sociétés occidentales, imprégnant jusqu’aux institutions nationales, européennes et internationales ? La multiplication des enquêtes d’opinion, la compilation des “atteinte à la laïcité”, pas plus que la succession des attentats terroristes islamistes ne contribuent à lever le déni sur la réalité de l’offensive islamiste. Même au contraire, la confrontation avec le réel semble renforcer son ignorance, sa dénégation, son travestissement, et exacerber la violence des attaques contre ceux qui regardent les choses en face, les nomment, les combattent.

La psychanalyse nous dit que le déni procède d’une sidération ingérable autrement que par la négation résolue de l’évènement foncièrement inacceptable qui l’a déclenchée. En somme, on nie la réalité de l’offensive islamiste parce qu’elle est traumatisante et inflige une blessure narcissique insupportable. Ainsi, ceux-là mêmes qui prennent fait et cause en faveur des islamistes ne peuvent paradoxalement admettre l’éventualité de subir une agression quelconque de la part de “pauvres musulmans archaïques sous-développés”. Il est pour eux inconcevable que les musulmans, islamistes ou non, requalifiés en  “éternelles victimes dominées” des Occidentaux, puissent être, ni ne puissent jamais avoir été, agresseurs, dominateurs, esclavagistes, racistes, antisémites, et en l’occurrence, puissent réussir à imposer par la force et la ruse l’islam politique en France et plus largement en Europe.

Si ce délire négationniste relève de la psychose ou de la démence sénile d’une civilisation en déclin irrémédiable, aucune cure ne pourra en venir à bout. Gageons alors que ce déni du réel islamiste ressorte plutôt d’une névrose pouvant sinon être guérie, du moins être contenue par la mise en œuvre de politiques publiques enfin cohérentes et courageuses contre les trois piliers de l’islamisme : l’apartheid des femmes, l’imposition de pratiques musulmanes rigoristes et l’antisémitisme en parole et actes, qu’il s’appelle “antijudaïsme” ou “antisionisme”.

© Renée Fregosi


Notes

1 – Daryush Shayegan, “Qu’est-ce qu’une révolution religieuse”, Paris, Les Presses d’aujourd’hui, 1982
2 – Fouad Zakariya, “Laïcité ou islamisme. Les arabes à l’heure du choix”, Ed. La découverte, Paris, 1991, p. 27
3 – Kamel Daoud, “Cologne, lieu de fantasmes”, Le Monde, 29 janvier 2016
4 – Boualem Sansal, 2084, Éditions. Gallimard, Paris 2015
5 – Didier Fassin, “7. Du déni à la dénégation. Psychologie politique de la représentation des discriminations”, dans : “Éric Fassin, De la question sociale à la question raciale ? Représenter la société française”. Paris, La Découverte, “Cahiers libres”, 2006, p. 131-157
6 – Fassin, Didier et Éric Fassin. “Introduction. À l ‘ombre des émeutes”, dans : “Éric Fassin De la question sociale à la question raciale ? Représenter la société française”. La Découverte, 2006, pp. 5-16.



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6 Comments

  1. J’ ai cru comprendre du texte, et d’ autres lectures, que les différents costumes ( abaya, voile …) imposés par les islamistes aux femmes étaient destinés à invisibilisé leur corps.
    Au contraire il s’ agit que les femmes soient très visibles ( pas leurs formes c’ est vrai ) pour faire masse et pour mettre en porte à faux les femmes typées, par exemple de type maghrébin, qui ne porteraient pas l’ uniforme. Ces femmes seraient obligées de rejoindre le groupe. Beaucoup plus que ” l’ invisibilisation ” c’ est à mon sens ce qui est recherché : faire de telle sorte que toute femme susceptible d’ être considérée comme musulmane ( à tort ou à raison) porte l’ uniforme et accroise ainsi la visibilité de l’ islam.

  2. Le combat mené par les adeptes de la laïcité exclusive est injuste et vide de sens. Apprenons plutôt le “vivre ensemble” en accueillant nos différences telles des richesses qu’il convient de partager !

    • @Luc Davin “Le vivre ensemble”…Après ce qui vient encore d’arriver à Bdx vous pouvez écrire une telle aberration ? Sans honte ?…
      Une société qui ne protège pas ses enfants et qui les met en danger au nom du “vivre ensemble” est une société criminelle.

    • @ Luc DAVIN

      Avant on ne parlait pas du ” Vivre Ensemble ” car il allait de soi.
      On en parle maintenant parce qu’ une partie des gens issus de l’ immigration n’ en veulent pas. Ils ont un esprit de conquête incompatible avec le ” Vivre Ensemble “.

  3. Avec le “vivre ensemble” (vous n’aurez pas ma haîiiiiiiine) on a un parfait exemple de ce qu’est réellement l'”antiracisme” 🤮 : des slogans ineptes appris par cœur par des robots sans âme et sans ❤ et ayant pour but de parer la plus grande saleté morale, la plus abjecte inhumanité du 😷 de la vertu.

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