Richard Prasquier. Leçon de mémoire et d’unité

Yom HaZikaron leHalelei Ma’arkhot Yisrael uleHalelei Pe’ulot HaEivah, le jour du souvenir des soldats tombés au cours des guerres d’Israel et des victimes d’actions terroristes

 Yom hazikaron a lieu le 4 du mois Iyar, sauf si ce jour, ou le jour suivant qui n’est autre que Yom Haatzmaout, jour de l’indépendance d’Israel,  tombe un Shabbat. Cette année Yom Hazikaron a commencé le soir du lundi 24 avril. Jour de recueillement qui précède un jour de joie, Yom Hazikaron laisse une forte empreinte à ceux qui y participent. 

Je ne vois pas de meilleure évocation de ce jour que la lettre que m’a envoyée mon fils Alain, qui a fait son Alyah il y a huit ans avec son épouse et leurs quatre enfants, dont le troisième fait actuellement son service militaire chez les parachutistes

La voici:

“Dans ce pays naturellement désinvolte, il y a une solennité naturelle dans les cérémonies du souvenir.  Les enfants israéliens habituellement agités et souvent capricieux se retrouvent assis pendant plusieurs heures, habillés de blanc et le visage sérieux dans les cérémonies qui se tiennent dans chaque quartier et chaque école du pays le jour de Yom Hazikaron.

Ils préféreraient être ailleurs sans doute, à jouer avec l’insouciance légitime des enfants ou plongés dans leurs téléphones avec le cynisme détaché des adolescents. Pourtant, ils sont là. Attentifs. Ils écoutent les noms des jeunes de leur quartier qui ont perdu la vie pour le pays. Peu importe qu’ils soient morts en 1930 ou en 2020. Ces garçons – et parfois ces filles – avaient 18, 19 ou 20 ans. Leurs rêves n’étaient pas étrangers à ceux de ces auditeurs attentifs. Ils avaient presque le même âge.

Les lycéens qui écoutent les chants et les paroles déchirantes des familles des disparus, savent qu’à leur tour, eux aussi  seront convoqués pour servir leur pays. Pour ceux qui vont servir ou qui vont voir leurs enfants servir, ce jour est un test, en particulier chez ceux pour qui vivre en Israël a été un choix délibéré.

En France, l’appartenance à la Nation n’a pas d’incarnation commune. La notion de Nation elle-même  est devenue distante, le projet collectif est flou et parfois, le drapeau tricolore lui-même a été pris en otage par une  extrême droite qui n’avait pas abdiqué son antisémitisme.

Ici, en marche dans les manifestations, debout dans les cérémonies du jour de la mémoire, virevoltant dans les célébrations de la fête nationale, sur notre terrasse ou les rétroviseurs de nos voitures, le drapeau d’Israël est omniprésent dans nos vies. La Nation est incarnée par le drapeau, par les cérémonies qui célèbrent ses héros et ses disparus, par les soldats qui la servent. On croise la Nation au quotidien, dans les bus, les rues ou les centres commerciaux. Quand un soldat en uniforme est en permission, c’est la Nation qui rentre à la maison.

Alors, dans ce pays de l’irrévérence et de la chutzpah, quand sonne la sirène de la mémoire, le tumulte du quotidien se tait. Chacun s’isole dans le silence de la minute et, de cette introspection impromptue et individuelle, on émerge tourné vers les autres. Car, cette expérience de la mémoire, du deuil, de la souffrance et de l’absence, toute personnelle et intime qu’elle soit, est, en Israël, une expérience véritablement collective. Ce jour de mémoire, comme l’est le jour de fête nationale qui le suit, est un jour partagé. 

Chaque soldat en service reçoit ce jour la mission de garder la tombe d’un soldat disparu, à apprendre son histoire et d’accompagner la famille. Ainsi vit la mémoire des enfants tombés pour Israël. Ce ne sont plus seulement des noms gravés dans la pierre d’un monument aux morts, comme on voit tant dans les cimetières des campagnes françaises, Israël rappelle à ses enfants d’aujourd’hui l’histoire de ses enfants d’hier. 

Un par un.

Nous avons déraciné nos enfants du confort de la vie française. Ils doivent maintenant donner au pays qui nous a accueilli presque 3 ans de leur jeunesse. Ce risque que j’ai imposé à mes enfants, ce sacrifice que je n’ai pas fait moi-même, semble insensé.

Et pourtant, dans ce pays, lui aussi  insensé, quand sonne la sirène assourdissante de la mémoire, je sais, sans le moindre doute, que ici la vie a du sens”.

A cette lettre, j’ajouterai un détail.

Notre petit fils Ben était assigné ce jour-là à se tenir devant une tombe dans un cimetière militaire. C’était celle d’un jeune soldat, arrivé peu auparavant de Turquie, qui fut tué au cours de la guerre du Kippour. Pendant la cérémonie, alors que Ben montait la garde, le frère, aujourd’hui octogénaire, de ce jeune homme est venu se recueillir avec sa famille. Il a raconté à notre petit-fils l’histoire de son frère.  Ce garçon n’était soudain plus un simple nom, cinquante ans plus tard, c’était un autre lui-même. Je suppose que bien des soldats d’Israël d’aujourd’hui ont eu ce jour-là la même expérience. 

 Le recueillement, la gravité mais aussi la sérénité de Yom Hazikaron contrastent avec certaines stridentes polémiques du quotidien du pays. Israël offre ce jour-là une émouvante leçon de mémoire et d’unité. A chacun de ne pas l’oublier…

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1 Comment

  1. Très émouvant Richard Prasquier. Ce peuple d’Israël contradictoire dans ses attitudes mais fidèle à la Mémoire. Honorant ses soldats un par un , egrenant leurs noms :ils ont donné leur vie pour que notre Terre Sacrée vive.

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