La Colonne de Judith Bat-Or. Journal d’une Invisible. -5-

Il ne faut pas juger. Surtout pas juger. S’il y a bien quelque chose de mauvais, dans le monde, quelque chose de nocif, c’est justement juger. Les bons et les méchants, ça n’existe pas, parce que, vous savez quoi ? Il y a toujours deux côtés à une histoire – citation paraît-il de Marilyn Monroe. On a dit ça, on a tout dit.

Sauf que, en vérité, il y a des bons et des méchants, des victimes et des bourreaux, des gens honnêtes et des escrocs, des bienfaiteurs et des salauds. Quoi que soient les motifs des uns et circonstances atténuantes des autres. Et pour ma part, naturellement, je me mets du côté de qui se fait tabasser, femmes, enfants,  chiens, chats ou pingouins.

Là, vous vous demandez : quelle mouche l’a piquée, l’invisible ? On dirait qu’elle perd pied, dépassée par l’évolution de notre société et des mentalités. Elle et sa morale d’avant, ses jugements d’antan…

Patience, j’y viens. À la mouche qui m’a piquée.

Ce matin, je suais tranquillement sur mon tapis de course. Après avoir parcouru huit kilomètres sur place, j’étais presque au bout de mes peines. Mon Podcast du jour venant de se terminer – « Pourquoi tout ce qui a bon goût est-il mauvais pour nous ? » Non. Je ne vous dirai pas. Pas maintenant en tout cas. J’ai d’autres crèmes à fouetter –, je passe sur les infos et tombe sur Pinat hatarbout, le coin de la culture. Un des coins les moins dangereux de l’actualité, vous avouerez. Si j’avais su !

Au début, tout va bien. Le présentateur nous raconte que souvent les artistes qui se produisent en Israël sont plutôt en fin de carrière, mais justement pas celui dont il va nous parler. Celui-là est au top avec des milliards de vues sur YouTube, un rappeur au zénith, pas celui de Paris (sinon, évidemment, j’aurais mis une majuscule). Travis Scott, pour le nommer, est une star mondiale du rap. Et il a fait l’honneur de sa présence à Tel-Aviv, offrant au public israélien, pour la bagatelle de 330 euros le billet, environ, un concert de soixante-deux minutes, son standard. 

Et là ! 

J’appuie sur ce « là », car il marque un tournant. 

Et LÀ donc, le journaliste raconte que la venue de cette star a failli être empêchée par un problème judiciaire. Sans doute une broutille, me dis-je. Non, me réponds-je, en entendant la suite… En effet, un soir qu’il se produisait sur une petite scène, notre grand artiste, très populaire je le rappelle, a cogné l’ingénieur du son car mécontent de son travail. Et là-dessus, les policiers, pas mélomanes pour deux sous, n’ont pas eu l’air d’apprécier. Enfin, heureusement, Travis a pu échapper à ces « chicaneries » et arriver à temps pour son concert à Tel-Aviv.

Inexorablement, en moi, la tension grimpe, d’autant que j’ai oublié de réduire l’inclinaison de mon tapis de course et que je monte, je monte, je monte, comme la petite bête, depuis près d’une heure et demie.

Le reportage du coin culture pourrait s’arrêter là, avec une création du rappeur en question, qu’on juge sur pièce si on aime ou si on n’aime pas. Surtout que moi, à force de surchauffe, je suis cuite. Mais non. Personne ne m’écoute jamais. Invisible je suis, inaudible je demeure. Et je me prends le pompon en plein vol : l’interview du producteur du concert de la star Travis.

Ce monsieur nous explique que pétages de plomb et castagnes sont courants dans le monde du rap. En gros, ça fait partie du folklore. Et comme il ne faut pas juger, le producteur ajoute, pour nous rassurer sans doute : « Travis Scott est un bon gosse ». Texto. Un bon gosse… Ah ben fallait le dire ! Du coup, je l’aime déjà. Que m’importe que, pris d’alcool, il ait envoyé aux urgences un ingénieur du son et détruit du matériel pour des milliers de dollars. Il devait avoir ses raisons. Ce n’est quand même pas ce minable qui joue dans les coulisses avec ses zéros followers qui va entraver la carrière de ce « bon gosse » si populaire !

Voilà, quelle mouche m’a piquée. 

Aussi, je le déclare solennellement : je juge, j’ai jugé, je jugerai. Que ce soit Travis Scott, ou le bon Dieu. Oui, lui aussi n’a qu’à bien se tenir. Et il le sait.

© Judith Bat-Or

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1 Comment

  1. c’est excellent , avec drôlerie et justesse, justice est faite pour Travis Scott dont je n’avais jamais entendu parler, mais moi le rap ce n’est pas trop mon truc, Judith, elle, en connaît un rayon et remet à sa place ce type qui rap et qui dérape .

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