Rémi Brague et Richard Malka en désaccord sur la question: “L’islam peut-il être tolérant?”

Rémi Brague et Richard Malka. Photo Frédéric Stucin

Un entretien mené par Alexandre Devecchio et Pierre-Alexis Michau

GRAND ENTRETIEN – Dans son Traité sur l’intolérance, l’écrivain et avocat deCharlie Hebdo oppose un islam des lumières et un islam des ténèbres. Une distinction que le philosophe Rémi Brague, membre de l’Institut et auteur de Sur l’islam réfute, convaincu que le Coran est immuable, ce qui rend, selon lui, la frontière entre islam et islamisme difficile à tracer.

LE FIGARO MAGAZINE. – Le recteur de la grande mosquée de Paris a déposé plainte mercredi 28 décembre contre Michel Houellebecq, pour provocation à la haine contre les musulmans. Cette plainte, depuis retirée, visait des propos qu’il a tenus dans la revue de Michel Onfray “Front populaire”. Selon vous, Richard Malka, cette plainte était-elle une forme de censure ou était-elle légitime?

Rémi BRAGUE. – Le premier propos incriminé, où il affirme “Quand des territoires entiers seront vraiment sous contrôle islamiste, alors je pense que des actes de résistance auront lieu. Il y aura des attentats et des fusillades dans des mosquées, dans des cafés fréquentés par les musulmans, bref desBataclan à l’envers”  ne pose, en réalité, aucun problème. C’est une hypothèse, il parle de “Bataclan à l’envers”, ce qui montre bien qu’il considère cela comme du terrorisme. Cependant, le second propos en question, à savoir “Le souhait de la population française de souche, ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, mais qu’ils cessent de les voler et de les agresser…”, est plus problématique.

Il ne critique là plus seulement l’islam mais les musulmans, et met en cause une communauté en raison de sa religion. C’est la différence que je me tue à faire, on a tous les droits pour critiquer les religions et idéologies, mais pas les communautés à raison de leur religion. Son propos pourrait donc relever des lois contre le racisme, bien que l’appréciation soit extrêmement délicate. Toute l’ambiguïté réside dans le fait qu’il fait parler les Français. Est-ce qu’il s’agit d’une fausse distanciation rhétorique, ou d’un simple constat? C’est un débat très compliqué.

Je ne suis pas juge, mais je pense que lorsqu’on est un intellectuel de son niveau, et l’écrivain français le plus lu au monde, ça oblige à avoir une parole publique un minimum précise et responsable, ce qui n’a pas été le cas. Ce qu’on peut noter, c’est que les deux auteurs de cette controverse en sont sortis par le haut, en débattant. Michel Houellebecq lui-même a reconnu que son propos n’avait pas été forcément très bien formulé, puisqu’il est revenu dessus. C’est très bien ainsi, et ça vaut mieux que tous les débats judiciaires.

Michel Houellebecq a été accusé d’être “islamophobe”, Rémi Brague, comment interprétez-vous l’usage de l’expression “islamophobie”, qu’est-ce qu’elle signifie et qui l’a forgé?

Rémi BRAGUE. – Cette notion en tant que telle ne signifie rien. C’est avant tout une insulte, etcomme toutes les insultes elle n’a pas de solidité sémantique très forte. Nous savons maintenant, grâce à deux chercheurs du CNRS, qui a employé en français pour la première fois ce terme d’islamophobie. C’est un administrateur colonial français qui s’appelait Alain Quellien, et qui a écrit en 1910 un livre selon lequel la colonisation française n’a pas à avoir peur de l’islam, parce que les musulmans acceptent finalement assez bien la présence française. Il est très intéressant de voir que ce livre fait preuve d’une sorte de paternalisme envers les populations colonisées. Quel lien fait une comparaison entre l’islam et le christianisme, il dit que ce dernier est trop compliqué pour les Africains, et que par conséquent l’islam est bien pour “ces gens-là”. Il y avait donc derrière son anti- islamophobie, une vraiecondescendance coloniale.

Et c’est important de rappeler cela, car on a parfois l’impression que dans certains cercles intellectuels, germanopratins et autres, il y a une attitude qui relève de ce paternalisme colonial. Ils affirment “nous autres, Européens, nous sommes libérés sexuellement, nous sommes capables de critiquer toute chose, nous sommes très intelligents, en revanche pour les musulmans, il faut les laisser mariner dans leur jus traditionnel culturel, car ils ne sont pas aussi malins que nous”. Donc les “bien- pensants”, sous couvert de bonne conscience, ont préservé des réflexes coloniaux.

Richard MALKA. – J’adhère totalement à l’idée de Rémi Brague. En 2007, je plaidais déjà pour Charlie Hebdo, et affirmais que les véritables racistes étaient ceux qui nous accusaient d’islamophobie. Parce que nous, à Charlie Hebdo, on traitait toutes les religions de la même manière. Alors que ceux qui nous incriminaient considéraient que les musulmans n’étaient pas capables d’avoir du recul par rapport à leur religion, n’avaient pas d’humour, et qu’il fallait donc les traiter à part. Ils voulaient une loi pour limiter la liberté d’expression spécifiquement s’agissant de l’islam. C’est le vrai racisme, c’est extrêmement paternaliste.

Évidemment, comme l’a dit Salman Rushdie, l’islamophobie est une arme de censure pour que les aveugles le restent, pour empêcher toute critique de l’intégrisme, du fanatisme, de l’islamisme, des Frères musulmans… C’est une arme de l’idéologie victimaire pour culpabiliser l’autre en permanence et le faire taire.

Justement, vous citez dans votre livre Voltaire qui qualifie le christianisme de “religion la plus ridicule, la plus absurde, la plus sanguinaire qui ait jamais infecté le monde”.Est-ce qu’on pourrait dire ça de l’islam aujourd’hui?

Richard MALKA. – Ce serait très difficile d’avoir de tels mots dans le débat public aujourd’hui,mais c’est parfaitement licite. Personnellement, je n’ai aucun problème à ce que l’on tienne ces propos. Encore une fois, la critique des croyances est libre, et la critique des personnes à raison de leurs croyances ne l’est pas. Il faut enseigner cette différence, parce que les enfants aujourd’hui pensent qu’on ne peut pas critiquer une religion, que c’est du racisme.

La France d’aujourd’hui n’est clairement plus le pays de Voltaire. Que ce soit sur la question de l’islam ou sur une multitude d’autres questions, la liberté de religion ne se porte pas bien. On n’ose plus exprimer des opinions tout à fait licites, parce qu’on a peur des réseaux sociaux, peur d’être victimes d’attaques, de mise au ban, d’accusation d’islamophobie… La liberté d’expression devient un art difficile à exercer.

Rémi Brague, quand on parle de l’islam, de quoi parle-t-on? Est-ce qu’on parle simplementd’une religion, ou d’une culture, d’un système juridique? Y a-t-il un islam ou plusieurs?

Rémi BRAGUE. – L’ennui est que nous n’avons qu’un seul mot pour parler de l’islam, alors que nous en avons au moins deux pour parler du christianisme, nous parlons effectivement de la “chrétienté” et du “christianisme”.  La chrétienté est un domaine de civilisation que l’on peut limiter dans l’espace et dans le temps. Ce n’est pas des gens, ni une croyance, mais plutôt des pratiques. Quant au christianisme, il s’agit d’une foi, la foi en Jésus verbe de Dieu. Et on doit distinguer les deux, tout comme on devrait distinguer plusieurs choses dans l’islam. Il y a l’islam comme attitude fondamentale de remise de soi entre les mains de Dieu, comme le veut le sens de la racine “arabe”.

Cela se distingue de l’islam comme religion, avec un système de dogmes et de pratiques, les fameux cinq piliers que tout le monde connaît. Il y a aussi l’islam comme civilisation, avec des limites géographiques et temporelles, et qui se définit comme étant le “domaine de la paix”. Enfin,on peut encore distinguer un quatrième sens, quand on parle par exemple du réveil de l’islam, cela renvoie aux populations, aux gens.

Cette distinction fondamentale entre les gens et leurs croyances ne demande pas un grand effort à concevoir, il est donc étonnant que beaucoup n’y arrivent pas. Tout le monde distingue le tabac et les fumeurs, et personne n’accuserait de “tabac-phobie” ceux qui mettent sur les paquets de cigarettes des photos horribles de cancéreux. Et les véritables amis des fumeurs, ce ne sont certainement pas ceux qui nient les effets délétères, mais plutôt ceux qui leur recommandent de faire attention. Mais, de fait, beaucoup de gens ont du mal à concevoir que si l’on attaque une religion, on n’insulte pas pour autant les croyants.

Richard Malka, on entend très souvent que l’islamisme représente une petite minorité qui n’a rien à voir avec l’islam. Est-ce le cas et faut-il faire la distinction entre islam et islamisme?

Richard MALKA. – Pour reprendre les mots de mon défunt ami Abdelwahab Meddeb, l’islamisme est le cancer de l’islam. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Depuis les débuts de l’islam, il y a toujours eu deux visions qui se sont affrontées. Il y a une vision plaçant la liberté de l’homme et la raison au centre de la religion, c’est l’islam des premiers siècles, du savoir, de la connaissance, des grands philosophes, pendant que l’Occident était, lui, dans l’obscurantisme. Mais il y a aussi un islam littéraliste, qui refuse l’interprétation des textes et pense que le Coran est incréé, qu’il s’agit des paroles de Dieu lui-même et non de son Prophète et dans ce cas, c’est une parole figée à tout jamais. C’est un islam de la soumission, de l’obéissance, du refus de la raison… Il y a toujours eu un mouvement de balancier entre les deux.

Malheureusement, l’islam radical est financé partout dans le monde par la vision sectaire wahhabite depuis des décennies. L’inquiétude, c’est que ce courant-là devienne l’orthodoxie.

Ce n’est pas forcément le courant le plus important en nombre, mais c’est celui qu’on entend le plus. C’est le plus revendicatif, le plus militant, le plus financé. L’autre courant, pour lequel la religion se vit tranquillement, n’a pas nécessairement envie de s’exprimer. Il y a donc un déséquilibre et une pression qui s’exerce.

Rémi brague, y a-t-il aussi deux visions de l’islam pour vous? Doit-on faire la disctinction entre islam et islamisme?

Rémi BRAGUE. – Je dois avouer un certain agacement lorsque l’on me dit “il n’y a pas un quelque chose, mais des quelque chose”, c’est une manière de botter en touche et de se permettre un choix là où les choses sont bien plus compliquées. Si l’on parle des philosophes, c’est quand même Averroès qui a écrit “il faut tuer les hérétiques”, et pas dans une œuvre juridique mais philosophique. Ibn Arabi semble partager dans ses écrits la vision édulcorée de l’islam que Richard Malka décrit, mais lorsqu’il est consulté en tant que juriste, il insiste pour que l’on applique de manière très stricte des règles qui ont explicitement pour but de maintenir les communautés non musulmanes vivant en territoire musulman dans une sorte d’humiliation permanente. Il n’y a donc pas deux conceptions hétérogènes.

“L’islamisme est un islam impatient, et l’islam un islamisme patient. Mais je me demande si le but dernier ne serait pas le même pour les deux“. Rémi Brague

La différence est assez difficile à tracer entre islam et islamisme, c’est une différence de degré plutôt que de nature. L’islamisme est un islam impatient, et l’islam un islamisme patient. Mais je me demande si le but dernier ne serait pas le même pour les deux. La véritable différence n’est pas entre islam et islamisme, mais entre la religion islam/islamisme, et les musulmans de chair et d’os qui ont envers l’islam une attitude qui peut varier, de l’adhésion sans réserve à un vague sentiment d’appartenance.

On entend souvent dire que l’islam est à la fois une religion, une civilisation, un système juridique, qui ne fait pas forcément de différence entre l’ordre spirituel et l’ordre temporel…

Rémi BRAGUE. – Beaucoup affirment, en effet, que l’islam ne distingue pas le religieux du politique,et l’opposent à la phrase de l’Évangile “Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui à Dieu”. En vérité, ce qui n’est pas distingué dans l’islam, c’est l’ensemble des normes qui règlent la vie humaine. La politique répond au problème de savoir comment vivre ensemble dans la cité. Mais il y a d’autres problèmes qui impliquent des normes, comme la morale individuelle par exemple. Tout cela est réglé par le système de normes islamiques, dont le politique n’est qu’une petite partie.

Ainsi, la différence n’est pas entre le politique et le religieux, mais entre le normatif tout entier et le religieux. La question est aussi celle de l’origine des normes. Car, pour les musulmans, le seul législateur est Dieu, et nul gouvernant, quelle que soit sa légitimité, ne peut rivaliser avec Dieu.

Richard Malka, pourquoi faites-vous la distinction entre deux islams?

Richard MALKA. –Il me paraît compliqué de dire qu’il y a d’un côté la religion qui n’est pas tolérante en soi, et de l’autre côté les musulmans qui, eux, pourraient l’être. Parce qu’une religion n’est que ce qu’en font les hommes. Je ne crois pas du tout que ce soit le texte du Coran qui pose problème plus qu’un autre. Si l’on prend le christianisme, c’est une religion beaucoup plus pacifique que les deux autres monothéismes ; la Bible est un texte de paix et d’amour. Sauf que ça a quand même donné l’Inquisition, les guerres de Religion, l’évangélisation forcée… en partant d’un texte pacifique. De même pour la Torah, qui est le texte religieux le plus rude des trois, car écrit mille ans avant le Coran, cela n’a pas empêché l’évolution du judaïsme par ses réinterprétations constantes. Le judaïsme d’aujourd’hui n’a ainsi quasiment plus rien à voir avec le judaïsme des origines. Donc je ne suis pas convaincu que la question des textes soit si importante. Tout n’est pas figé, il peut y avoir une évolution positive ounégative.

Mais l’évolution actuelle de l’islam est assez négative, du fait de l’influence du wahhabisme. L’Arabie saoudite et le Qatar financent beaucoup de mosquées et d’associations à travers le monde, avec une volonté d’interférer dans ces pays. On a, malgré tout, vu un basculement ces derniers mois en Iran, et on peut espérer que la première lueur d’espoir viendra de là. Cependant, on ne peut nier un raidissement de l’islam partout dans le monde depuis cinquante ans.

Rémi Brague, êtes-vous d’accord avec cette idée que les religions ne sont pas figées par les texteset sont ce que les hommes en font?

Rémi BRAGUE . – Jusqu’à un certain point, je partage ce qu’a dit Richard Malka, mais avec certaines retenues. Je suis évidemment un homme des textes, c’est mon travail. On peut aisément montrer que l’inquisiteur Torquemada a trahi l’Évangile, mais bien moins facilement que Daech trahit le Coran. Et il faut voir la difficulté qu’ont eue les gens d’al-Azhar à émettre une condamnation envers les djihadistes, parce que Daech leur disait “Lisez la biographie du Prophète, c’est exactement ce que nous faisons”. On peut citer l’exemple du malheureux pilote jordanien qui a été brûlé vif par Daech, et là il y a eu une discussion avec les gens d’al-Azhar qui ont dit “Non, il fallait juste lui couper une main et un pied, seul Dieu brûle les pécheurs en enfe”. Daech a donc répondu qu’un compagnon du Prophète avait brûlé vif ses adversaires, et que ça ne pouvait donc pas être entièrement mauvais.

Au contraire, il est bien plus difficile de justifier les croisades par l’Évangile. De plus, les croisades sont un fait historique daté, alors que le djihad est une obligation permanente, qui n’est pas située dans le temps et peut prendre différentes formes, pacifiques ou non. C’est une obligation qui est censée venir de Dieu, car le Coran, pour les musulmans, a pour auteur Dieu.

Richard MALKA. –Vous mettez le doigt sur une controverse fondamentale, entre ceux qui considèrent que le Coran est immuable et ceux qui se laissent une marge d’interprétation. Les hanbalites, qui ont enfanté des wahhabites et des salafistes, avaient une conception figée des écritures saintes, alors que la première école de l’islam, les mutazilites, refusait de considérer le Coran comme incréé, puisque passé par la médiation d’un homme, Mahomet. Nous ne sommes jamais sortis de cette discorde initiale.

Il y a deux Coran, un Coran libéral, celui de La Mecque, et un plus belliqueux, celui de Médine. Richard Malka

Concernant le Jihad comme obligation, il faut bien rappeler que le Coran dit tout et son contraire, et assume ces contradictions. Certes, il y a le verset de l’épée, mais il est aussi écrit “Il n’y a nulle contrainte en religion” et “Si Dieu avait voulu que tout le monde croie, tout le monde aurait cru, qui es-tu, toi, pour contraindre les gens à croire?” Il y a donc deux corans, un coran plus pacifique, celui de la Mecque, et un plus belliqueux, celui de Médine. Ce sont les hommes qui sont à l’origine de ces contradictions. Et les musulmans peuvent se référer à une partie comme à l’autre. Lors de la construction de l’empire abbasside, on s’est demandé comment résoudre tout cela. Ils ont donc réuni des juristes et ont décidé de l’abrogation de la partie pacifique au profit la partie belliqueuse, parce qu’ils avaient besoin d’un texte plus agressif pour la construction de l’empire. Tandis que lethéologien Mohamed Taha, au XXe, considérait que c’est la deuxième partie du Coran, celle de Médine, qu’on devrait laisser de côté, car ce n’est qu’un texte de gouvernement à un moment donné à Médine, et que la partie universelle du Coran est la première, celle pacifique. Donc le choix entre l’une et l’autre partie dépend bien des hommes et des situations.

Rémi BRAGUE . – Richard Malka, vous dites que le Coran assume lui-même ses contradictions, pourtant on lit à la sourate 4 verset 84: “S’il y avait des contradictions dans le Coran, cela prouverait qu’il ne vient pas de Dieu”. Deuxièmement, pour répondre aux contradictions du Coran, on peut appliquer la théorie de l’abrogation qui donne l’avantage au verset révélé le plus tard. Donc l’existence de ces ambivalences ne pose aucun problème aux musulmans, il suffit d’appliquer ce principe. Il y a un verset qui dit “Ce n’est pas bien de boire, ne venez pas ivre à la prière”, un deuxième affirme “Vous devriez ne pas boire”, et enfin un troisième proclame “Il est interdit de boire”. Et c’est le dernier verset qui fait force de loi, les musulmans ne boivent pas d’alcool.

Richard Malka, vous dites dans votre livre qu’il y a la possibilité d’un islam des Lumières…

Richard MALKA. – C’est un espoir et il ne faut jamais abandonner l’espoir. Il s’est passé au début du XXe siècle en France une rencontre entre al-Afghâni et Mohamed Abdou. Et de cette rencontre est née “la Nahda”, un mouvement de modernisation de l’islam. Notre pays a la plus grande communauté musulmane d’Europe et nombre, au sein de cette communauté, sont acquis aux valeurs républicaines. Des millions de musulmans ne se sentent pas représentés dans cet islam littéraliste, rigoriste, des Frères musulmans ou des salafistes. On peut espérer, en France, pays universaliste et républicain, une petite étincelle qui réinventerait l’islam. Il suffit de choisir une autre lecture du Coran, comme beaucoup le font déjà.

Rémi Brague, est-ce que vous partagez cet espoir? Quel est votre point de vue sur la situation de la France aujourd’hui et les courants de l’islam?

Rémi BRAGUE . –Il faut préciser que les mutazilites n’étaient pas non plus des enfants de chœur, ils étaient partisans de la liberté métaphysique pour que l’homme puisse être récompensé et condamné justement. Mais ils n’hésitaient pas à envoyer leurs adversaires devant les CCS, les compagnies califales de sécurité. L’islamologue Ignác Goldziher disait que ce fut une chance pour l’islam qu’il n’y ait eu que trois califes qui ont soutenu les mutazilites.

Quant à la situation actuelle, il y a effectivement quantité de musulmans qui regardent leur propre islam avec des yeux qui ne sont pas ceux de Chimène, et qui n’hésitent pas à critiquer les dérives radicales. Seulement, il faudrait que des non-musulmans les soutiennent au lieu de se taire par crainte d’être traité d’islamophobe. La balle est dans notre camp.

https://www.lefigaro.fr/vox/religion/remi-brague-et-richard-malka-l-islam-peut-il-etre-tolerant-20230120

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7 Comments

  1. Nous juifs du monde arabo musulman sommes les temoins vivants du fait que l islam n est pas monolithique et intolerant , malgré les vicissitudes , nous avons survecu dans des pays a 99% musulman , et souvent dans des conditions tout a fait acceptables , ou par moment dans certains cadres harmonieux .
    L islamisme est une crise , mais il faut croire a la coexistence , et je la crois possible .

    • L’histoire de repasse pas les plats.
      Il faut tenir compte de l’évolution de l’islam au cours des siècles, qui ne s’est pas faite, à l’evidence, dans le sens de l’apaisement des masses musulmanes. Bien au contraire, toutes “autorités” musulmanes confondues, nous devons admettre que le séparatisme s’est opéré et l’Autre, celui de la rue est enseigné par les parents, les “grand freres”, les prêcheurs et autres dirigeants musulmans, comme un Dhimmi, un infidèle dont la vie a la valeur que le musulman veut bien lui accorder. Partant de ce constat, de plus en plus répandu, il est difficile
      d’entrevoir une évolution pacifique de la pensée islamique, et surtout des rapports humains entre musulmans et non musulmans. C’est ce point qui est essentiel pour l’avenir de l’humanité toute entière.

  2. On en revient toujours à ce point essentiel : parler d’une “islamophobie” imaginaire est honteux, voire criminel car contrairement à l'”islamophobie”, la judeophobie et la christianophobie sont elles bien réelles : c’est même une véritable hécatombe. On voit bien à quel point cette inversion des rôles est catastrophique : Samuel Paty a été assassiné parce qu’on l’accusait d’être islamophobe. Après les attentats de 2015 et 2016 l’immonde presse américaine (et anglophone) a mené des campagnes de presse sur une prétendue islamophobie en France alors que des centaines de Français venaient d’être assassinés : le NYT et WP qui ne reculent devant aucune forme de mensonge et d’abjection propagent régulièrement des fake news contre la France pour soutenir les islamistes comme ce que fait la presse française avec Israël. La néo fasciste Rockaya Diallo fait partie de ceux qui ont incite à la haine contre Charlie Hebdo :et c’est devenue une coqueluche médiatique (même Marianne ayant vendu son âme lui offre une tribune) ! Alors qu’elle aurait dû être condamnée par la justice pour ses propos racistes et incitant à la violence c’est elle qui a inventé un procès contre l’excellente et irréprochable Céline Pina.
    Si notre société était encore civilisée on ne poserait même pas ce genre de débat parce que : ceux qui utilisent le terme islamophobie ce terme seraient poursuivis en justice et non l’inverse.

      • Le procès contre Pina était un peu du même ordre que celui contre Bensoussan. On en a moins parlé mais c’est un scandale de la même nature. Les consignes données par l’Élysée, Matignon, Dupnt Moretti et Pap Ndiaye sont en outre parfaitement claires : on ne fait rien contre l’islamisme, on censure tous les faits graves, on diabolise les lanceurs d’alerte et in fine on flatte les islamistes pour obtenir leurs voix. On agite l’épouvantail imaginaire du RN afin de renforcer le fascisme bien réel : l’Axe islamistes/indigénistes/macronistes (europeistes et “””progressistes”””).

  3. Rémi Brague est le plus lucide des deux. D’accord aussi avec @Safek et @Judith Roy.
    Mais n’oublions pas qu’il existe de nombreux Arabes ex musulmans qu’il faut soutenir. Tout comme les non-racisés que nous sommes (mais à un moindre degré), ils sont de plus en plus en danger et ne peuvent espérer de soutien de la part de l’Etat collaborationiste français ni de l’Eurofascisme.

    Quant aux musulmans totalement modérés ils existent mais sont rares.

  4. Enfin une analyse honnête, textuelle, sans vitupération ou indignation réchauffée, des fameuses “phrases” de Michel Houellebecq. Merci à Rémi Brague, qui en déplie l’ambiguïté en vrai lecteur, et apprécie du même coup le courage de Michel Houellebecq, qui est un courage textuel — celui d’être précis. Quel bien cela fait de lire quelqu’un qui lit bien !
    #oldFashionedScholars #ConservativeIsSexy #IloveRémiBrague

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